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M. Boué lui fait part de cette perte en rappelant les travaux de ce savant géologue.

La Société décide qu'un extrait de la lettre de M. Boué sera inséré au Bulletin, parmi les notices nécrologiques. M. Hébert présente ensuite la traduction française de l'ouvrage de M. Nilsson, sur Les habitants primitifs de la Scandinavie (V. la Liste des Dons).

M. de Verneuil présente au nom de l'auteur la note suivante :

Lettre du frère Indes, sous-directeur de l'école chrétienne à Rome, à M. de Verneuil sur la formation des tufs des environs de cette ville et sur une caverne à ossements.

Monsieur,

Mes promenades dans la campagne romaine pendant l'hiver dernier ont été dirigées presque exclusivement sur la rive droite du Teverone (cette rivière est aussi appelée Aniene, de son ancien nom Anio.) J'ai spécialement étudié l'espace compris entre le Monte Sacro et le Ponte Salara. Près de ce dernier point j'ai découvert une caverne à ossements et une disposition du tuf qui a particulièrement attiré mon attention; ces deux objets sont à cent mètres l'un de l'autre, sur le flanc méridional de la colline qui porte le nom de Monte delle Gioie.

Mais avant de continuer, permettez, Monsieur, que je me félicite de pouvoir dire ici que vous avez vous-même examiné la plupart des choses dont j'ai à parler; ce témoignage ne peut manquer de communiquer à mes paroles quelque chose de l'autorité dont votre nom jouit à si juste titre.

§ I.

Le Monte delle Gioie forme la pointe de l'ancien confluent du Tibre et du Teverone; le confluent actuel en est éloigné à peine d'un demi-mille. Cette colline était autrefois baignée par deux lacs dont les eaux pouvaient, du moins dans les grandes crues, se mêler sur sa croupe; il est cependant probable que dans le cours ordinaire ce mélange avait lieu seulement après que le Teverone avait franchi un barrage qui reliait le Monte delle Gioie aux collines de la villa Chiggi; d'ailleurs, les eaux

du Tibre étaient tenues aussi à une certaine hauteur par une chaussée analogue, dont les restes sont encore évidents entre Acquacetosa et Ponte-Molle.

La coupe ci-dessous du Monte delle Gioie est prise dans la direction du N. au S., et comprend une hauteur de 25m 20, c'est-à-dire depuis le niveau de la route au-dessous de la caverne jusqu'au haut de la colline.

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Les numéros 4, 6, 7, ont chacun 5m 80 de puissance. Le numéro 5, 1 mètre. Les nos 1,2 et 3 ont ensemble 1 mètre; ils sont d'une puissance égale. Les n° 1 et 2 ne contiennent pas d'éléments volcaniques. La couche n° 1 est de couleur grise; elle a fourni des morceaux de bois pétrifiés et très-roulés; ces fragments appartiennent au genre Pinus.

L'analogie de cette couche avec une que j'ai remarquée sur le Janicule également sous les tufs, entre ceux-ci et les graviers jaunes, me fait soupçonner entre les deux rives du Tibre une conformité qui n'est pas généralement admise. Quoique je n'aie indiqué dans la coupe qu'une très-faible puissance pour cette couche, les travaux faits pour le chemin de fer, à l'O. de la colline, me donnent lieu de penser qu'elle a une grande puissance.

La couche n° 2 est de couleur jaune; elle contient des coquilles terrestres fort petites et difficiles à étudier à cause de leur fragilité; j'ai distingué l'Helix nitida et une Pupa. La présence de ces mollusques indique que ces deux couches sont un dépôt d'eau douce; cela admis, il sera bien difficile de prouver que les dépôts supérieurs sont marins: car ils ne contiennent que des fossiles terrestres, comme des fragments de bois, des os de Bœuf, de Cerf, etc.

La couche n° 3 me semble être d'une grande importance: car jusqu'à présent on n'a pas trouvé les cailloux roulés sous le tuf lithoïde ou non stratifié; elle me paraît parfaitement semblable au dépôt du Monte Sacro; elle se compose de cailloux roulés et contient les éléments volcaniques les plus communs dans tous les dépôts analogues de la campagne romaine, c'està-dire les tufs, les cendres, le pyroxène et l'amphigène décomposé. Les cailloux n'ont rien de particulier; la plupart sont calcaires et de petite dimension. Une telle couche sous le tuf lithoïde est un fait qui n'a point été rencontré dans les nombreux dépôts de ce tuf qui sont en exploitation dans la campagne romaine; il contrarie même un peu la théorie qui le place avant toute autre production volcanique. Cependant, et quoique la définition en soit un peu vague, il me semble facile de faire voir que la couche n° 4 ne saurait être rapportée à une autre formation. On peut d'abord faire remarquer qu'une des principales raisons qui ont empêché de trouver les cailloux ou tout autre dépôt volcanique sous le tuf, c'est qu'on l'exploite rarement à une profondeur suffisante; communément, dans les exploitations, on ne va pas jusqu'au fond du dépôt. En outre, les caractères physiques, comme l'absence de stratification et la disposition mécanique des parties, me semblent ne rien laisser à désirer; mais ce qui surtout me paraît décisif, c'est la présence du tuf homogène du no 5. Ce tuf, dans toutes les localités classiques, comme Sainte-Agnès, Monte Verde, le Capitole, etc., couronne ce qui a été appelé tuf lithoïde par

