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ville de Rouen, ayant obtenu une eau jaillissante, cessèrent leur opération. Une autre puits artésien, qu'un Anglais fit aussi forer à St-Sever, quelque temps après, à peu de distance de celui que nous venons de citer, amena à peu près les mêmes résultats géologiques. On peut donc admettre là, ainsi que dans le Bray, un effort souterrain qui a soulevé les couches inférieures. Ces soulèvements ne sont point, au reste, les seuls reconnus dans nos contrées. A Fécamp, à Lillebonne, les relèvements de craie glauconieuse et sableuse sont probablement dus à la même

cause.

Nous ne connaissons pas bien les roches qu'a fournies le puits de l'abattoir, à Grammont, près Rouen, à peu de distance de la rive gauche de la Seine; nous savons seulement que les mêmes alternances de marne et de calcaire s'y sont montrées à une grande profondeur.

Les puits artésiens d'Elbeuf, qui ont si bien réussi sous le rapport de l'eau jaillissante, atteignent, à la profondeur de 150 mètres, les argiles inférieures à la craie. Il est évident que, dans tout sondage à Elbeuf, cette roche devra être franchie.

Terrains inférieurs à la craie, au Havre.

Le sol sur lequel est assise la ville du Havre est composé de couches alluviales, auxquelles sont subordonnés les terrains inférieurs à la craie. MM. Flachat, lors de la tentative du puits artésien qu'ils y ont faite, après avoir franchi 18 mètres de terre de remblai, différents sables, des couches de silex noirs, 39 mètres d'argiles plastiques et autres, 21 mètres d'alternances de calcaire et de marne,

entremêlés de quelques bancs peu épais d'argile sableuse, sont parvenus à la marne oolitique, la première de cette espèce qui ait été reconnue dans le département. Leur but n'étant pas atteint, ils ont continué à percer de nombreuses alternances de marnes et d'argiles coquillère, jusqu'à la profondeur de 208 mètres, que, malgré l'insuccès de l'opération, on n'a pas jugé à propos de dépasser.

Il est résulté de cette tentative, au Havre, de puits artésien, que l'on a acquis la certitude de la présence de la marne oolitique, subordonnée au calcaire marneux qui existe sous le sol de cette ville. On en peut conclure que ce serait aussi la première roche que l'on rencontrerait sous le calcaire compacte du Bray, si mieux encore elle n'était supprimée.

Puits de Meulers.

C'est ici l'occasion d'examiner la tentative qui a été faite, il y a 48 ans, pour rechercher de la houille dans le département.

« En messidor an V (1796), écrit M. Passy (Description géologique de la Seine-Inférieure), un sieur Castiau a fait sonder près de Meulers, village situé entre Dieppe et Neufchâtel, dans le but d'atteindre des couches de houille qu'il supposait exister dans les environs de Dieppe. Son espoir se fondait sur une observation qui lui était propre : c'est qu'en tirant une ligne à peu près par le point central autour duquel les houillères de France, de Belgique et d'Angleterre sont répandues, cette ligne aboutirait aux environs de Dieppe.

» M. Castiau, ajoute M. Passy, ne paraît pas avoir eu

connaissance de la présence des terrains inférieurs à la craie dans le pays de Bray. S'il eût examiné la constitution géologique de cette contrée, les environs de Gournay, où se relèvent les couches inférieures dépendant du premier système marneux de la formation oolitique, lui auraient offert les chances les moins défavorables pour son entreprise. Il est à regretter pour la géologie, du moins, qu'il n'ait point dirigé les sondages dans les environs de cette ville: le puits de Meulers n'atteint, à 1,025 pieds, que les couches qui viennent à jour dans le Bray; là, peut-être, sa persévérance aurait rencontré ce qu'il a vainement cherché, à 18 lieues de ce point. »

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Les judicieuses observations de M. Passy pourraient, jusqu'à un certain point, s'appliquer aux environs de Rouen et du Havre, où l'on a pénétré jusqu'à une profondeur de 208 mètres, sans rencontrer de nappe d'eau importante. On sait que les travaux du puits de Meulers, poursuivis avec vigueur, ne furent abandonnés qu'à cause de l'irruption d'une très-forte source, qui domina les moyens d'épuisement.

