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• Chacun se rappelle, a dit encore l'auteur de l'article précité, son administration temporaire, lorsque la ville fut envahie par les Prussiens, et avec quel bonheur il organisa, aidé de MM. le commandant Dangas et Froger, deux citoyens recommandables, les diverses Commissions chargées de faire marcher le service public. L'ordre,

tranquillité ne furent pas troublés un seul instant, et ce résultat fut surtout dù à la grande énergie dont était doué M. de Villiers. »

Aux élections de 1817, le Pouvoir choisit pour candidat un homme si justement estimé de ses concitoyens. Les boules pacifiques du nouveau député furent acquises à la plupart des mesures ministérielles. Avec la trempe de son caractère, nulle opposition de sa part n'était possible. Il a toujours applaudi au bien qui résultait d'une crise gouvernementale; mais il n'a contribué personnellement à aucun mouvement révolutionnaire. Du reste, ces esprits sages, organisateurs du lendemain, ne sont pas moins utiles que les héroïques turbulents de la veille.

Une chose à remarquer sur la manière dont Le Jolis remplit son mandat de 1817 à 1824, c'est qu'il donna constamment l'exemple de l'exactitude, en arrivant dans la salle des séances aux heures indiquées par les convocations, et en ne quittant sa place qu'après avoir entendu proclamer la clôture par le président. Dès ce temps-là une telle ponctualité était rare.

En 1824, une maladie le détermina au repos. Nommé chevalier de la légion d'honneur, il rentra dans la vie privée, et ne garda que quelques places honorifiques, où il fit encore quelque bien. Au sein du Conseil général, par exemple, il apportait annuellement le fruit de ses ré

flexions, de sa raison pratique, et contribuait, sans se mettre en avant, à toutes les améliorations dont nous avons tant à nous applaudir aujourd'hui. Membre de la Commission de l'hospice et du bureau d'administration du collége, il payait son tribut en zèle assidu et en idées saines. Partout il prêchait une sage économie qu'il pratiquait lui-même dans son intérieur. Rien de plus simple, en effet, que ses vêtements, que ses meubles, que ses manières. Et parce que les vertus dont il donnait l'exemple sont d'un autre âge, parce qu'il proscrivait un luxe frivole et qu'il amassait lentement, laborieusement, une fortune honnête à chacun de ses enfants, des gens peu sensés traitaient de parcimonie la prudence du père de famille. Quelle libéralité cependant là où les prodigues montrent tant de convoitise! Ainsi les loyers de ses terres restaient les mêmes ; il ne les augmentait qu'à proportion des avances qu'il faisait à ses fermiers pour entrer dans les voies nouvelles, mais éprouvées de l'agriculture. Répu gnaient-ils à faire d'utiles tentatives, il leur donnait un millier de francs pour les déterminer à s'enrichir. Pas un de ses censeurs ne l'eût imité.

Ses parents, ses amis diraient encore avec quel plaisir il faisait fréquemment les honneurs d'une table splendide. Ces jours-là, le stoïcien empruntait quelques principes à l'école d'Epicure,et la liberté s'asseyait parmi les convives. De Villiers alors parlait beaucoup et laissait encore plus parler les autres, toujours prêt à noter un mot heureux, à recueillir une pensée féconde.

Comme les sages de l'antiquité, il joignait la gymnastique du corps à celle de l'ame, et dut à cette pratique une vieillesse des plus robustes. A 84 ans, il faisait encore de

longues promenades à pied. Depuis quelques mois il sortait peu, lorsqu'il s'est éteint le 21 mai 1845.

De Villiers, qui avait tant vu, tant lu, tant réfléchi, n'a rien publié, si ce n'est peut-être quelques articles sur l'agriculture. I en a donné deux ou trois à l'Echo de la Manche, 1829-30.

