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Tous ces écrits, auxquels, pour être complet, il faut joindre les Actes de saint Pierre dont parlent Origène (1), Eusèbe (2) et saint Jérôme (3), les Actes de saint André et de saint Thomas (4), et enfin les Actes de saint Paul et de saint Thècle, formaient un mélange informe de faits évangéliques et de doctrines orientales. Les Manichéens, en les opposant à l'Ancien Testament et aux vrais Évangiles, comptaient sur la confusion qui régnait dans l'esprit du grand nombre païens, catéchumènes, même chrétiens; tant d'esprits hésitaient encore sur la voie à suivre ! Pour la première fois alors il devint évident que la légèreté, l'insouciance et l'entraînement forment le principal appoint des sectes. L'étude de l'histoire nous permet de constater en effet, à toutes les époques, certains courants d'idées : la facilité avec laquelle l'homme s'est, de tout temps, porté vers certains principes, pour si singuliers qu'ils fussent, explique pourquoi les Manichéens se comptèrent de bonne heure par milliers dans la plupart des contrées qui composaient l'immense empire romain.

(1) In Joan.

(2) Hist. eccl., lib. 11, 3.

(3) In catalog., cap. 1.

(4) « Manichæi secundum Thomam introducunt Evangelium, quod catholica Ecclesia pie tanquam alienum avertit.» (VI Conc. œcum. II Nicæ. )

Les Manichéens appelaient les Apocryphes Livres apostoliques: c'est ainsi que plus tard les Albigeois, leurs descendants, prétendront venir des Apôtres; fait que les historiens des Albigeois semblent ne pas avoir remarqué, et qui montre que la secte qui ravagea le Languedoc, au XIIe siècle, était non-seulement opposée à l'Église, mais encore une secte dont les doctrines étaient la négation de l'Évangile lui-même.

Outre ces livres, provenant d'une source étrangère, le canon des Manichéens comprenait encore ceux qu'ils avaient eux-mêmes composés. Écrits d'abord en langue persane (1), ces livres furent, dans la suite, traduits en syriaque, en grec et en latin pour l'usage des fidèles dispersés dans toutes les provinces romaines.

Ces livres, de pure provenance manichéenne, furent l'Evangile de Vie, que Manès composa pendant son exil dans le Turquestan, et qu'il embellit de figures, destinées à faire davantage goûter son système le Grand et le Petit Trésor de Vie (2), le Livre des Chapitres, le Livre de la Foi, le Traité de l'entreprise des Géants, et enfin le Livre des Mystères, qui expliquait la création du monde, la formation de l'homme, comment les âmes étaient unies à la matière, et par

(1) August., cont. Faust., lib. XIII, 17.
(2) August., De natura boni, cap. XLIV.

quel moyen elles pouvaient être délivrées de cette fatale union (1).

Manès avait écrit un traité d'astronomie et un traité d'astrologie; mais il paraît que ces traités

(1) Héraclien, évêque de Chalcédoine, donna un écrit en xx livres contre ces derniers ouvrages des Manichéens. (Photii biblioth., cap. CCXXXI.)

Voici ce qu'en dit Photius (Biblioth., cap. LXXXV): « Oratio illi concisa, minime redundans, atque sublimis, non absque perspicuitate, quam granditas temperat. Atticismum enim cum familiari sermone admiscet, ac veluti puerorum præceptor, in certamine, plus quam atticismo, ut sic loquar, contendit.

» Evertit vero id, quod (Cyril. Hieros., Catech., VI). Manichæi appellant Evangelium et Giganteum librum, atque Thesauros. Recenset item eos qui ante se in Manichæorum impietatem calamum strinxerunt. Hegemonium nimirum, qui (Hieron., cap. 72 Catal.) disputationem Archelaï adversus ipsum (Manetem) perscripsit: et Titum (Hieron., in Catal., cap. 102) qui cum se putavit contra Manichæos scribere, in Adæ magis libros scripsit (Niceph., lib. vi, cap. 22). Ad hæc et Georgium Laodicensem, qui eadem fere, quibus usus est Titus, argumenta pro veritate adhibet. Præterea Serapionem episcopum Thmueos (Hiero. Catal., cap. 99). Denique et Diodorum illum (Niceph., lib. vi, cap. 32), qui libris quinque et viginti cum Manichæis certavit, quorum septem prioribus putat quidem Vividum se Manichæorum Evangelium refellere; at non assequitur, dum non illud, sed quod ab Ada scriptum erat, et Modium appellatur, evertit : reliquis deinde libris ea Sacræ Scripturæ loca pure explanans atque declarans, quæ Manichæi ad ea quæ animo concepissent accommodare solerent. >>

ne contenaient rien de relatif à ses principes théologiques. La secte conserva longtemps le recueil des Lettres de son patriarche. « J'anathématise le recueil des lettres de Manès », lit-on dans une formule d'abjuration (1). Malheureusement, ce recueil est perdu.

Enfin, les Dits et Faits mémorables de Manès (2) fut le dernier écrit sorti d'une main manichéenne. On lisait ces livres dans les assemblées formées par les sectaires. Les Albigeois imiteront les premiers Manichéens: ils liront, eux aussi, dans leurs assemblées, les Évangiles interpolės d'après la méthode que nous venons de faire connaître. Dans les premières assemblées, les écrits composés par Manès lui-même revenaient plus souvent. Quand ils avaient entendu la lecture de l'une de ses Épitres, surtout de celle du Fondement, qui était la plus importante, les assistants s'inclinaient en signe d'adhésion: c'est ainsi que se formait leur foi dualiste. Ils avaient, du reste, entre les mains un recueil de prières qu'ils portaient partout avec eux, qu'ils méditaient, et dont ils nourrissaient leur âme.

Tel fut le canon complet des Manichéens dès la fin du siècle. Dans la suite, cependant, la

(1) Coteler., PP. apost.-Pet. Sicul., Hares. Manich. (2) Coteler., op. cit.

secte connut d'autres livres les uns ne furent qu'un commentaire de ceux-ci; d'autres eurent le caractère de livres apologétiques. Il faut en dire un mot en finissant ce chapitre.

Hiérax est regardé comme le principal des commentateurs de Manès (1). Photius, Pierre de Sicile, une vieille formule d'abjuration le placent au nombre de ses premiers disciples. Il jouit d'un grand crèdit, en Égypte, parmi les solitaires, dont quelques-uns devinrent dualistes (2).

Aphtone, autre commentateur de Manès, nous est connu seulement par ce que dit de lui Philostorge (3). Il vivait du temps de Constance. Il était patriarche manichéen d'Alexandrie, où il jouissait d'une pleine liberté et où il engagea plusieurs discussions publiques. Il avait auprès de ses coreligionnaires une grande réputation de savoir et d'intelligence.

Adas, qui avait composé le Modium, comptait parmi les principaux écrivains de la secte. Diodore de Tarse (4) donna une éloquente réfutation de son ouvrage.

Agapius, vers la fin du 1e siècle, laissa trois

(1) Petrus Sicul., Hæres. Manich. Joan. Damas., de Hæres., cap. LXVII.

(2) Eutych. Alexandrin., Annal., t. 1, p. 515.

(3) Philost., Hist., lib. II, cap. 15.

(4) Père grec mort en 394.

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