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Discours de M. le comte de BEAUREPAIRE.

MESSIEURS de la ville et de l'arrondissement de Neufchâtel,

» Notre capitale de la Basse-Normandie a vu former une institution patriotique dont nous, qui avons concouru à sa fondation, sommes venus dans vos murs, loin de son berceau, aider à célébrer et à clore en ce moment le 13° anniversaire. Cette date, combinée avec le chiffre croissant des associés à l'œuvre, fait voir que la semence a fructifié, n'est pas et que la Normandie, notre mère commune, restée féconde dans l'ordre seul des produits matériels. Nulle part, le fondateur de l'Association, et ceux qu'il n'ont eu à reappela à l'honneur de la mise en œuvre, gretter la confiance qui avait inspiré leurs premières et petites réunions. Cette confiance les a appelés à sortir de leur modeste et étroite enceinte, pour aller, sous l'œil de la Providence, s'établir successivement dans tous les chefslieux de notre vaste province, et là, eux plus ou moins inconnus, convoquer hardiment tous les hommes animés de l'amour du bien, leur demander un compte public de leur savoir-faire, de leurs occupations, des bonnes ou mauvaises affaires du pays. Partout l'appel a été entendu et accueilli, et il est attendu et sollicité là même où il n'a pas encore pu parvenir. Partout la petite colonie nomade n'a éprouvé, pour sa mission fraternelle, qu'un moment pénible, celui des adieux. Ceux que nous sommes chargé d'exprimer aujourd'hui, rendent bien légitime l'émotion qu'ils nous inspirent. La bienveillance de l'accueil, l'empressement du concours pour l'œuvre commune, la cordialité dans les relations destinées à la mener à bien;

voilà, Messieurs, ce que les arrivants doivent avoir le désir et l'espoir de rencontrer; voilà ce que nous tous, étrangers à l'arrondissement, mais enfants aussi de la Normandie, et qui sommes venus pour elle, nous avons obtenu éminemment parmi vous ; voilà les souvenirs que nous emportons de cette visite de famille.

» Pour exploiter fructueusement un terrain, surtout par une méthode aussi expéditive que la nôtre, il faut, avant tout, qu'il soit préparé. Il l'a bien, très-bien été par vous, Messieurs; la voie a été aplanie d'avance; elle a été, depuis les premiers moments de la réunion, facilitée et adoucie par la constante prévenance, l'exquise courtoisie et l'exemplaire assiduité de vos premiers magistrats civils et judiciaires. Nous sommes heureux que notre voix puisse ici leur faire entendre ce juste hommage; nous le serions plus encore, si elle pouvait retentir jusqu'à votre honorable inspecteur d'arrondissement (1), retenu dans la capitale par une cause douloureuse, qu'il a su braver pour nous offrir un important tribut de coopération.

» Ainsi donnée et soutenue, l'impulsion est devenue générale; chacun s'est mis à l'œuvre, avec zèle et accord. Pour concourir au bien d'un pays intéressant parmi les diverses contrées de la patrie normande, toutes les volontés ont surgi du sein des conditions les plus diverses de la vie publique et privée.

» Le jeune magistrat qui veille pour que les citoyens puissent reposer avec tranquillité (2); le cultivateur (3);

(1) M. Desjobert.

(2) M. de Loverdo, procureur du Roi.

(5) MM.Lelong, Mabire, Normand, agronomes.

le jurisconsulte (1); le praticien dans les divers degrés de l'art de guérir (2); le pieux instructeur agricole des pauvres orphelins (3); l'homme d'Etat, administrateur émérite de départements importants qu'il a dotés de monuments utiles, et qui, depuis, a enrichi la France du fruit de ses voyages (4); tous sont venus, à l'envi, apporter leur part au faisceau d'observations et de vœux qu'a réuni cette session.

