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allongé. Cette forme est facile à constater, car les travaux de recherches étant exécutés dans le flanc du coteau, laissent parfaitement entrevoir la coupe de ces puits funéraires, dont l'entrée était seulement accessible à des créatures de petite taille et de faible corpulence, si l'on en juge par les dimensions restreintes du conduit de descente, large de 50 à 60 centimètres.

A 150 ou 2 mètres du sol, le puits s'élargit brusquement et donne naissance à une excavation circulaire, ou reposent sous la forme d'un magma compacte de terre noirâtre et d'ossements qui cède assez facilement sous la pioche, les restes de l'antique population qui vécut sur ce point de notre département.

Les grottes découvertes et explorées par M. Armand, sont au nombre de cinq, ce qui, en ajoutant celle trouvée par nous, porte à six le nombre de ces sépultures. Nous allons maintenant, Messieurs, nous livrer à un examen sommaire de leur contenu.

Le puits fouillé par nous ne nous a point donné de haches, mais M. Armand en a extrait trente-quatre des cinq sépultures explorées par lui. Parmi elles, trente sont en silex de différentes natures, deux autres nous paraissent être en jadeite, car nous n'avons pu en déterminer la matière avec certitude; une autre est en roche schisteuse. (Collection Armand, Morel et Nicaise.)

Joignons à cette nomenclature trois marteaux-haches, nuclei de forme allongée, à pointes égales et qui devaient s'emmancher par leur milieu. (Collection Armand.)

Les haches en silex, trouvées par M. Armand, ont presque toutes une patine ou cacholong, plus ou moins accusé; on y rencontre toutes les formes particulières à l'époque de la pierre polie dans notre région, depuis la hache courte de forme légèrement ovoïde, jusqu'à la

hache longue et aplatie, qui se rapproche par son aspect des instruments danois, et la hache étroite appelée ciseau-hache. Un instrument de cette dernière variété offre cette particularité, qu'on en a par le choc détaché un couteau qui a été trouvé près de son nucléus, sur lequel il s'imbrique exactement. On voit nettement, au point de départ de ce couteau, l'encoche de taille caractéristique du procédé employé pour l'éclatement. (Collection Morel.)

Ces haches sont longues de 6 à 14 centimètres, sur une longueur, au tranchant, de 4 à 6 centimètres.

Il a été extrait des sépultures une cinquantaine de couteaux de toutes formes avec deux et trois plans de taille sur leur partie supérieure. Ces couteaux sont tous en silex pyromaque de la montagne de Reims. Cependant, nous avons trouvé dans la grotte, fouillée par nous, un éclat de couteau en silex de Pruilly placé près du cou de l'un des squelettes. (Collection Auguste Nicaise.)

La provenance de cet objet indique que, comme on l'a déjà souvent observé, les produits de cet important atelier étaient exportés au loin.

Nous ajouterons à cette catégorie d'instruments un joli couteau scie, en silex pyromaque transparent, long de 4 centimètres et demi, large de 2 centimètres et demi, et dans toute sa fraîcheur de taille. Tandis qu'un côté a été retaillé en dents très-fines, l'autre côté laisse voir un tranchant aussi vif que celui d'un instrument d'acier.

Nous devons également signaler un couteau-scie assez finement retaillé sur les bords. (Collection Armand.)

Les pointes de lance ne sont pas nombreuses dans les puits funéraires de Tours-sur-Marne. Il n'en a été trouvé que deux de forme irrégulièrement ovalaire, l'une longue de 7 centimètres et demi, et l'autre de 8 centimètres. Ces

deux armes sont retaillées le long des tranchants latéraux, et leurs surfaces présentent des retouches. (Collections Armand et Morel.)

Devons-nous ranger dans la même catégorie les deux belles pointes de lance trouvées au même lieu dans les déblais du canal latéral de la Marne au Rhin, et qui mesurent l'une 16 centimètres, l'autre 15 centimètres de longueur. Sont-ce des poignards ou des pointes de lance? Elles sont terminées à leur base par un talon d'emmanchement, et leur pointe, par une habileté de taille, est renforcée de manière à lui donner une forme presque ronde et par conséquent plus résistante. (Collection Morel.)

Une de leurs faces est unie, tandis que les deux autres ont subi des retouches sur le rebord. Elles rappellent ainsi certaines armes trouvées dans les dolmens et les longs barrows de l'Angleterre.

