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M. Hubard, au nom de la 3o section, donne lecture du Rapport suivant sur l'état de l'instruction primaire dans l'arrondissement de Neufchâtel.

Rapport de M. HUBARD sur l'état de l'instruction primaire dans l'arrondissement de Neufchâtel.

Depuis 10 ans, l'instruction primaire s'est généralement répandue dans l'arrondissement de Neufchâtel; et si elle laisse encore beaucoup à désirer sous certains rapports, il faut reconnaître cependant qu'il y a dans l'enseignement amélioration et progrès.

Des communes qui étaient privées d'instituteurs, à défaut de maison d'école, se sont imposé des sacrifices, et en peu d'années elles se sont placées au même rang que les autres communes les mieux pourvues. Les instituteurs qui se sont présentés dans ces derniers temps et qui ont été admis par les Comités locaux et par le Comité d'arrondissement, sont, pour la plupart, des jeunes gens remplis de zèle et ne manquant pas de capacité. Parmi eux, il s'en trouve qui ont une instruction aussi solide qu'avancée, et qui en font profiter leurs élèves. De jour en jour diminue le nombre de ces anciens instituteurs que l'âge contraint à prendre leur retraite, et qui, n'ayant reçu qu'une instruction médiocre, ne peuvent transmettre à leurs élèves que des connaissances autant incomplètes qu'elles sont insuffisantes. De toutes parts donc l'instruction primaire peut être donnée et reçue aujourd'hui à peu près au même degré et avec les mêmes avantages.

Les habitants des campagnes, coupables autrefois de tant d'indifférence en matière d'instruction, apprécient

maintenant les bienfaits de l'éducation et la supériorité qu'elle donne à ceux qui sont à portée de la recevoir et d'en profiter. Ils savent que la valeur de l'homme ne consiste pas dans le hasard de la naissance ou seulement dans la possession des richesses; mais que la science et le talent ont aussi leur prix, et qu'ils font la véritable distinction entre les individus. Ils envoient donc leurs enfants aux écoles primaires, quand leur position de fortune ne leur permet pas de faire plus; dans les pensionnats et les colléges, lorsque, sans trop se gêner, ils peuvent faire les dépenses nécessaires pour que ces enfants reçoivent une instruction supérieure. Ils se réjouissent de leurs succès, et ils font ce qui dépend d'eux pour seconder les instituteurs. Ceux-ci commencent à jouir de la considération qu'ils méritent, qui leur est due, et qui ne leur était pourtant pas toujours accordée. Ils ne sont plus regardés comme des mercenaires jetés dans les derniers rangs de la société ; on s'accoutume à voir dans l'exercice de leur profession un bel et noble emploi. Les hommes vraiment honorables, ceux qui savent combien l'instruction est chose précieuse, leur tiennent compte des efforts qu'ils font, et ce témoignage de sympathie ne contribue pas peu, dans nos communes rurales, à encourager les instituteurs, å les faire redoubler de zèle et de soins, pour qu'en sortant de leurs mains les élèves justifient la confiance qu'on a eue dans le maître.

Le nombre des enfants qui fréquentent les écoles s'est donc accru d'une manière sensible depuis quelques années. Il s'accroîtra encore en raison des dépenses que feront les communes pour avoir des maisons d'école commodes et bien entretenues, et des subventions qu'elles pourront

payer pour avoir de bons instituteurs; car il faut le dire, Messieurs, il est vraiment déplorable de voir que ceuxci ne peuvent pas trouver dans le seul exercice de leur profession les ressources indispensables à leur existence. Ils ne reçoivent qu'un traitement bien insuffisant, et souvent ils sont obligés de recourir à quelque industrie accessoire, comme celle de chantre de paroisse ou de secrétaire de mairie. Sans doute, cela n'ôte rien à leur considération et ne porte nulle atteinte à leur dignité morale; mais ils enlèvent ainsi aux leçons de l'école un temps qui devrait leur être uniquement consacré ; leur indépendance en souffre, et c'est un très-grand mal.

L'instruction primaire est donnée dans les termes de la loi du 28 juin 1843. Elle comprend l'instruction morale et religieuse, la lecture, l'écriture, les éléments de la langue française et du calcul, le système légal des poids et mesures.

