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remplacement, et on a augmenté les troupeaux d'un sixième. Plusieurs cultivateurs faisaient même deux levées, en achetant au mois de décembre, nourrissant à la bergerie avec 21 ki!. de ronds grains ou fourrages, chaque jour, pour 20 bêtes, ou un kil. 50 grammes par tête en sus du pâturage d'hiver, faisant parquer au commencement d'avril et donnant à la crèche du trèfle coupé; chaque bête avait pour sa saison un are 25 centiares de verdure, représentant 79 kil.

La tonte,opérée au commencement de juin, donnait une dépouille du poids d'un kil. 8 à 9 hect. Ces moutons étaient vendus en juillet. Pour la seconde levée, les moutons achetés aussitôt après la vente des premiers, étaient nourris au pâturage jusqu'au mois de décembre, et vendus pour la boucherie avec peu de gain. Aussi ce mode a été bientôt abandonné.

Il y a eu moins de progrès, à cette époque, sur les plateaux.

Empressons-nous cependant de rendre justice à un certain nombre de propriétaires de troupeaux de cette contrée, qui ne sont point restés en arrière. En somme, la faveur qu'a éprouvée cette branche de commerce, fait augmenter le nombre de moutons d'un sixième, de 1810 à 1815.

a

En 1825, les perfectionnements introduits dans la culture ayant diminué l'étendue des jachères et, par suite, celle des pâturages d'été, il a fallu y suppléer par des verdures que l'on peut évaluer à 2 ares par tête de bétail. A la même époque, l'espèce bovine a pris dans les vallées du développement, et, en raison de l'insuffisance des fourrages, elle a arrêté celui de l'espèce ovine.

Les plateaux ont, au contraire, suivi la marche progressive des choses et des idées. Bon nombre de cultivateurs ont renoncé au système de communauté, et ont formé des troupeaux particuliers du même age et du même sexe. Ils ont essayé des croisements avec des béliers artisiens et mérinos, ou au moins métis. Ces derniers sont ceux qui ont le mieux réussi. Cette méthode ayant été mal dirigée dans quelques circonstances, il en est résulté une dégénérescence. Cependant les époques des montes ont été observées avec plus d'exactitude, et la nourriture a été plus abondante.

De 1825 à 1840, il y a eu un mouvement rétrograde dans les vallées. La grande étendue de terrain soustraite à la culture arable et convertie en herbages, a arrêté le progrès qu'avait fait jusqu'alors la race ovine. Des cultivateurs se sont vus obligés de réduire et même de supprimer leurs troupeaux, faute de pâturages et de nourritures sèches. Ceux qui ont pu persister ont été dans la nécessité de donner, par tête, pendant la durée du pâturage d'été, au moins 2 ares 50 centiares de verdure, produisant 63 kil. par are.

Mais bientôt le retour trop fréquent du trèfle et de la minette sur les mêmes terrres altérant la végétation de ces plantes et diminuant la quantité ainsi que la qualité de leurs produits, l'étendue consacrée à la nourriture des troupeaux est devenue insuffisante, et, par suite, l'engraissement a été rendu plus lent et moins avantageux.

Les partisans du système anglais, ne consultant peutêtre pas assez les différences qui existent dans les facultés du sol des deux pays, dans les ressources pécuniaires des exploitants, dans la quantité d'engrais et dans la possi

bilité de sacrifices plus ou moins considérables, ont blåmé les agriculteurs de nos contrées ; ils ont pensé que, mieux avisés, les propriétaires de moutons auraient dù chercher, dans la culture des racines fourragères, un remède à l'épuisement de la terre, causé par la trop rapide succession des plantes bisannuelles. Ils citent les avantages obtenus, en Angleterre, de la culture de la betterave, et surtout des diverses variétés du navet et de leur application à la nourriture des bestiaux, et ils déplorent la situation de notre pays, qui, selon eux, se trouve en présence d'un sol épuisé, se refusant à certaines cultures dont on a fait abus. Reprenons l'historique de l'éducation des moutons dans l'arrondissement.

Partie ouest.

Vers 1800, la race ovine n'était pas très-répandue dans la partie ouest de l'arrondissement; elle y était, au contraire, médiocrement cultivée. L'usage de la communauté y était presque général; car il fallait exploiter une ferme d'une contenance d'au moins 50 hectares, pour avoir seul ] un troupeau composé de 80 à 100 moutons.

