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je faisais force de rames pendant la nuit, voilà qu'un coup de vent de travers m'est arrivé de l'est, violent et soudain (), qui a secoué mes haubans, brisé ma guibre et rompu mon câble; mais, Dieu merci, le voici sain et sauf sur le plancher des vaches; s'il a besoin de quelque réparation, sur un ordre de l'Émir je lui amènerai le calfat qui aveuglera sa voie d'eau, puis je lui remettrai sa cargaison à bord et le laisserai suivre son chemin. Toi, lui répliqua le gouverneur, tu viens ramer dans mes parages et ensuite tu fais force de rames pour passer l'écueil; ô vous, hommes du mât, amarrez-lui ses haubans, enlevez-lui ses rames, humectez sa corde de halage (2); tombez-lui dessus; chargez-le des deux bords et du tillac jusqu'à ce que l'eau vienne clapoter sur son pont; allons, faites vite, arrangez-le à bâbord et à tribord, devant la soute et derrière le mât. » Notre homme reçut une raclée, des talons aux oreilles. «Ô patron, s'écrièrent alors les matelots, le voilà complètement envasé (3). ——— Deux gaffes, dit l'émir, et remettez-le à flot. » Lorsqu'on l'eut relevé, l'individu baisa la main de l'émir et s'écria: «Ô patron, c'est au nom du souffle des vents et de la fraîcheur de la brise que je t'implore! Puisse le Seigneur ne pas t'affliger du tourment d'avoir à haler la cordelle dans les herbes épineuses ("), pieds nus, pendant les journées d'été; puisse-t-il t'éviter les rigueurs des quarante jours (5) du cœur de l'hiver. » Là-dessus, rapporte le narrateur, le cœur de l'émir s'émut de compassion pour notre homme; il lui dit : «J'en jure par celui qui en est réduit à frapper (6) la voile avec la corde de sparterie, quand le vent est tombé, j'en jure par les provisions épuisées alors qu'on est loin du pays, par les clameurs des passagers quand la vague

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se lève et que la terre ferme est éloignée, au moment de la crue du Nil, je jure, dit-il, que sans l'intercession des passagers, j'aurais certes démoli ta planche d'embarquement et je me serais installé sur tes pavois au point de réduire ton tillac en vieille carcasse. - Par Dieu, patron, lui répliqua l'individu, ma carène n'aurait pas pu supporter une cargaison si considérable; mais si jamais je reviens à traverser ces parages, arrache un bordage de mes couples et fais-moi couler à pic. Rends grâces à Dieu, lui dit l'Émir, de te tirer de là sain et sauf et gagne le large par ce moment de bon vent!» Puis il lui rédigea un brevet et y inscrivit en apostille l'indication des patrons de barque aux bateliers : «Dieu pour toi, Dieu pour moi (2), . . . . . !”.

2o Extrait des Chansons populaires arabes du Caire, spécimen édité par U. BOURIANT (Paris, 1893), p. ۱۲۸ :

احمل زجل في الأَزْبَكِيَّة ]

دور

الصناعَةِ الْخَامْسَه أَنَا رَابِسٌ مَرَا كَبِي طَوْلُ زَمَانِي يَا قَمَرُ أَهْوَى الْمَرَاكِبْ كُمْ شَكِيفٌ وَهَبْتُ لَه رُوحِي وَمالي اننى نشأن وأنا عَلى الظَّهْرِ رَاكِبْ الغلوكات غيتي والهـوى هـواهُمْ انني عوام اذا جـا النَّوِ سَاكِبْ والعويل راح وجاي بَيْنِي وَبَيْنِكَ أُكْرِمُهُ مِنْ أَجْلِ ضَرْبِ الْقِلْعِ الأَحْمَرُ حين استِبْ دَفَتَهُ بِنْزِلْ بِطَوَّح أَعْجَبُ الْمِدْرَى وَى الْمُوخِر أَسمر أَسَيِّبْ

(1) Les rawayed sont les planches qui, fixées verticalement sur le plat-bord, servent à accroître la capacité du navire; elles s'emploient surtout quand la barque est chargée de grains.

traduire avec Rat que le gouverneur nomme le

یا علات delinquant chef des bateliers. La finale pourrait bien être en rapport avec les على ابوس

-qui revien ابو سعد، ابو سلامة ، ابو سلام noms

(2) Le sens de cette dernière phrase nous est peu clair; il n'est guère raisonnable (mais fauti exiger de la raison dans cette charge?) de

nent si souvent dans les chants de bateliers

notés par Villoteau (Descr. de l'Ég., t. XIV, Etat moderne, seconde éd., 1826, p. 242-250).

Nous ne donnons ce morceau qu'à cause des termes techniques qu'il renferme; le double sens de ce couplet libertin est suffisamment clair pour que nous nous dispensions de traduire.

Le mètre employé est (dans le sens de la graphie arabe) :

-~--|-~- -|

soit trois fois (au second hémistiche du deuxième vers,

w

scandez gad-dah-re

على الظهر : pour

G. S. COLIN.

DE LA CARRIÈRE D'ABOU EL-NOUR

PRÈS DE NAG-HAMADI

(HAUTE-ÉGYPTE)

PAR

M. EDMOND VIGNARD.

Les recherches préhistoriques effectuées en Égypte avaient conduit leurs auteurs à conclure à l'existence de deux industries lithiques très différentes appartenant l'une, la plus ancienne, au groupe chelléo-moustérien, l'autre, beaucoup plus récente, au néolithique et à l'énéolithique.

Nos recherches personnelles nous ont permis de découvrir en 1912 à NagHamadi, au lieu dit Champ de bagasse de la Sucreries, une station appartenant à l'époque aurignacienne supérieure. Nous l'avons publiée en août 1920 dans le tome XVIII du Bulletin de l'Institut français d'Archéologie orientale du Caire.

Dans la présente notice nous nous proposons d'étudier les industries paléolithiques de la Carrière de la Sucrerie de Nag-Hamadi». Nous l'avons dénommée « Abou el-Nour" du nom d'un petit cheikh (1), aujourd'hui détruit, seul point portant un nom dans cette zone désertique.

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