Page images
PDF
EPUB

qui, spécialement dans les cantons de Forges et de Gournay, s'opposent à l'élevage.

M. Legras applique plus particulièrement la question au canton de Neufchâtel, et méconnaît qu'il y règne une mortalité réelle.

M. Delaplace partage cette opinion; il voit, dans la dimension peu étendue de propriétés bien employées, un motif pour ne pas introduire l'usage des fossés et des haies.

M. Hubert-Joly examine pourquoi on n'élève pas de bestiaux dans le canton de Forges; c'est une affaire de calcul et d'intérêt; c'est parce qu'on y tire plus de parti du lait que de l'élève.

M. de Moy demande que M. Lelong veuille bien s'expliquer sur ce point.

M. Lelong reconnaît, comme M. Villain, que, dans les contrées de Forges et de Gournay, l'élevage est contrarié, parce qu'on a reconnu y perdre beaucoup de jeune bétail. Les loyers sont chers, et ceux qui les paient doivent aller à ce qui rapporte le plus.

M. Du Lesmont signale le danger qui menace ce même pays d'ici à deux ans, l'impossibilité qu'il y aura dese tenir exclusivement au même système d'exploitation, dont la continuation exposerait à manquer de placement pour un tiers des denrées. Il demande qu'on examine sérieusement si on ne peut remplir ce vide par des élèves.

M. le président ramène à la question; elle offre un point sur lequel on aura à aviser plus tard. Dans l'état actuel, il s'agit de savoir si on exprimera un vote sur l'élevage.

M. Duhamel demande qu'on renvoie à la Commission des vœux, à l'effet de formuler simultanément tout ce que requiert la situation qui a été signalée ; il faut se pré

parer doucement au revirement qu'amènera l'établissement des chemins de fer.

M. Girardin fait observer, relativement au renvoi proposé à la Commission des vœux, que cette Commission ne s'occupe que des questions amenées à un point d'examen et de solution qui permette d'en faire le sujet d'un vœu à adresser au Gouvernement.

M. le président propose d'adresser aux cultivateurs un avertissement d'aviser si, en favorisant l'élevage, ils ne se prépareraient pas au revirement signalé.

Cet avertissement est adopté.

M. de Beaurepaire, secondé par M. Duhamel, voudrait que M. Lelong consentît à ajouter à son Mémoire quelques développements sur le parcage usité dans ce pays et qu'il paraîtrait utile de propager dans le reste de la province, sur le mode et les résultats de cette pratique, sur la confection, l'agencement et le travail de placement et de déplacement des claies.

Sur l'invitation qu'ajoute M. le président, M. Lelong veut bien compléter son travail dans ce sens.

La parole est alors donnée à M. Normand, maire de Bradiancourt, pour la lecture du Mémoire suivant :

Rapport de M. NORMAND sur l'éducation des moutons dans l'arrondissement de Neufchatel.

Le Comice de l'arrondissement a manifesté le désir qu'il soit mis sous les yeux de l'Association normande un exposé de la méthode et des usages appliqués, dans cet arrondissement, à l'éducation de l'espèce ovine.

Chargé de cette tâche, rendue difficile par la privation

d'une partie des éléments nécessaires, nous avons pensé qu'il était convenable de nous restreindre dans un cercle peu étendu.

Avant de traiter la matière, nous exposerons la situation topographique du sol de l'arrondissement, composé des vallées de Bray, d'Aulnes, de la Bresle, de l'Yères, et d'une partie de l'Andelle. Le mode d'exploitation n'étant point le même que celui usité sur les plateaux, il en résulte une différence dans les moyens de nourriture.

Afin de mettre l'Association à même d'apprécier cette différence, nous avons divisé l'arrondissement en deux parties, en prenant pour ligne de séparation la grande route no 15 de Paris à Dieppe, traversant Gournay et Forges.

Le territoire situé entre cette route et les limites des départements de la Somme et de l'Oise, est composé des vallées de Bray, d'Aulnes, de la Bresle, d'Hyères, séparées par des plateaux qui ont peu d'étendue.