Brocchi et ceux qui l'ont suivi. Ainsi, nous avons là une série des roches les plus communes dans la campagne romaine, et dans le même ordre où on les voit en tout lieu; il ne peut y avoir de raison pour changer ici leur dénomination:

A ces remarques on peut ajouter que le dépôt de Monte delle Gioie n'est point isolé, car il se relie avec d'autres plus considérables. En face de notre coupé, sur la rive gauche, il en a été extrait plusieurs milliers de mètres cubes; tant pour le chemin de fer que pour diverses constructions; ce qui en reste est moins dur, mais appartient à la même formation; elle se prolonge même sous les collines de la villa Chiggi, qui n'est séparée des carrières de Sainte-Agnès que par la profondeur d'un ravin creusé par un ruisseau. Il serait encore facile de faire voir que ce dernier point s'unit avec les carrières de Pietrálata. Non-seulement la priorité du tuf lithoïde se trouve attaquée par les faits que je viens de signaler, mais encore sa formation sous-marine; car si, avant son apparition, la mer pliocène s'était déjà retirée et avait laissé le temps aux autres formations de se déposer, il n'est guère probable qu'elle soit reventie à l'époque volcanique. Toutefois, malgré l'extrême répugnance que j'ai toujours eue à admettre aux environs de Rome des volcans sous-marins, je ne pense pas que les couchés que je viens de signaler soient un fait suffisant pour établir quelque chose de définitif contre une théorie soutenue par des hommes aussi judicieux que MM. Ponzi et Michel de Rossi, appuyés par l'autorité de Brocchi et de Breislack. Il est possible qu'on trouve une explication tant pour justifier l'absence de débris marins dans les tufs qu'on pense avoir été formés dans la mer, qué pour le fait que je signale.

Les couches représentées par les n° 6, 7 et 8 se continuent sur la rive gauche, ce qui confirme l'idée déjà énoncée d'un barrage qui tenait les eaux à une certaine hauteur; elles se continuent aussi dans la direction N. et N. E.; enfin elles ont tous les caractères d'étendue sur lesquels on a coutumé de s'appuyer pour dire que nos tufs stratifiés sont sous-marins, plusieurs du moins. Le tuf n° 6 n'a rien qui le distingue des tufs stratifiés de la campagne romaine; ce sont les mêmes éléments et la même forme qui se présentent partout, et notamment à la Salita del Crocifisso, près le Ponte Sálara. Lé sable calcaire argileux du n° 7 a la forme schisteuse; il contient dans ses minces couches des fragments de tiges semiligneuses en très-petite quantité, point de cailloux ni de

fragments de tuf; les éléments volcaniques y sont réduits à la forme lá plus ténue. C'est à la hauteur de cette couche que les concrétions travertineuses A B commencent à se faire voir pour se prolonger sur la couche supérieure et s'étendre sur le platean même de la colline; elles ont des formes bizarres. On voit souvent d'une manière évidente que c'est dans les fentes du tuf ou autres roches qu'elles se sont formées; en quelques endroits elles sont si abondantes qu'elles rendent impossible la distinction des couches qui forment le dépôt principal. Lorsque les éléments de cette formation se sont introduits dans des cavités cylindriques, ils en ont d'abord tapissé les parois; puis, par des couches qui semblent concentriques et qui se sont superposées les unes aux autres, ils ont fini par les remplir, formant ainsi comme des stalactites dans l'intérieur des roches. D'autres fois, il s'est fait un mélange d'une espèce de ciment avec le sablé et les cendres volcaniques ou avec les cailloux roulés; d'où il résulte, selon la diversité des éléments, un travertin tres-dür, lorsque le ciment était abondant et que la chaux y dominait; du un conglomérat ayant la dureté des brèches. Ce travertin dur, même très-dur pour un calcaire, couvre la déclivité O. du Monte delle Gibie; aprés que les éléments de cette roche ont été déposés, ils ont subi uni travail chimique qui, probablement, dure encore sur plusieurs points. L'observation attentive prouve que non-seulement cette formation est lá plus récenté, mais qu'elle est encore en activité datis l'intérieur des tufs et même de la terre végétale, lorsqu'elle demeure plusieurs années sans être remuée. C'est en effet près de la surface du sol, dans les fissures de la terre végétale, que j'ai trouvé des plaques récemment formées, et tout le monde sait que, dans les Catacombes, il y a des sépulcres qui en ont été remplis, et que les os y ont subi une vraie pétrification: J'aurai peut-être un jour le loisir de vous exposer, Monsieur, les phénomènes que l'observation m'a révélés sur ce sujet.

C'est dans ces concrétions et dans la couche n° 8 que la caverne à ossements, dont l'ouverture est indiquée par la lettre A, a été formée. Cette couche se compose de tuf stratifié; mais les concrétions que je viens de décrire y sont si abondantes qu'il est impossible de distinguer la vraie stratification.

Du reste, notre caverne est d'une richesse vraiment extraordinaire en fossiles; il ne serait pas impossible de trouver dans quelques mètres cubes des représentants de toutes les espèces découvertes dans le reste de la campagne romaine. Je ne

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