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ment des visites princières, si nous n'avions trouvé sur les voûtes des fleurs de lys tracées par d'augustes mains. Nous avons vu, d'autre part, qu'elles avaient été visitées par des savants renommés.

Cette illustration, qui avait répandu le nom des grottes d'Arcy jusqu'à l'étranger, leur valut pendant la dernière guerre la triste humiliation d'une visite faite par un détachement prussien. Ils s'y comportèrent avec leur rapacité proverbiale, et c'est un serrement de cœur bien légitime qui nous étreignit quand on nous désigna les nombreuses mutilations qu'ils ont laissées sur leur passage. Nous n'avons emporté aucuns débris de stalactite; nous aurions trop redouté d'imiter les étranges naturalistes auxquels nous faisons allusion.

Oublions ces tristes détails pour nous reporter par le souvenir vers le grandiose spectacle que nous venions d'admirer. Le musée d'Auxerre devait quelques heures plus tard nous donner un regain de nos joies de naturalistes, si vivement éprouvées le matin. Nous eûmes la satisfaction d'y rencontrer, classée avec soin, la collection complète des silex trouvés dans les grottes d'Arcy et de pouvoir examiner ensuite un squelette intact d'ours des cavernes, long de trois mètres et d'une hau teur de deux mètres. Il y a là aussi dans la même salle des têtes énormes du bos primigenius, ce boeuf primitif qui. appartient à la faune de la pierre polie et qui, selon Cuvier, serait la souche de nos boeufs domestiques Nous laissons à d'autres le soin d'approfondir cette question, qui importe peu, du reste, à nos éleveurs nivernais.

Mais l'heure nous presse; nous jetons un coup d'œil rapide sur le village d'Arcy et sur le château de Vaux-Sainte-Marieles-Arcy, et nous prenons, en toute hâte, le chemin de Ver

menton.

Cependant nous ne pouvions nous éloigner d'Arcy sans reporter nos pensées vers Mgr Dufêtre, d'illustre mémoire, et sans nous rappeler qu'autrefois l'abbé Dufêtre, bien jeune encore, avait été l'instituteur du propriétaire de ce château, M. du Sablon, et qu'il avait fait de sa sœur la fondatrice d'un institut.

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actuellement florissant, après l'avoir formée à la pratique des vertus religieuses (1).

Il avait été arrêté que nous laisserions nos voitures à Cravant, afin de donner un peu de repos à nos chevaux, et que nous prendrions le chemin de fer pour Auxerre. Cependant, nous ne pouvions pas traverser Vermenton sans jeter un coup d'œil sur sa curieuse église; son portail seul nous eût déterminés à cette halte.

Ce portail accuse le milieu du douzième siècle. Quatre statues, deux de chaque côté, formant cariatides, avec chapiteaux pour couvre-chefs, garnissent les pieds-droits; ces statues ont été horriblement mutilées. Parmi elles il est facile de reconnaître la Vierge mère; quant aux trois autres, il est impossible de les désigner d'une manière précise; elles nous ont paru être trois des femmes de l'Ancien-Testament, types de Marie, peut-être Bethsabée, Esther, Judith.

La triple voussure qui les surmonte est ornée: 1o d'un rang d'anges; 2o du zodiaque commençant au mois d'avril; on ne saurait en douter, le mot APRILIS est indiqué en toutes lettres.

Nous n'avions pas oublié les explications données au sujet du zodiaque d'Avallon, elles peuvent être appliquées à Vermenton; le sculpteur a pris pour guide le commencement de l'année ecclésiastique, datant de l'Incarnation. Le troisième rang est à peu près détruit ; nous avons cru y reconnaître des musiciens, sans doute les vingt-quatre vieillards de l'Apocalypse et d'autres sujets que le temps ne nous a pas permis d'étudier.

L'église, à trois nefs, se termine par un sanctuaire à angle. droit. Cette disposition se rencontre dans le Nivernais et dans l'Auxerrois; on la retrouve à Montréal, et chez nous nous l'avons remarquée à Clamecy, à Tannay au treizième siècle et à Colmery au seizième.

A Vermenton, la travée qui avoisine le portail est du

(1) C'est la congrégation des sœurs de l'Enfant-Jésus, dont la maisonmère est à Claveizolles, dans le diocèse de Lyon. Cette congrégation compte actuellement plus de soixante-dix établissements.

douzième; la seconde travée, ainsi que le transept en partie, accusent le treizième ; le reste du monument a été construit au quatorzième siècle et au quinzième.

A une heure quinze minutes nous prenions à Cravant le chemin de fer qui nous conduisait à Auxerre, où nous arrivions à une heure cinquante. Les omnibus nous conduisirent à l'hôtel de l'Epée; nous y étions attendus. Après avoir secoué la poussière du voyage et fait un peu de toilette, nous dirigeâmes nos pas vers le musée dont M. Quantin voulut bien nous faire les honneurs. Décidément, si nous sommes fiers, et à juste titre, de notre porte du Croux, si digne de recevoir une société archéologique, nos collègues de l'Yonne peuvent se glorifier de leur musée, si vaste et si bien disposé; sous ce point de vue ils ont excité nos convoitises. A Nevers, la place nous manque, et notre musée lapidaire ne peut se développer; on n'ose même plus rien nous offrir, connaissant notre embarras. Espérons que notre édilité nivernaise trouvera un moyen de nous venir en aide, comme a fait l'édilité auxerroise pour la société de l'Yonne; nous travaillons dans l'intérêt de la ville. A Auxerre, c'est d'abord le musée lapidaire dans la salle du rez-de-chaussée; un large escalier nous conduit aux salles supérieures, et nous nous trouvons au musée de peinture. La céramique a trouvé sa place dans une salle voisine; puis ce sont les antiquités romaines, gallo-romaines et celles du moyen-âge. Les fossiles y sont réunis en abondance; mais on ne pouvait oublier les précieux et nombreux débris de l'époque préhistorique découverts dans les grottes d'Arcy; avec quel intérêt nous avons examiné l'ours des cavernes dont on a pu ressouder toutes les parties, le reconstituer et le dresser sur ses quatre pieds. Il aurait fallu plusieurs jours pour faire une étude un peu complète; mais nous n'avions qu'une soirée, et dans ce court espace nous avions à visiter les curieuses églises de Saint-Étienne et de Saint-Germain, de Saint-Eusèbe et de Saint-Pierre. Nous étions donc forcés, à notre grand regret, d'abandonner le musée, après avoir jeté un coup d'œil rapide sur la bibliothèque.

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