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SUR

L'ASILE DES ALIÉNÉS

DE LA SEINE-INFÉRIEURE

(Maison de Saint-Hon de Rouen),

Pour la période comprise entre le 11 juillet 1825 et le 31 décembre 1843;

PAR

MM. L. DE BOUTTEVILLE ET M. PARCHAPPE.

Directeur et Médecin en chef de cet Etablissement.

CHAPITRE PREMIER.

Documents historiques sur la maison de Saint-Yon.

§ 1. Saint-Yon avant la création de l'asile des aliénés.

L'emplacement occupé par l'asile des aliénés de la SeineInférieure s'appelait autrefois le Manoir-de-Haute-Ville, et, pendant plus de deux cents ans, il a passé, sous cette dénomination, entre les mains de plusieurs seigneurs de considération, avant d'appartenir à M. de Saint-Yon, qui le posséda jusqu'en 1615. Une petite chapelle, qu'il y fit bâtir en l'honneur de son patron, lui valut le nom sous lequel il continua à être connu.

En 1670, la chapelle de Saint-Yon fut achetée par Mme de Bois-Dauphin, et mise à la disposition des religieuses du monastère de Saint-Amand, à Rouen.

M. de La Salle, chanoine de Reims, qui avait, en 1680, jeté les fondements de l'institut des Frères des Ecoles chrétiennes, avait, en 1705, envoyé à Rouen, pour y tenir les écoles de charité, deux de ces Frères. Bientôt après, sur demandes successives des administrateurs du bureau de l'hôpital, qui étaient chargés de ces écoles, d'autres Frères, jusqu'au nombre de dix à douze, vinrent seconder les premiers.

Cependant, l'institut, en se développant, dut prendre une forme plus régulière; on sentait le besoin d'un noviciat. La maison de Saint-Yon parut propre à le recevoir. On la prit d'abord à loyer; puis, avec l'assistance de personnes éminentes de la ville de Rouen, elle fut achetée, le 8 mars 1720, des héritiers de Mme de Louvois.

Enfin, les Frères des Ecoles chrétiennes, recevant une existence légale, obtinrent, au mois de septembre 1724, des lettres-patentes portant autorisation et confirmation de la maison de St-Yon, non-seulement pour y former les instituteurs qu'ils devaient envoyer dans différentes villes du royaume, mais encore pour y tenir les écoles de charité, où ils enseigneront les principes de la foi aux pauvres enfants qui leur seront envoyés de la ville, faubourgs et banlieue de Rouen, et montreront aussi à lire, à écrire et l'arithmétique gratuitement; leur permettons (ajoutent les lettres-patentes) de recevoir des pensionnaires de bonne volonté, qui leur seront présentés, les sujets qui leur seront envoyés de notre part, et par ordre de notre Cour de parlement de Rouen, pour mettre à la correction. »

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Devenus. propriétaires stables, les Frères ajoutèrent beaucoup à l'importance de la maison par les bâtiments qu'ils y élevèrent. En 1728, l'église actuelle fut fondée et la construction, entièrement dirigée et exécutée par les religieux, en fut terminée dans le cours de l'année 1750.

Vers la fin du siècle dernier, la maison de Saint-Yon; constituée comme il vient d'être dit, renfermait une centaine de religieux, dont trente ou quarante novices, et tin grand nombre de vieillards de l'ordre; mais, en outre, elle réunissait dans son enceinte des pensionnaires de classes bien différentes. C'étaient, d'abord, des élèves libres et volontaires, qui venaient y chercher l'instruction et l'éducation chrétienne; puis des jeunes gens dissipés et indociles, que les Frères étaient chargés de corriger et de ramener à la vertu, et des renfermées personnes lettres de cachet ou par arrêt du Parlement. Les aliénés et les épileptiques recevaient aussi des soins dans une partie de l'établissement, qui, plus tard, devait être consacré en entier au traitement de ces malades. Les fondations du bâtiment qu'ils occupaient ont été rencontrées lors des fouilles exécutées pour la construction de la cour St-Luc.

par

Dans une maison, rue Saint-Julien, attenant à l'établissement, et n'en faisant plus actuellement partie, étaient placées les écoles gratuites.

La loi du 18 août 1792, qui supprima les institutions monastiques, déposséda les Frères des écoles chrétiennes, et mit à la disposition du département leur maison de Saint-Yon.

Pendant le cours de la révolution, elle fut successivement destinée à servir de prison révolutionnaire,d'arsenal, de maison de détention pour les prisonniers espagnols.

Profitant de la présence de Bonaparte à Rouen, le Conseil municipal, par délibération du 12 brumaire an XI, arrêta: 1° que le premier consul serait sollicité d'ordonner la construction d'une place (elle devait porter le nom de place Bonaparte), et l'établissement d'un jardin public sur l'emplacement de l'ancienne abbaye de SaintOuen;

» 2° Que la maison de Saint-Yon (servant alors de quartier provisoire à un escadron de cavalerie), et ses dépendances, seront, dès à présent, affectées à l'établissement d'un dépôt de mendicité et d'un atelier d'instruction pour la filature et la tissure, dans lequel seront reçus gratuitement tous les enfants des pauvres ;

3o Que l'abbaye de Bonne-Nouvelle, où est un quartier de cavalerie, sera convertie et disposée de manière à recevoir deux escadrons;

» A la charge, par la commune, de faire les constructions et réparations que peuvent occasionner les établisse ments ci-dessus, et d'acquitter toutes les dépenses qui en seront la suite. »

La réponse ne se fit point attendre, et,dès le lendemain, un arrêté du premier consul, daté de Rouen, le 13 brumaire an XI, mit à la disposition de la ville de Rouen les bâtiments de l'abbaye de Saint-Ouen et ses dépendances, aux conditions contenues dans la délibération de la municipalité.

Toutefois, ces demandes, formulées avec tant d'empres sement, accordées avec tant de promptitude, ne paraissent avoir eu aucune suite, au moins immédiate.

Pour ce qui est de Saint-Yon, il ne reçut la nouvelle destination à laquelle il était promis, qu'après les décrets

impériaux des 5 juillet et 29 décembre 1808, portant institution des dépôts de mendicité, et lorsque le décret de création du dépôt de Rouen, en date du 5 novembre 1810, eut fait des fonds d'appropriation et de premier établissement, jusqu'à la concurrence de 465,200 francs.-Les mendiants y furent admis le 1er décembre 1812.-Mais bientôt il devint nécessaire de les renvoyer momentanément, pour convertir les bâtiments en hôpital militaire une première fois en 1814, une seconde pendant les CentJours.

Depuis 1818, la stabilité du dépôt de mendicité cessa d'être troublée, jusqu'au mois de janvier 1821 qu'il fut définitivement supprimé, pour être remplacé par l'asile des aliénés.

§ 2. Création de l'Asile des aliénés.

A l'époque où la fondation d'une maison consacrée au traitement des maladies mentales fut arrêtée par les autorités qui administraient le département de la Seine-Inférieure, il existait en France un bien petit nombre d'établissements spécialement destinés aux aliénés. Le rapport présenté au Roi par le ministre de l'intérieur, en novembre 1818, ne fait mention que de huit hospices de ce genre, renfermant douze cent vingt-deux aliénés.

Dans le département de la Seine-Inférieure, ces infortunés étaient reçus, ou dans les hospices généraux, ou dans les maisons de détention; mais on ne s'occupait guère, en général, de leur administrer les soins réclamés par leur état. La plupart restaient au sein de leurs familles

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