Ces instruments ont d'autant plus vivement attiré notre attention, que des pièces similaires, mais les surpassant par la beauté de la matière et de la taille, ont été découvertes par MM. Louis Lartet et Chaplain du Parc, dans la grotte d'Uruthy. Les explorateurs de ce riche gisement ont rencontré à sa base les ossements du lion et du renne, des dents gravées de l'ours des cavernes, puis, dans les couches supérieures, des œuvres qui paraissent inaugurer l'ère de la pierre polie.

Dans cette dernière couche, a été trouvée la belle pointe de lance ou poignard, finement retouchée sur les deux plans de sa surface supérieure, avec talon à la base pour faciliter l'emmanchement, et semblable par sa forme aux deux instruments de Tours-sur-Marne.

Il existe dans la collection Hay, au British muséum, un poignard en silex triangulaire de la même forme que ceux trouvés à Tours-sur-Marne. Cette œuvre a été décou

verte en Égypte, enchâssée dans un manche en bois, et M. de Mortillet a déjà signalé un poignard ou pointe de lance semblable, extrait d'une grotte du département de la Marne. On doit donc plutôt ranger ces armes dans la catégorie des poignards.

Il a été trouvé dans le même gisement un long couteau retaillé en scie et mesurant 21 centimètres de longueur; il est malheureusement brisé en deux morceaux à peu près égaux. Cet instrument se termine par une extrémité de forme aplatie et largement arrondie. Il est retouché sur les bords et tout le long de l'arête médiane qui divise ses deux plans de la face supérieure.

Les puits funéraires ont fourni de nombreuses flèches à tranchant transversal, soixante-dix environ, de dimensions variant de 4 à 1 centimètre de longueur, tandis qu'ils ne nous ont donné que deux spécimens de flèches à pointe d'une forme ovalaire allongée et retouchée à petits coups. (Collection Armand.)

Dans les sépultures de la Marne, à l'époque de la pierre polie, et à quelque genre qu'elles appartiennent, on ne retrouve donc, à de rares exceptions près, que la flèche à tranchant transversal. Ce type, qui a été rencontré sur plusieurs points en France et en Europe, notamment en Scanie, où on le trouve en abondance, est donc plus commun dans notre région que la flèche à pointe.

Or, on ne peut admettre, et cela d'après les trouvailles faites dans les puits-sépultures de Tours-sur-Marne, ainsi que dans les grottes de la vallée du Petit-Morin, que les quelques flèches à pointe de différents types qui y ont été rencontrées aient constitué tout l'armement des nombreux individus ensevelis dans ces hypogées.

Si la flèche à tranchant transversal avait été un outil, un instrument, pourquoi le rencontrer toujours avec des

XLII SESSION.

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cadavres. Il devait sembler plus noble à ces peuples de donner au guerrier ses armes pour compagnes de la tombe, ainsi que l'ont fait avant eux les populations de l'époque du renne ou des cavernes, comme le prouvent surtout les sépultures solutréennes, et comme l'ont fait plus tard les civilisations des époques du bronze, gauloise, gallo-romaine et franque.

Pour nous, la présence d'une flèche à tranchant transversal, engagée dans une vertèbre trouvée dans la vallée du Petit-Morin, nous paraissait déjà une preuve d'une certaine force en faveur de l'opinion qui en fait une arme, bien que les adversaires de cette idée répondissent qu'on peut tuer aussi bien avec certains outils qu'avec des armes; mais pour nous, et nous le répétons, la preuve la plus puissante en faveur de l'opinion qui voit une arme dans la flèche à tranchant transversal, c'est qu'on ne trouve qu'un petit nombre d'autres flèches dans les sépultures de l'âge de la pierre polie de notre département, dans lesquelles reposent certainement des populations guerrières, puisque, à cette époque surtout, la guerre et la chasse ont été deux des grandes nécessités humaines.

On n'a rencontré que deux grattoirs dans les puits funéraires de Tours-sur-Marne. L'un de ces instruments présente un type commun à toutes les stations de la pierre, l'autre est un éclat de hache polie. (Collection Armand.) L'absence de ces instruments vient encore confirmer ce que nous disions tout à l'heure au sujet des flèches à tranchant transversal, c'est qu'on trouve surtout dans les sépultures de cette époque des armes telles que haches, flèches, couteaux, et plus rarement des outils.

Les objets en os consistent en trois flacons organisés avec une partie d'un os long d'animal, obturé d'une manière fixe d'un côté par un bouchon de même nature, et

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