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Dans vos courses infatigables, Messieurs, tantôt présents sur un point de la France, tantôt sur un autre, vous avez décrit nos superbes cathédrales, vous les avez célébrées dans leur ensemble et analysées dans leur détail. Rien de vraiment beau ne vous échappe; et, grâce à vous, plus d'un chef-d'œuvre de l'art chrétien a été restauré,

conservé et sauvé.

Les archives de nos départements, ces épaves précieuses échappées à la submersion du temps et à la destruction des révolutions, vous ont fait comprendre mieux qu'à d'autres combien l'influence du christianisme a été heureuse et salutaire en France pour les progrès de ses mœurs et de ses lois, à ce point qu'un grand historien qui, dans sa vie, ne fut jamais étranger au Congrès archéologique, de France, et put être considéré comme l'un de ses membres, M. Guizot, a pu dire : Les évêques ont fait la France pièce à pièce, comme les abeilles font leur ruche.

Les questions qui seront traitées dans votre Congrès auront, cette année, un intérêt très-élevé; mais, il faut le reconnaître aussi, plusieurs d'entre elles entrent dans des voies peu frayées, où, vous le savez, la présomption et la témérité se sont déjà plusieurs fois égarées. Je pense toujours, et vous pensez aussi que les plus grandes lumières que nous ayons sur les origines de l'homme se trouvent là où sont consignées les plus vieilles archives de l'humanité, dans la Bible.

Aussi, Messieurs, je n'en doute pas, en traitant des questions qni côtoyent nos croyances religieuses, vous éviterez de les offenser. Nous savons toute la liberté qu'il faut laisser à la science, aux géologues, et aussi à nos nouveaux Champollion, interprètes des hiéroglyphes préhistoriques. Nous ne transformons pas les questions chronologiques ou géologiques en questions de foi: cependant,

je crois interpréter les sentiments des présidents et directeurs du Congrès, en disant que tout disposés que nous sommes à écouter avec intérêt toutes les opinions, parce qu'elles seront toutes de bonne foi, les conclusions, quelles qu'elles soient, prises par les orateurs dans ces matières délicates et difficiles, n'auront d'autre autorité que leur autorité personnelle. Le Congrès ne fait que recueillir les observations et constater les découvertes.

Et maintenant, vous tous étrangers à notre cité et devenus nos hôtes, perinettez-moi de vous souhaiter la bienvenue. Vous êtes ici dans le chef-lieu d'un département qui compte parmi les plus riches de la France, en dépit de toutes les appréciations de ceux qui ne le connaissent pas. J'ajoute que vous êtes dans le pays le plus archéologique du monde, au milieu des plaines gracieuses de la Champagne, qui, bien différentes des plaines de l'Europe centrale, n'offrent nulle part de monotonie, mais bien plutôt, par les ondulations d'un terrain semé de bouquets de verdure, l'image d'une mer houleuse, qu'une volonté toute-puissante aurait fixée dans cet état pour le plaisir des yeux. L'homme a toujours aimé à habiter ce pays qui, dans ses horizons lointains, ses étages de collines superposées, ses espaces immenses, offre un souvenir de l'Orient, souvenir qu'un artiste aimerait à peindre sur sa toile. L'homme primitif aimait à s'asseoir sur une colline crayeuse, que n'encombraient pas les épaisses forêts qu'il rencontrait partout dans les Gaules, et je me représente avec plaisir l'homme préhistorique de la vallée du PetitMorin, creusant sa grotte dans la déclivité de la colline, et ayant derrière lui et au-dessus de sa tête des bois trèspénétrables pour la chasse, et les eaux alors très-profondes et très-limpides de l'étang de Saint-Gond, pour jeter l'hameçon et jouir du plaisir de la pêche. Les Gaulois, les

Celtes, les Romains avaient en Champagne leurs sentiers et leurs routes, leurs traditions et leurs écoles; et presque partout, en Champagne, on retrouve des traces de leur vie et de leur industrie.

Que de questions, Messieurs, nous nous sommes posées en présence des grottes de Coizard et de Courjonnet! Qui a construit ce fameux camp dit d'Attila? Quelles armées a-t-il abritées dans sa forte enceinte? Quelle est l'origine de nos plus vieux villages et de nos plus vieux châteaux? D'où nous viennent tant de locutions et de mots d'un langage moitié romain, moitié celtique?

