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nances de prise de corps. Sur ce nombre, 9 seulement ont été commis par des forçats, réclusionnaires, ou condamnés correctionnellement à plus d'un an et soumis à la surveillance. Ces 9 crimes comprenaient 7 vols, avec circonstances aggravantes, et 2 incendies. Encore ne faut-il pas omettre que l'un des deux incendies avait été commis par un forçat libéré, qui avait obtenu des lettres de réhabilitation et se trouvait, par conséquent, affranchi de la surveillance, et que deux des libérés, prévenus de vol qualifié, se trouvaient, dans le département, en état d'infraction de ban.

C'est, en général, sur le nombre des délits que l'influence de la présence des libérés se fait sentir. Quel est le motif de cette différence? Nous ne savons; mais ne s'expliquerait-elle pas par la plus grande expérience des libérés en matière criminelle, expérience qui leur permet de calculer l'étendue du danger qu'ils sont disposés à courir par suite d'une nouvelle faute?

Là n'est point, selon nous du moins, la cause de ce que l'état moral de l'arrondissement présente d'affligeant. Encore un mot pour le prouver. Les crimes les plus graves, les plus révoltants, les plus odieux, ont été l'œuvre de jeunes gens, livrés à toute la fougue de leur age, à des passions désordonnées et sans frein moral, sans frein religieux, sans instruction aucune. Et s'ils en sont arrivés à ces atrocités devant lesquelles l'imagination recule, ce n'a pas été à priori; leur but était de se procurer, au sein d'une condition humble et infime, des jouissances, grossières sans doute, mais vers lesquelles ils aspiraient de toute l'énergie de leur jeunesse. Cette soif immodérée de plaisirs sensuels en a fait des scélérats abominables. On

les a vus, les mains tièdes encore de sang, se gorger de débauches avec leurs concubines, et chanter assis sur les objets dont ils avaient dépouillé leurs victimes.

La débauche et l'ivrognerie, voilà la cause de tous les crimes. Nous devons à l'obligeance de M. le directeur des contributions indirectes un renseignement qui pourra paraître puéril, mais qu'il ne nous est pas permis de négliger. Il existait, à la fin de l'année dernière, près de 1,200 cabarets, ou cafés, dans l'arrondissement. N'oublions pas qu'un assez grand nombre de maisons de ce genre réussissent à tromper l'active surveillance des employés de la régie, et que ces maisons, où se tiennent des réunions clandestines, sont précisément les plus dangereuses. La consommation de liquides qui a lieu, pendant une année, dans les établissements de ce genre et dans les seuls établissements connus est réellement effrayante. Dans le courant de l'année dernière, il y a été consommé 1,878 hectolitres 41 litres de vin, 8,694 hectolitres 72 lit. de cidre, 3,796 hectolitres 25 litres d'alcool pur; ce qui représente environ 7,500 hectolitres d'eau-de-vie, telle qu'elle se vend dans ces établissements.

On peut se faire, en rapprochant le chiffre d'une pareille consommation de celui de la population de l'arrondissement, l'idée de ce qui se passe dans ces repaires, en fait d'orgies. Ajoutons que, souvent, des instructions criminelles nous ont prouvé qu'il s'y jouait un jeu effréné, hors de toute proportion avec celui que jouent trop souvent les classes élevées. Mais là ne se bornent pas les débauches ; et de récentes investigations nous ont initié à des mystères de lubricité que l'imagination la plus impure n'aurait jamais pu deviner.

