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la position ou le mode de sépulture des esclaves, indiqués par M. Liénard, dans le puits de Cumières. M. Buvigner n'a eu le temps d'aller voir ni ce puits, ni l'habitation voisine, pendant les quelques jours où les travaux des chemins de fer de la vallée de la Meuse les avaient mis à découvert; mais M. Ruelle, l'ingénieur qui dirigeait ces travaux, lui a communiqué des plans très-détaillés et trèssoignés, donnant exactement les mêmes indications (1).

Il ajoute que cette habitation préhistorique se trouvait dans un lieu dit la Cave. On ne trouve dans la contrée aucune autre trace de construction. Il serait très-curieux que ce nom se soit perpétué, depuis l'âge de la pierre, jusqu'à nos jours.

D'après la citation faite par M. Nicaise, la hache emmanchée serait encastrée dans un humerus de cheval. M. Buvigner pense que cet os est au contraire un fragment de bois de cerf ou de renne. Il ne peut préciser, ce tronçon étant à peu près poli à la surface. Mais il n'appartient pas à un os creux. Il est plein, et dans le fond de l'alvéole qui reçoit la hache, on remarque la texture poreuse des bois de ruminant.

M. de Baye a parlé de haches et de flèches quaternaires trouvées à la surface du sol. On a trouvé aussi des haches dans une partie du département très-éloignée de Baye. En travaillant à la carte géologique de la Marne, M. Buvigner a eu occasion d'étudier un phénomène plus ancien peut-être que l'existence de l'homme. C'est un changement survenu dans le cours d'un grand nombre de rivières ou de ruisseaux qui se déversaient dans un grand lac, entre

(4) Le doute auquel M. Buvigner fait ici allusion, n'émane point de M. Nicaise, mais de M. Bertrand, directeur du musée de Saint-Germain, cité par M. Nicaise dans son mémoire sur les puits-sépultures de Tours-sur-Marne. (Voyez plus loin, page 27.)

Saint-Dizier et Vitry. Là se réunissaient la Marne, la Blaise, la Saulx, la Chée, l'Ornain, l'Aisne, l'Ante, etc. En recherchant les limites de cet ancien lac, tracées par les galets, de natures différentes, qu'y amenaient ces affluents, en marquant sur la carte la séparation des dépôts de graviers et des marnes crayeuses sur lesquelles ils reposent, M. Buvigner a recueilli, en moins d'une heure, trois haches en silex poli recouvertes d'une patine de cacholong. Il n'a pas eu depuis occasion de rechercher si ces haches provenaient des dépôts de graviers parmi lesquels elles avaient été rencontrées, ou bien si elles s'étaient trouvées accidentellement à la surface du sol à proximité de ces graviers.

M. Nicaise répond aux observations qui viennent de lui être faites :

Il rappelle que la flèche à tranchant transversal, bien que répandue partout, se rencontre en Champagne, en plus grand nombre que les flèches des autres types.

Il pense qu'on peut déterminer un gisement du renne, sans trouver de débris de cet animal. Il cite les grottes de Menton, où on n'a pas trouvé le renne, et cependant, les archéologues reconnaissent que ce gisement est bien de l'époque du renne, et le rattachent à la civilisation de la grotte de la Madeleine.

M. Nicaise dit qu'il n'a d'ailleurs vu la collection de M. Aubrion, que par des dessins indiquant seulement la forme générale de ces instruments, et qu'il laisse à M. Aubrion la responsabilité des appréciations de son mémoire.

Sur la demande de M. de Baye, les questions 2, 3, 4, 5, 6 et 7, sont réservées pour la séance qui doit se tenir le jeudi, 26 août, au château de Baye.

La parole est alors donnée à M. Nicaise, sur la huitième question.

Quelles sont les découvertes faites dans le département de la Marne, de cimetières ou d'objets des époques du bronze ou du fer?

MESSIEURS,

Le département de la Marne, déjà si fécond en découvertes de l'époque de la pierre polie, vient encore de nous révéler un nouveau type de sépultures préhistoriques.

Nous connaissions déjà les grottes de la vallée du PetitMorin et de Saran, taillées dans la craie; la grotte de Mizy, qui se rapproche du type des dolmens, car elle ressemble par sa forme et les matériaux employés à son organisation à la cella d'un dolmen; aujourd'hui je viens vous entretenir des puits-sépultures de Tours-sur-Marne.