Quelques-uns de nos instituteurs, assez instruits pour pratiquer l'instruction primaire supérieure, étendent l'instruction élémentaire à quelques-unes des branches de ce degré d'instruction, quand ils trouvent des sujets aptes à profiter de leurs leçons. Ainsi ils font entrer dans l'enseignement les éléments de la géométrie et ses applications les plus usuelles, le dessin linéaire et l'arpentage. Il y en a qui donnent des leçons de chant, d'histoire et de géographie. Si en cela ils s'écartent un peu du programme ordinaire, il ne faut pas trop leur en faire un reproche. Très-peu d'élèves sont en position d'user de ces bonnes dispositions; et si nous signalons ce fait, ce n'est que pour mieux constater que, même parmi les enfants que la condition de leurs parents appelle à ne recevoir qu'une instruction primaire élémentaire, il en est cependant qui

peuvent et quine demandent pas mieux que de recevoir une instruction primaire supérieure ; qu'il n'y a pas d'éloignement, de la part des enfants, à s'instruire, et, de la part des parents, à leur faire donner de l'instruction; que toutes les classes, au contraire, s'empressent de profiter du bienfait qui leur est offert, et que même, dans un état voisin de l'indigence, les parents font encore tout ce qu'ils peuvent pour que leurs enfants soient admis gratuitement dans les écoles, aimant mieux se priver de quelques ressources qu'ils trouveraient dans le faible travail de ces enfants, que de voir ceux-ci rester tout-à-fait sans instruction.

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Il ne peut être permis, à l'occasion d'un simple exposé destiné à vous présenter l'état de l'instruction primaire élémentaire, de vous parler de l'instruction secondaire. Nous pouvons dire cependant qu'elle est donnée encore avec succès dans une proportion assez notable de la popu lation du pays. Il n'y a que peu d'institutions. Les plus distinguées sont, pour les jeunes garçons, celle de M. Boulen, à Aumale, et la maison de Nazareth à Mesnières. Ajoutons que beaucoup d'enfants de nos riches cultivateurs sont placés dans des pensionnats à Rouen, et même au college royal; que ce sont autant d'élèves enlevés à l'instruction qui se donne dans l'arrondissement, mais que ces enfants n'en reviennent pas moins plus tard au foyer paternel avec des connaissances acquises; qu'en somme donc notre population reçoit, autant que possible, l'instruction primaire au premier et au second degré ; qu'elle peut recevoir dans un certain nombre de communes l'instruction primaire supérieure, et qu'il y a encore des ressources suffisantes pour ceux qui veulent et peuvent

acquérir une instruction plus solide et plus étendue, sans être celle des colléges royaux.

Cependant, Messieurs, nous ne pouvons nous empêcher de vous faire remarquer que si l'état de l'instruction primaire dans notre arrondissement est satisfaisant sous certains rapports, il est loin de l'être autant sous d'autres.

Ainsi beaucoup de maisons d'école sont trop petites pour contenir le nombre des élèves qu'on y envoie ; il y en a qui sont mal entretenues et dans un grand état de délabrement. Les communes ne sont pas assez riches pour faire les dépenses nécessaires pour rendre ces maisons propres au service auquel elles sont destinées; la santé des enfants en peut souffrir; beaucoup d'instituteurs sont mal logés. Il y en a qui ont été forcés de renoncer à l'enseignement dans quelques communes, à défaut d'habitation convenable pour les recevoir.

Mais ce que nous devons plus particulièrement signaler à l'attention, c'est le défaut d'institutrices communales ou privées dans presque toutes nos communes.

pas, munes,

Nous n'en pouvons compter qu'un petit nombre, - 26 ou 27 au plus, -en n'y comprenant pas les trois institutions du chef-lieu. Dans les communes où il ne s'en trouve et notre arrondissement se compose de 144 comles jeunes filles fréquentent les écoles des instituteurs. Si les sexes sont séparés, ce qui n'arrive pas toujours, la séparation n'a lieu que pendant la durée des classes, qui se font aux mêmes heures. Mais, les classes terminées, les garçons et les filles' se rencontrent et se retrouvent pour retourner ensemble au domicile de leurs parents, situé souvent à d'assez grandes distances. Nous n'avons pas besoin de vous dire quelles sont les fâcheuses

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