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fait entendre, du moins, l'écho éloquent de cette inquiétude sourde, mais réelle, qui agite le cœur de l'homme que la lumière de l'Évangile n'a pas encore éclairé de son rayon divin.

Le christianisme a donné plus que les premiers éléments d'une réponse rassurante. La doctrine de la chute primitive qu'il enseigne nous permet d'abord

ἐνοχλεῖν, αἰσθανόμενους της χορηγίας, καὶ ὁρῶντας τὴν αἰτίαν, καὶ συνιέντας τὴν πηγὴν, καὶ τὸν πατέρα καὶ ποιητὴν εἰδότας, τὸν οὐρανοῦ ἁρμοσὴν, τὸν ἡλίου καὶ σελήνης ατωγέα, τον κορυφαῖον τῆς τῶν ἀσέρων περιφορᾶς καὶ δινήσεως καὶ χορείας καὶ δρόμου, τὸν τῶν ὡρῶν ταμίαν, τὸν πνευμάτων οἰκονόμον, τὸν ποιητὴν Οκλαττης, τον δημιουρτον γῆς, τὸν ποταμῶν χορηγόν, τὸν καρπῶν τροφέα, τὸν ζώων γεννητήν, τὸν γενεθλιον, τὸν ὑέτιον, τὸν ἐπι κάρπιον, τὸν πατρῷον, τὸν φυτάλμιον, οὐ ὁ νοῦς ἀρραγής ὢν καὶ ἄτρυτος καὶ ἐπὶ πάσας εξικνούμενος φύσεις ἀμηχάνῳ τάχει, ὡς προσβολῇ ὄψεως, πᾶν κοσμέι στου ἂν ἐπαφήσεται καθαπερ καὶ αἱ παρ' ἡλιον ἀκτῖνες προσπεσοῦσαι τῇ γῇ λαμπρύνουσιν αὐτῆς τὸ καταληφθέν πᾶν. Τὶς δὲ ἐσιν ὁ τῆς ἐπαφῆς ταύτης τρόπος, εγώ μεν εἰπεῖν ουχ ἔχω· ἡνίζατο δὲ αυτην ηρέμα Όμηρος,

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Η καὶ κυανέησιν ἐπ ̓ ὀφρύσι νἶυσε Κρονίων.

ὁμοῦ δὲ τῷ Δίως νεύματι γῆ ξυνέση καὶ ὅσα γῆς θρέμματα, καὶ θαλαττα ξυνέση καὶ ὅσα θαλάττης γεννήματα, καὶ ἀὴρ ζυνέση καὶ ὅσα αέρος φορήματα, καὶ οὐρανὸς ξυνίση καὶ ὅσα ἐν οὐρανῷ κινήματα. Ταύτα ἔργα των Διὸς νευμάτων. Μέχρι τούτων ἀδεὴς εἰμὶ χρησ μωδίας· καὶ Ομήρῳ πείθομαι, καὶ πισεύω Πλάτωνι, καὶ οἰκτείρω τον Επίκουρον.

Εάν δε εἰς τὰς τῶν κακῶν εννοίας παρέλθω, πόθεν ταυτα παρέδυ δεῦρο ; τίνες αἱ τῶν κακῶν πήγαι, ἤ γενέσεις; ποθεν άρξαμενα ἔρχεται ; εξ Αίθιοπων, ὡς ὁ λοιμός; ἐκ Βαβιλῶνος, ὡς ὁ Ξέρξης ; εκ Μακεδονίας, ως ο Φίλιππος; ου γαρ ἐξ ουρανου μα Δία, ουκ εξ οὐρανοῦ· φθονος γαρ ἔξω θείου χορου ίσαται. Ενταυθα τοίνυν ενταυθα μοι δεῖ χρησμῳδίας, ερώμεθα τούς θεους. »

de ne pas nous étonner que le mal existe : il ne vient pas de Dieu; la doctrine de l'épreuve de l'homme par le gouvernement périlleux de sa liberté, nous fait déjà entrevoir la raison pour laquelle Dieu tolère le mal; la certitude de la récompense céleste assurée, au centuple de ses mérites, à celui qui accomplit le bien, exalte la bonté, la puissance et la miséricorde de Dieu (1).

Les Manichéens au IIIe siècle, les Albigeois au XII, ont tenté de répondre en dehors des données chrétiennes; mais, qu'est-il arrivé? Leur réponse a été plus effrayante que la question elle-même. La question laisse une ombre devant l'esprit; leur réponse contenait les plus affreuses conséquences,

(1) Origène et saint Augustin cependant, même après les lumières du christianisme, estimaient que la terrible question est encore enveloppée d'obscurités. « Entre toutes les questions que les hommes agitent, disait Origène (cont. Cels., lib. IV. Cf. Jungmann, de Deo creatore, pars II, cap. II, art. 3. Ratisb, 1875), il n'y en a point qui mérite autant nos recherches et qui soit plus difficile à décider que celle de l'origine du mal. » Saint Augustin, cet admirable génie, s'écriait de même : « Rien de plus obscur, rien de plus difficile à expliquer que cette question: Comment, Dieu étant si puissant, il peut exister tant de maux dans le monde, sans qu'il en soit l'auteur?» (De Ordine, lib. 11.)