On n'attend pas de nous le détail de faits trop longtemps impunis. Disons seulement que des cabarets mal famés servaient de lieu à des réunions clandestines ; qu'autour de quelques femmes sans honte se pressait une horde immonde de débauchés du plus bas étage, parmi lesquels se trouvaient des gens que leur position devait écarter de pareilles scènes, et dont on réveillait les passions en leur abandonnant de malheureuses filles perverties avant l'âge de la puberté. Il en est, on ne nous croira pas, il en est qui ont été perdues dès l'âge de 9 ans. La justice a atteint ces hideuses mégères qui faisaient trafic de corruption et d'infamie, ces femmes impudiques qui avaient besoin que le déshonneur de l'enfance vînt faire cortége à leur déshonneur, ces vieillards qui avaient abdiqué la majesté de leur âge pour souiller de jeunes fronts avec de la fange. Mais était-il au pouvoir de la magistrature de faire refleurir dans tant de malheureuses victimes la pureté morte, avant le temps, sous un souffle pestilentiel? Etait-il surtout en son pouvoir de ranimer, au sein d'une jeunesse pervertie, les sentiments qui sont le fondement de la cité, parce qu'ils sont le fondement de la famille ? Sera-t-il en son pouvoir d'empêcher que ceux qui ont maudit sa sollicitude, parce qu'elle tarissait la source de leurs honteux plaisirs, n'agissent suivant les principes qu'ils se sont faits et qu'ils transmettront, après eux, à d'autres ?

A un pareil état de choses un seul remède est possible, nous le disons en terminant, c'est la diffusion des lumières, les progrès d'une instruction moralisatrice. Mais l'instruction même est insuffisante, si les croyances religieuses ne viennent lui donner la lumière et la vie; ce sont elles qui

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sont, en définitive, le commencement et la fin de tout bien, la digue à toutes les passions mauvaises. Et nous n'entendons pas par là ce je ne sais quoi qu'on a voulu décorer du nom de religion pour en faire un frein à l'usage du pauvre qui souffre, pour obtenir de lui qu'il veuille bien ne pas troubler les jouissances du riche; ce qui est nécessaire, indispensable, c'est une foi respectée par tous, devant régénérer et rapprocher les différentes classes sociales, promettant au pauvre des récompenses immenses pour ce qu'il aura souffert, au riche pour ce qu'il aura donné. Alors l'édifice de la société sera définitivement reconstruit sur de larges et inébranlables bases; et si quelques faits viennent encore déranger parfois l'harmonie universelle, les peines pourront être douces, parce que le danger ne sera pas grand. Ce sont, pour terminer, en rentrant dans notre sujet, ce sont les seules croyances religieuses qui sout appelées à arrêter les progrès de la criminalité. Nous n'en citerons qu'une preuve : l'exemple de ce malheureux, mourant, à 23 ans, sur l'échafaud, pour avoir commis l'assassinat et l'incendie du Thil-Riberpré, et qui, au moment de se courber sous la hache, indiquait comme le moment où il s'était perdu, celui où il avait oublié la foi et les conseils de son père; et mourait repentant, acceptant avec soumission et presque avec joie la terrible expiation dans laquelle il voyait un gage d'espérance, de pardon et de miséricorde.

M. le président exprime à M. de Loverdo les remercîments de l'assemblée, qui ne peut que s'associer pleinement aux sentiments qui ont dicté ce travail.

M. de Boutteville s'en réfère au procès-verbal de la

section où le même Mémoire a été lu, relativement à quelques points qui y sont touchés.

M. Houdelière fait remarquer qu'on avait cru, dans la dernière séance de la section, reconnaître l'absence d'un mal dont M. de Loverdo a constaté l'existence, l'usure.

M. Bourlet de la Vallée lit pour M. Cisseville, absent, le Mémoire suivant.

Quelques considérations géologiques concernant la recherche de la houille dans le département de la Seine-Inférieure, par M. le docteur CISSEVILLE, de Forges.

Il manque au département de la Seine-Inférieure, déjà si remarquable sous divers rapports, d'être compté au nombre de ceux qui alimentent le pays de houille. Si l'industrie manufacturière doit désirer vivement le succès de la recherche que l'on se propose de faire de ce précieux combustible dans cette contrée, l'agriculture n'y attache pas moins d'importance. La découverte, encore récente, d'une mine d'anthracite, fait, depuis son exploitation, la prospérité des départements de la Sarthe, de la Mayenne et de Maine-et-Loire.

Mue par le désir de doter le département d'une richesse nouvelle, la Société libre d'émulation de la ville de Rouen a proposé, il y a quelques années, pour sujet d'un prix qu'elle avait fondé, la question formulée de la manière suivante :

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1oIndiquer, d'après les données de la science géologique, corroborées par l'examen raisonné des sondages et des puits d'extraction de diverse nature exécutés, jusqu'à ce jour, tant dans le département de la Seine-Inférieure

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