De la comparaison de quatre points de notre département où des sondages ont été pratiqués à une plus ou moins grande profondeur; savoir le puits de Meulers, le pays de Bray, la ville de Rouen, celle du Havre, on acquiert la conviction que les terrains subordonnés à la craie y ont été déposés dans un ordre assez constant, et que ceux de même nature, à quelque différence près, s'y rencontrent. Toutefois, l'argile à creusets et la véritable lumachelle ne se trouvent que dans le pays de Bray.

La tentative infructueuse de Meulers, en même temps qu'elle a servi à nous donner une connaissance exacte de

la constitution géognostique de la partie du département où elle a eu lieu, démontre évidemment qu'alors qu'il s'agira de nouveaux essais, il faudra s'abstenir surtout d'agir sur le groupe crétacé, qui forme non-seulement le sol géologique de notre contrée, moins cependant les points que nous avons indiqués, mais encore celui de toute la Haute-Normandie et des départements limitrophes.

Il ressort des considérations ci-dessus que, dans l'étendue de pays comprenant les départements de la SeineInférieure, de l'Eure, de la Somme, de l'Oise et de Seineet-Oise, les points les plus convenables, eu égard à la suppression d'un grand nombre de roches qui existent partout ailleurs, pour se livrer à la recherche de la houille, sont le pays de Bray, la vallée de la Seine, à Rouen, la ville du Havre.

Quel serait celui des trois points qui offrirait le plus de chances de succès ? C'est ce que nous allons essayer de déterminer.

Nous avons vu que ces localités, remarquables par l'absence de la craie et offrant à découvert les différents terrains qui lui sont subordonnés, avaient été soulevés par un effort intérieur. Dans le pays de Bray, cet effort, plus énergique, a produit un soulèvement plus considérable. En effet, tandis que le calcaire marneux est, à Rouen, à 4 mètres au-dessous du niveau de la mer, il est, à Hécourt (Oise), canton de Songeons, à 120 mètres audessus; à Lanlu (Oise), à 220 mètres. Au Havre, le calcaire marneux et le calcaire oolitique sont, le premier à 56 m. de profondeur, le deuxième à 80 m. Il est très-probable que l'oolite, si elle existe dans le Bray, serait bientôt rencontrée par la sonde. On sait, d'après M. Elie de

Beaumont, que l'exhaussement du Bray, contemporain de celui des Apennins et des Pyrénées, a eu lieu entre la période de formation de la craie et celle du dépôt des terrains tertiaires: or, à cette époque, le dépôt houiller, s'il existait, a dû être soulevé en même temps que les couches auxquelles il est subordonné. Si l'on réunit à ces circonstances la direction, à peu près reconnue, vers la partie de la Haute-Normandie qui correspond au pays de Bray, des couches houillères de la Belgique, on sera disposé à donner la préférence, pour la recherche des gites carboniferes, au pays de Bray. Au reste, quel que soit le lieu d'élection des sondages, s'il y a réussite ou seulement signe d'existence du groupe houiller à une profondeur accessible, nul doute que les deux autres parties du département que nous avons signalées (Rouen et le Havre), ne soient le siége d'autres investigations. On comprend, en effet, que la présence de ce groupe ne serait pas bornée à un seul point de la contrée, mais aurait inévitablement une étendue plus ou moins grande.

Nous pensons avoir déterminé, d'une manière aussi précise que le permet l'état actuel de la science, et en tant que cela concerne l'appréciation de la superficie des terrains, le point le plus favorable pour pratiquer utilement des sondages. Toutes les difficultés ne seraient cependant pas levées. En effet, si l'on jette les 'yeux sur une coupe proportionnelle des terrains qui composent l'écorce du globe, celle, par exemple, publiée par M. La Bèche, on voit que l'espace qui s'étend depuis le calcaire compacte (l'équivalent de l'argile de Kimmerygde) jusqu'au terrain houiller, semble infranchissable par nos moyens ordinaires de sondage. Ainsi, il faudrait traverser une

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