Nous mentionnerons, en finissant, un de ses actes de bienfaisance. Dès l'origine de la Société d'agriculture, d'archéologie et d'histoire naturelle du département de la Manche, établie à Saint-Lo en 1833, autorisée en 1836, de Villiers prit part à ses travaux et ne tarda pas à fonder un prix de cent francs, décerné chaque année, par la voie du sort, à un domestique dit grand-valet, sachant lire et écrire, ayant demeuré cinq ans au moins chez le même maître, et s'étant distingué par son intelligence, son zèle et sa probité. Cette donation, qui est dite perpétuelle, aux termes de l'acte qui la constitue, caractérise bien les dernières années de Le Jolis. L'utilité était son but; il avait conservé le goût du beau; mais il lui préferait l'utile, et l'utile pour lui était inséparable du progrès et de la vertu.

Sur M. Léon-Victor ROUXELIN DE FORMIGNY, membre du Conseil administratif de l'Association;

Par un Membre de l'Association normande.

La mort a enlevé, l'année dernière, à l'Association normande, un membre qui, quoique ne lui ayant laissé aucun monument de son érudition, n'en a pas moins droit à une distinction toute spéciale.

M. Léon-Victor Rouxelin de Formigny naquit à St-Lo, le 12 mars 1794; dès ses plus jeunes années, il annonça un esprit vif et singulièrement apte à l'étude des sciences exactes. Il termina ses études au collège de Caen, à une époque où la jeunesse, livrée à des préoccupations toutes guerrières, était distraite, par les pompes de l'Empire, du recueillement si nécessaire aux lettres; ses études s'en ressentirent.

Cependant il révéla déjà cette facilité de travail, cette rectitude de jugement et cette finesse d'observation qui le distinguèrent dans la suite.

S'il fut né quelques années plus tôt, il est certain qu'emporté par les circonstances dans le tourbillon de la gloire, il eût fourai une brillante carrière, à côté de nos meilleurs officiers de génie, près de son frère, qui, tout couvert de lauriers, mourut des suites des blessures qu'il avait reçues au champ d'honneur.

Mais la Restauration arriva, et imprima une autre direction aux idées. M. de Formigny en profita pour achever son éducation, et s'appliquer, d'une manière toute spéciale, aux études vers lesquelles l'entraînaient ses goûts et la pente de son esprit ; il se livra aux mathématiques, surtout à la géométrie et au lever des plans, où il excella.

Il s'occupa avec succès de physique et d'histoire naturelle; une remarquable dextérité secondait son aptitude pour la mécanique. Il exécuta, avec un rare bonheur, les ouvrages qui exigent le plus de calcul, d'habitude, et la main la mieux exercée; tels qu'une machine électrique et divers instruments de mathématique et de physique d'une admirable précision: plus tard, ilorna quelques appartements de son château de la Londe d'un cabinet d'his

toire naturelle; il y réunit non-seulement beaucoup d'oiseaux étrangers assez rares, mais aussi une collection de tous les oiseaux du pays, préparée par lui, et une foule d'objets curieux.

Sa place était naturellement marquée dans toutes les Sociétés savantes; c'est ainsi qu'il fit partie de l'Association normande, des Sociétés linnéenne et d'horticulture, et de la Société des antiquaires de Normandie.

Il s'y fit remarquer par une élocution facile, un langage précis, et cette netteté d'esprit qui fait que l'on exprime toujours clairement ce que l'on conçoit bien.

Dans la vie privée, M. de Formigny, par la bonté de son cœur, la droiture et la générosité de ses sentiments, la noble indépendance de son caractère, était vraiment le modèle du père, de l'époux, du citoyen; homme de principe et de courage, il n'eût jamais, dans quelque circonstance que ce fût, transigé avec ses convictions ni avec ses devoirs.

Il est mort au château de la Londe, le 18 avril 1845, à l'âge de 51 ans, emportant les regrets de sa famille, de ses amis, et de tous ceux qui avaient pu le connaître et l'apprécier.

Sur M. John SPENCER SMITH, Membre de l'Association normande ;

Par M. A.-G. BALLIN, inspecteur honoraire de l'Association normande.

Un étranger, un Anglais, portant un nom honoré dans son pays, et qui, sans motifs d'intérêt ni de famille, avait

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