Cette découverte se produit d'ailleurs fort à propos, pour appuyer une autre trouvaille faite, il y a peu de temps, dans le département de la Meuse, par M. Liénard, de Verdun, membre correspondant du comité des travaux historiques, nous voulons parler du puits-sépulture de Cumières.

M. Alexandre Bertrand, le conservateur du musée de Saint-Germain, s'exprimait ainsi, dans la Revue des Sociétés savantes, au sujet de la sépulture de Cumières :

« Le mode de sépulture, doit attirer davantage. notre attention. Il s'agirait en effet, si les observations ont été bien faites, non d'un dolmen d'hypogée, ce qui est certain; mais, ce qui est moins évident, d'un véritable puits

funéraire de 150 de diamètre maximun, sur 160 de profondeur, puits creusé dans le sable ou le gravier quaternaire de la contrée.

<< Malheureusement, M. Liénard n'a été averti que trop tard, et n'a pu étudier la sépulture qu'après coup; je n'oserais donc affirmer la forme par trop régulière peut-être que notre correspondant donne à son puits. C'est toutefois un renseignement dont il est bon de prendre note; quelle que soit la forme de la sépulture de Cumières, il est intéressant de constater là un mode d'ensevelissement dont nous ne connaissions jusqu'ici aucun exemple en Gaule appartenant à des âges reculés. >>

M. Alexandre Bertrand vient de décrire en quelques mots nos sépultures de Tours-sur-Marne nous pouvons affirmer que ce mode d'inhumation est maintenant tout à fait reconnu par cette découverte et acquis à l'archéologie préhistorique.

Le village de Tours-sur-Marne est situé à vingt-deux kilomètres au nord-ouest de Châlons, sur les bords de la Marne, et du canal latéral de la Marne au Rhin, qui traversent là tous deux une verdoyante vallée.

Les coteaux crayeux qui, de ce côté, délimitaient le cours de la Marne aux temps quaternaires, lorsque ses eaux recouvraient toute la vallée, et qui, sur sa rive droite, dominent son cours depuis Vraux jusqu'à Mareuil-sur-Ay, se relèvent peu à peu après un léger abaissement, en aval de Tours-sur-Marne, et, à 400 mètres de ce village, atteignent une altitude de 10 mètres environ. C'est dans ce coteau, orienté au sud-ouest, qu'ont été découverts les. puits-sépultures.

Déjà, lors de l'établissement du canal latéral de la Marne au Rhin, les travaux exécutés dans le but d'abattre une partie de ce coteau, avaient mis au jour quelques-unes de

ces sépultures. Mais les objets et les ossements qu'elles renfermaient, avaient été pour la plupart jetés dans les déblais. Pourtant quelques-uns d'entre eux, remarquables par leurs formes, avaient attiré l'attention des ouvriers et des conducteurs de travaux. C'est ainsi que deux belles pointes de lances et un couteau, qui mesure 21 centimètres de longueur, furent sauvés de l'oubli; nous décrirons tout à l'heure ces remarquables instruments.

On trouva à peu près au même emplacement, mais dans une couche supérieure de déblais, des haches en bronze et des monnaies à l'effigie de Tétricus.

Ces découvertes étaient déjà presque oubliées, lorsque plus de trente années après, M. Armand, propriétaire de la belle usine de Meunerie, placée en aval du pont de Tours-sur-Marne, entre la rivière et le canal latéral, entendit parler de ces découvertes et fouilla les pentes du coteau, dont partie avait été abattue par des travaux antérieurs. Il trouva successivement cinq puits funéraires qui donnèrent de nombreux ossements et un mobilier fort intéressant de l'époque de la pierre polie.

M. Armand attira généreusement l'attention de M. Morel et la mienne sur ces gisements, et nous convia à y découvrir un nouveau puits. Après quelques essais infructueux, nous tombâmes rapidement sur une nouvelle sépulture inexplorée, moins riche cependant, en objets de l'époque de la pierre, mais excessivement abondante en ossements, car nous n'évaluons pas à moins de quarante les squelettes d'hommes, de femmes et d'enfants qu'elle renfermait.

Les puits-sépultures de Tours-sur-Marne, creusé dans cette terre mélangée de craie et de sable, qui recouvre le coteau sur une épaisseur de 2 à 3 mètres, ont l'aspect d'une bouteille de forme circulaire, aplatie et au col

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