Voir sur la question du mal, saint Augustin, le De Ordine tout entier, et le chap. 7 du vire liv. des Confessions, intitulé: Misere torquetur inquirens unde sit malum.

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soit pour l'individu, soit pour la société civile, soit pour la société religieuse. Partis des mêmes principes, ils sont arrivés à la même dissolution.

Avant d'aborder directement l'Albigéisme, qui a été, comme nous le verrons, la dernière forme de la doctrine manichéenne, il sera bon de dire en peu de mots ce qu'ont pensé de la question qui nous occupe les hérétiques des deux premiers siècles, que nous devons considérer, ainsi que Manès, comme les premiers ancêtres des Albigeois.

La question de l'origine du mal ne se formula pas seule dans l'esprit des anciens; elle fut presque toujours suivie d'une autre question, fort obscure en dehors du récit de la Création (Gen., I.), celle de l'origine de la matière. Souvent même ces deux questions se confondirent. Aristote et Platon avaient d'abord enseigné que le mal vient de la matière, dont l'imperfection éternelle ne peut nul(lement être corrigée (1). Mais Archélaüs (2), évêque de Cascar en Mésopotamie (3), assure qu'il faut remonter plus haut que Platon et Aris

(1) Pour étudier plus au long la pensée des philosophes anciens sur l'origine du mal et de la matière, l'ouvrage de Wolff, Manichæismus ante Manichæos, serait un guide utile.

(2) Actes de la dispute. « Hic ergo Scythianus dualitatem istam introduxit, quod ipse à Pythagora suscepit. (3) Caschara, Kaxapa, Mesopotamia urbs. Abrah. Ortelií, Thesaurus geograph.

tote, jusqu'à Pythagore (vro siècle av. J.-C.), pour trouver chez les philosophes les premières annonces des doctrines dualistes que Basilide, Bardesane, Marcion et Scythien enseignèrent au second siècle de l'ère chrétienne. Porphyre, en effet, dit que << Pythagore concevait deux puissances opposées : l'une Bonne, qu'il appelait l'Unitė, la Lumière, la Droite, l'Egal, le Stable; l'autre Mauvaise, qu'il nommait le Binaire, les Ténèbres, le Gauche, l'Inégal, l'Instable, l'Agitė » (1).

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Il paraît bien certain que le philosophe de Crotone n'avait pas pris à la Grèce ces principes dualistes. Mnésarque, son père, l'avait mené à Tyr dans sa première enfance. Les Chaldéens y avaient vraisemblablement une école. L'enfant qui manifestait déjà ses goûts pour les études philosophiques, fut recommandé à ses nouveaux maîtres (2). Au vi° siècle avant Jésus-Christ, comme encore aujourd'hui, les Orientaux se plaisaient à discuter et à s'entretenir de spéculations philosophiques. Pythagore entendit souvent ces hommes venus de la Chaldée à Tyr. Aussi conçut-il le dessein de faire un voyage jusqu'aux rives célèbres de l'Euphrate et du Tigre, où l'on enseignait, disait-on, la plus sublime philosophie. C'était comme

(1) De vit. Pythag. Cf. Plutarq. Isis et Osiris. (2) Porphyr. Vit. Pythag.

le complément de ses voyages antérieurs en Judée, en Égypte et en Arabie. Il resta, en effet, douze ans à Babylone (1). Son maître, Zabratus, l'instruisit« de la nature et des principes de toutes choses ». Certains auteurs, parmi lesquels il faut compter Hyde, ont cru que Zabratus n'était que Zoroastre lui-même (2). La date de la mort de Pythagore, qui nous est donnée par Eusèbe (3), et la date de l'année où fleurissait Zoroastre (4), nous permettent de penser que Pythagore et Zoroastre, étant contemporains, purent se voir. Quoi qu'il en soit de cette question peu importante ici, Pythagore trouva les principes dualistes profondément enracinés dans la terre d'Orient. Zoroastre admettait à la vérité un seul être suprême; mais parje ne sais quelle conception, il imaginait audessus de cet être suprême deux autres êtres, l'un auteur du bien, l'autre auteur du mal (5). Il est certain, d'ailleurs, que les mages professaient des doctrines ouvertement dualistes. On peut donc

(1) Voir une vie anonyme de Pythagore, publiée par Luc Holstenius.

(2) Plutarque (De procr. anim.) appelle Zabratus du nom de Zaratas, et Théodoret, Zaradas.

(3) La 3e année de la 70e olympiade (476 av. J.-C.) Chroni.

(4) Sous Cambyse, qui succéda à Cyrus, la 4e année de la 62 olympiade. Abulpharage.

(5) Le Hir, Étud. bibl., tom. II, pp. 201, 204.

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