Messieurs, ce sera votre honneur de répondre à toutes les questions que nous n'avons pu résoudre, à toutes les difficultés que nous n'avons pas éclaircies, à toutes les ignorances que nous n'avons pu combler; et il y aura longtemps que vous aurez quitté notre cité hospitalière, que Châlons redira les solutions que vous aurez proposées et les lumières dont vous aurez éclairé les problèmes qui, avant vous, nous avaient paru impénétrables dans leur obscurité comme les dieux d'Homère au ciel de l'Olympe, vous laisserez dans notre ciel de Champagne un sillon lumineux, qui demeurera longtemps après que vous nous aurez quittés.

M. Faure, maire de la ville de Châlons, prend ensuite la parole en ces termes :

MESSIEURS,

Permettez-moi de vous souhaiter la bienvenue au nom de la ville de Châlons. L'administration. municipale éprouve la plus vive satisfaction de pouvoir vous offrir l'hospitalité dans cet hôtel de ville, et c'est un grand

honneur pour notre cité d'avoir été choisie comme lieu de rendez-vous, par tant de savants distingués, dont quelques-uns sont venus de si loin. Au nom de tous mes concitoyens, je vous remercie, Messieurs, de votre présence dans nos murs.

Il y a tout juste vingt ans que se tenait ici même un congrès archéologique, et je ne puis songer à cette réunion sans que me revienne à la mémoire le souvenir de celui qui était l'initiateur de ces fécondes assises de la science.

Vous avez connu mieux que moi, Messieurs, l'illustre M. de Caumont, et il serait superflu de rappeler tous les services qu'il a rendus au pays, grâce aux institutions qu'il a créées. Fondateur, dès 1836, des congrès scientifiques de France, puis de la Société française d'Archéologie pour la conservation des monuments historiques, de l'Institut des provinces, du Congrès des délégués des Sociétés savantes des départements, et d'autres associations s'occupant de sciences naturelles, n'a-t-il pas consacré sa vie à organiser et à inspirer, sur tous les points de la France, ces réunions scientifiques, archéologiques, agricoles, dont véritablement il était l'âme?

Dans cette salle, où M. de Caumont, en 1855, a dirigé les travaux du Congrès archéologique de Châlons-surMarne, il me semble le voir s'effaçant en quelque sorte, se tenant presque toujours à l'écart, abandonnant à d'autres l'honneur d'occuper le fauteuil ou d'être assis au bureau, n'ayant qu'une préoccupation, celle de placer en pleine lumière les membres de l'assemblée, dont les recherches ou les études lui paraissaient devoir être encouragées. M. de Caumont ne craignait pas de laisser toutes les opinions se produire librement, il n'intervenait dans la discussion que pour redresser doucement une

erreur, pour élucider en peu de mots un point difficilement intelligible pour les auditeurs, ou pour donner à la séance un peu plus d'animation lorsqu'elle en manquait; quand il prenait la parole, c'était afin de traiter, ex professo, vous savez avec quel talent, une question du programme qu'aucun autre n'avait osé aborder. Ceux qui ont suivi ces intéressants débats, n'ont pas oublié ce savoir-vivre parfait, cette gracieuse courtoisie qui laissaient dans l'esprit de tous les assistants une si agréable impression.

Il m'eût été difficile ici, Messieurs, de ne point rendre hommage à un homme éminent, dont le souvenir pourtant n'a pas besoin d'être évoqué, car je suis certain qu'il plane constamment au-dessus de vous.

Notre ville et ses environs vous offriront de nombreux sujets d'études et, quoique beaucoup de nos monuments aient déjà été l'objet de notices remarquables, on peut encore puiser dans cette abondante mine d'observations. En examinant en ce moment les belles photographies qui nous sont présentées par l'un de vous, et qui sont le résultat de longs voyages et d'investigations réitérées, en considérant ces remarquables dessins, vous pourrez faire d'heureux rapprochements ou de curieuses comparaisons. Je n'ai pas besoin de vous dire que pendant votre séjour parmi nous, notre bibliothèque et notre musée vous sont ouverts; déjà vous êtes avertis que d'autres collections vous attendent; aucune visite ne vous causera plus de satisfaction que celles des riches trésors dus aux recherches patientes, et souvent fructueuses, d'un de nos concitoyens, M. Morel, dont la modestie et la complaisance égalent l'expérience, le savoir et l'habileté.

Vous voyez, Messieurs, que ce Congrès s'ouvre sous les plus favorables auspices. Vous aurez toutes facilités de

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