Page images
PDF
EPUB

geois, et quelques chapitres seront consacrés à raconter les développements de la nouvelle secte dualiste.

Mais nous n'aurons garde de passer sous silence l'action de l'Église, qui a le dépôt de la foi et qui est la gardienne des âmes contre les ennemis du salut et de la vérité. La lutte dans laquelle l'Église dut s'engager à partir du x1° siècle, prit une triple forme: pacifique d'abord, armée ensuite du glaive des combats et de la justice, elle fut toujours digne de la divine mission de l'Épouse du Christ, qui est d'étendre les limites sacrées de l'empire du bien et de la vertu. Nous ne nous proposons pas de raconter aujourd'hui toute l'histoire de cette longue lutte; nous suivons simplement les Légats et les Missionnaires, nous réservant pour plus tard de nous mêler au bruit des batailles et d'assister aux procédures de la justice, d'étudier la Croisade et l'Inquisition Albigeoise. Nous recherchons les causes qui facilitèrent au néo-Manichéisme son œuvre de destruction et de révolte. Nous n'en cachons aucune, et si nous avons tout dit des désordres du xr et du x11° siècle dans des pages que peut

être quelques lecteurs trouveront trop étendues, c'est pour nous donner le droit de proclamer plus tard la divine vitalité de l'Église.

Nous ne sommes pas de ceux qui admirent sans réserve tous les siècles du moyen âge. Tout n'y fut pas constamment grand, puisque sa grandeur lui vint de l'Église et que l'Église eut, dans ces temps, de nombreux ennemis, soit dans les rangs de l'hérésie, soit parmi ceux qui cependant faisaient profession de dévouement pour sa cause. Montrer comment la vie de l'Église n'est que la lutte du bien contre le mal, de la vérité contre l'erreur, et comment, finalement, elle sort victorieuse de toutes les attaques voilà le sommet lumineux de l'histoire; et pour nous, rien ne fortifie davantage notre foi, que de la voir survivre, sereine et calme, aux intrigues des Ariens, aux violences des Barbares, à la vitalité persévérante du Manichéisme, aux malheurs du grand schisme d'Occident, aux divisions semées partout par la Réforme, à l'impiété de la Raison, et aux négations radicales des Prophètes de la Révolution. La majesté de Dieu seul plane au-dessus de toutes les ruines. Nous avons, voulu le dire : voilà pourquoi nous nous sommes étendu sur

[ocr errors]

VII

les malheurs de la simonie et de l'incontinence au xi et au XIIe siècle.

Nous avons de même étudié l'action pacifique de l'Église pendant plus d'un siècle, de l'année 1400 à l'année 1215, de Robert d'Arbrissel à saint Dominique, d'Urbain II à Innocent III, du cardinal Albéric, premier légat dans le Languedoc à Pierre de Castelnau tombé sous le fer d'un sicaire. Peut-être plus d'un lecteur estimera superflus ces détails nombreux dans lesquels nous avons dû entrer, comme aussi accusera-t-il l'Église d'avoir trop retardé la réforme du clergé, cette réforme qui fut le prétexte de la lutte insensée des Albigeois. Mais, d'une part, nous avons voulu admirer la patience de l'Église, qui, pendant 108 ans, ne mit au service de sa cause que la prière, l'éloquence et la controverse, en nous demandant quelle institution a jamais, pendant plus d'un siècle, gardé cette douce et forte longanimité en présence d'ennemis puissants et irréconciliables.

D'autre part, nous répondons avec Bossuet dont le génie a dépeint en traits saisissants cette époque troublée : « Il y avait deux sortes d'esprits qui demandaient la réforme; les uns vraiment pacifiques et vrais enfants de l'Église,

en déploraient les maux sans aigreur, en proposaient avec respect la réformation, dont aussi ils toléraient humblement le délai, et loin de la vouloir procurer par la rupture, ils regardaient au contraire la rupture comme le comble de tous les maux ; au milieu des abus ils admiraient la divine Providence, qui savait selon ses promesses conserver la foi de l'Église, et

si on semblait leur refuser la réformation des mœurs, sans s'emporter, ils s'estimaient assez heureux de ce que rien ne les empêchait de le faire parfaitement en eux-mêmes. C'étaient là les forts de l'Église, dont nulle tentation ne pouvait ébranier la foi ni les arracher de l'unité. Mais il y avait outre cela des esprits superbes, pleins de chagrin et d'erreur, qui, frappés des désordres qu'ils voyaient régner dans l'Église, et principalement parmi ses ministres, ne croyaient pas que les promesses de son éternelle durée pussent subsister parmi ces abus, au lieu que le Fils de Dieu avait enseigné à respecter «< ia chaire de Moyse», malgré les mauvaises œuvres « des docteurs et des pharisiens assis dessus » ceux-ci devenus superbes et par là devenus faibles succombaient à la tentation qui porte à haïr la chaire

IX

en haine de ceux qui y président; et comme si la malice des hommes pouvait anéantir l'œuvre de Dieu, l'aversion qu'ils avaient conçue pour les docteurs leur faisait haïr, tout ensemble, et la doctrine qu'ils enseignaient, et l'autorité qu'ils avaient reçue de Dieu pour enseigner.

« Tels étaient les Albigeois et les Vaudois (1).» Ces superbes « devenus faibles », ce furent tous les opposants à l'Église qui est l'œuvre de Dieu. « Ces forts de l'Église dont nulle tentation ne pouvait ébranler la foi ni les arracher à l'unité », ce furent les Robert d'Arbrissel, les Raoul Ardent, les saint Bernard, les Pierre de Castelnau, Alexandre III, Innocent III, saint Dominique. Notre devoir était donc d'étudier longuement l'œuvre de ces hommes admirables qui « s'estimaient assez heureux de ce que rien ne les empêchait de pratiquer la réformation en eux-mêmes ». Cette œuvre a été l'œuvre même de Dieu, et seule elle est restée.

Nous suivons constamment et pas à pas l'ordre chronologique. On a dit avec raison que << la Chronologie est l'œil de l'Histoire. » Rien de plus vrai pour éclaircir la période obscure et mouvementée des Albigeois. Ce n'est plus (1) Hist. des Vari., liv. 1, n. v.

« PreviousContinue »