» L'arrondissement de Neufchâtel figurera ainsi avec honneur dans les Annales que l'Association consacre à la Normandie. Bon témoignage lui sera rendu, au-delà des limites de la province, soit dans ce département formé de l'ancienne Flandre, cité comme modèle agricole, et dont nous venons d'accueillir un jeune délégué (5), soit près des hautes régions du pouvoir, où vous aurez pour in terprète de vos vœux le savant et modeste fonctionnaire de l'agriculture qui est venu assister à vos concours (6), et, plus particulièrement encore, le premier administrateur de ce beau département (7), auquel nous nous applaudissons de pouvoir, après M. de Caumont, venir rendre hommage pour l'active bienveillance dont il nous donne, par sa présence, un nouvel exemple.

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L'enquête locale, but particulier des réunions successives et ambulantes de l'Association normande, a offert

(3) M. Hubard, avocat.

(2) MM. Cisseville, docteur-médecin.-Levillain, vétérinaire.
(5) M. l'abbé Arçon, de la maison de Nazareth, à Mesnières.
(4) M. le baron d'Haussez.

(3) M. le vicomte de Madrid, délégué de la Société du Nord.
(6) M. de Sainte-Marie.

(7) M. le préfet de la Seine-Inférieure.

parmi nous, Messieurs, quelques résultats spéciaux dont je vous demande la permission de vous faire, en quelques mots, remarquer l'importance.

Cette enquête a eu un caractère complet, sous le rapport social; l'éducation de la jeunesse, l'état de la moralité des classes adultes ont été l'objet d'investigations du plus haut intérêt, parce qu'elles portaient éminemment le sceau de la franchise et d'une philantropie sincère et éclairée.

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» On est, dans ce monde, souvent d'accord sur le mal on l'est rarement sur le remède. Ici nous avons été plus heureux; car nous avons entendu les honorables explorateurs, réunis, sans s'être concertés, pour exprimer leur conviction que le baume qui, en définitive, doit adoucir et fermer les plaies de la morale publique, elle doit l'attendre de notre sainte religion, et que vous possédez, dans le sage zèle de ses ministres, une bonne garantie pour la salutaire application de ce dictame.

Messieurs, un des premiers vœux que la voix que vous avez la bonté d'entendre en ce moment fut appelée à formuler, comme expression des sentiments qui ont présidé à la formation de l'Association normande et comme un appel à des adhésions dans le pays, ce vœu était « de voir régner dans nos communes les vertus chré» tiennes. (1) »

» Vos interprètes ont donné à cette expression de nos premiers désirs un sympathique retentissement.

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L'enquête qui concerne les ressources matérielles du pays a,par une utile et prévoyante initiative, ouvert l'atten

(1) Revue normande.

tion de l'Association normande sur le grave et inquiétant caractère que présente l'avenir, par suite de ces communications rapides qui, en rapprochant Paris de départements que la nature en avait plus écartés que les nôtres, vont leur apporter une part plus ou moins grande dans l'approvisionnement que vous donniez à la capitale. Oui, Messieurs, le péril existe; le courage que vous avez mis à l'avouer et à le signaler est un heureux augure de la résolution que vous mettrez à le braver et à le surmonter. L'Association aura à cœur de vous seconder et de vous guider dans cette entreprise.

>> Un écoulement à l'intérieur pourra nous manquer quelque jour; on a dit ici qu'il commence à nous manquer eh bien, il est bon, il est nécessaire d'en chercher d'autres. Les premiers rédacteurs de vos statuts ont tenu à vous en réserver et à vous en assurer les moyens.

» Messieurs, il nous faut ne pas faillir devant l'orage. Le monde a appartenu à l'activité normande: pourquoi ne lui appartiendrait-il pas encore, aujourd'hui que la lutte dont il est le théâtre est portée sur le domaine de l'industrie tant agricole qu'industrielle, commerciale et autre ? Dans ce vaste champ-clos de l'émulation humaine, la lice doit demeurer surtout à l'intelligence, au labeur patient et persévérant, à la prudente combinaison, à l'esprit d'ordre et d'économie, aux habitudes d'une vie régulière et sobre, c'est-à-dire aux qualités mêmes qui tiennent le plus directement au caractère normand.

» Pour l'œuvre qui nous appelle, l'histoire, Messieurs, vient à notre secours. Elle abonde pour nous en grands exemples de nationalité normande, propres à nous animer; elle nous montre, en particulier, trois grandes Associa

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