L'espèce connue sous le nom de race cauchoise était celle dominante. Ces animaux, dont la tête est rouge, la laine courte, frisée et peu tassée, avaient un grand rapport avec les moutons caennais. La plus grande partie des troupeaux était mal dirigée, composée de bêtes de différents âges et des deux sexes, à quelques exceptions près, mal nourrie et produisant peu.

Vers 1805, on a essayé d'introduire la race des mérinos, au moyen de béliers sortant des bergeries de Ram

bouillet. Cet essai n'a pas eu le succès qu'il devait avoir. Certains cultivateurs avaient en grande répugnance les productions de ces béliers croisés avec des brebis cauchoises. Cependant nous devons rendre hommage à quel ques-uns, qui y ont mis de la persévérance. Ils ont, d'ail leurs, été amplement dédommagés des critiques dont ils avaient été l'objet, par les avantages qu'ils ont tirés de leur heureuse tentative. Une toison, pesant 2 kil., se vendait 8 à 9 fr. le kil., tandis que les toisons communes, d'un poids moindre, n'avaient qu'une valeur de 3 à 3 fr. 50 c. le kil.

C'est à M. Jouanne, acquéreur d'une ferme importante dans la commune de Sainte-Geneviève, que revient lé mérite de l'introduction de la race mérinos dans la contrée. Cet agriculteur, remarquable à plus d'un titre, a su résister à tous les dégoûts qu'éprouvent en général les hommes qui apportent des innovations utiles. La vue de ses beaux troupeaux, la vente aux enchères qu'il fai sait d'une partie de ses moutons, finirent par accoutumer ses voisins à l'introduction du mérinos dans leurs bergeries; il ne manquait à ses efforts, pour augmenter le bien qu'il a fait dans l'arrondissement, que de faire des élèves et de pratiquer des croisements, dont il donnait les moyens plutôt qu'il n'en a donné l'exemple. Plus tard, ces croisements se sont accrus considérablement et ont contraint les propriétaires de moutons à sortir de leur erreur; les béliers étaient achetés de 300 à 800 fr. pièce, et les brebis de 50 à 150 fr.

Ces circonstances ont donné l'éveil aux cultivateurs et les ont portés à régler avec ordre et uniformité leur troupeau; les uns se sont procuré des béliers de pure race

les autres des béliers et des brebis métis. Le nombre de moutons, l'augmentation de récolte et la qualité des laines ont subi une progression sensible.

Soit que l'on voulût engraisser les moutons, soit que l'on voulût nourrir des mères avec leurs agneaux, on donnait, à cette époque, depuis le 1er décembre jusqu'au 10 ou 15 mai suivant, 21 kil. de récoltes fourragères pour 20 bêtes (1 kil. 50 grammes par tête), sans compter la paille de blé fauchée et 10 litres d'avoine (50 centilitres par tête), et, aux champs, 60 ares de plantes fourragères (3 ares par tête) à pâturer, produisant 3,780 kil. Alors le pâturage des jachères était encore très-nourrissant, à cause des herbes assez abondantes qui le couvraient.

De 1815 à 1825, l'émulation a eu un élan remarquable. Le cultivateur, exploitant 30 hectares de labour, avait un troupeau composé de 80 bêtes au moins. On a commencé à classer les troupeaux avec uniformité d'âge et de sexe; c'est de ce temps que date leur bonne organisation. L'un a eu des mères, dont il a vendu les agneaux six mois après leur naissance; l'autre n'a composé son troupeau que de ces agneaux nés en mars et qu'il achetait en septembre, pour les revendre, sous le titre d'antenois, un an après. Il payait ces agneaux 18 fr., les faisait pâturer jusqu'au 1er novembre ; et, comme ils sont plus sensibles au froid et à l'humidité que les vieux moutons, il les rentrait à la bergerie vers cette dernière époque. Là, il leur donnait, chaque jour, pour 20 bêtes, 10 kil. de récoltes fourragères (5 hect. par tête), 8 litres d'avoine par tête et 10 kil. de paille de blé fauchée et battue au muid (5 hect. par tête ). Cette paille, ainsi fauchée et battue, conserve, dans le pied de la gerbe, des grains et de l'herbe dont

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