La partie de l'ouest, limitée par les arrondissements de Rouen et de Dieppe, est composée, en majeure partie, de terres en plateaux. L'espèce ovine y est entretenue sur une plus grande échelle.

Nous prendrons pour point de départ les premières années du XIXe siècle, époque à laquelle l'agriculture a commencé à porter ses soins sur le perfectionnement de la race ovine.

Partie nord-est de l'arrondissement.

Dans les vallées du côté nord-est de l'arrondissement, les troupeaux étaient composés de la race dite Picarde, et,

en grande partie, de moutons mâles. Leur laine est grosse et longue, et pousse par épis. Chaque bête en donne de 1 kil. 7 hect. à 2 kil.

Le prix était de 3 fr. le kil. : cette espèce est la plus convenable à la localité. La force de tempérament et la privation de laine aux pattes leur font mieux supporter la rigueur du mauvais temps et les inconvénients des mauvais chemins, en hiver.

Achetés 20 fr. dans les mois de juillet et août, à l'age de 3 à 4 ans, ils étaient nourris au pâturage des jachères jusqu'à la dépouille des récoltes, et ensuite ils parcouraient les champs jusqu'au 15 ou 20 décembre, époque où on les rentrait à la bergerie; ils y restaient jusqu'à la fin du mois de mars. Pendant ces trois mois, ils påturaient les herbages et prairies, à l'exception des jours où la terre était couverte de neige, circonstance qui se présente plus rarement dans les vallées. Lorsqu'ils paturaient, on leur donnait chaque jour, à la bergerie, 7 kil. de ronds grains ou fourrages pour 20 bêtes; soit 3 hect. 50 gramines par tête, non compris la paille, et 14 kil., ou le double, lorsqu'ils restaient à la bergerie. A partir du mois d'avril de l'année suivante, on les faisait parquer et pâturer jusqu'au moment de la vente, qui avait lieu en juin, juillet et août. Cette vente, pour chaque animal pesant 25 kil. de viande et donnant 5 kil. de suif, était de 25 fr. Les cultivateurs des plateaux usaient d'une autre méthode. Beaucoup de troupeaux y étaient en communauté des ou en société; ils se composaient de bêtes de tout age, deux sexes et de toute origine. Les béliers et les brebis y étaient pêle-mêle, et souvent d'un mauvais choix. Il en résultait des productions vicieuses. La monte n'ayant pas

d'époque fixe, les agneaux naissaient depuis le mois de décembre jusqu'au mois de juillet. Les derniers nés n'avaient ni assez d'âge, ni assez de force, pour résister aux intempéries de l'automne et de l'hiver, qui les surprenaient avant que leur tempérament ne fût formé. Les propriétaires faisaient peu de sacrifices pour les nourrir en hiver à la bergerie; ils ne leur donnaient ordinairement que de la paille sans grains. En été, les jachères étaient seules affectées à leur nourriture; les propriétaires n'y ajoutaient pas de verdure. Aussi les produits de la laine et de la vente des animaux étaient extrêmement faibles.

Vers 1805, les cultivateurs des vallées ont commencé à entrer dans une meilleure voie; nous en attribuons la cause à l'habitude prise de diriger vers le marché de Poissy un assez bon nombre de moutons gras. Les propriétaires des troupeaux, y trouvant de l'avantage, ont perfectionné leur manière de nourrir à la bergerie, sans cependant faire de dépenses autres que de porter la ration,pour vingt bêtes, à 18 kil. de ronds grains ou fourrages, outre la paille, ou par tête 9 hect., et, pendant le temps du parcage, de leur donner un peu de trèfle à la crèche, afin de suppléer à l'insuffisance du pâturage des jachères.

Les cultivateurs des plateaux qui ne vendaient, dans leurs troupeaux mal composés, que les moutons de réforme, ont moins profité de l'avantage offert aux nourrisseurs de moutons gras. Leur insouciance les a privés du bénéfice qu'ils auraient pu obtenir d'une administration mieux entendue.

Vers 1810, dans les vallées, le progrès a été plus sensible. Le marché de Poissy favorisant la vente des moutons gras, il s'en est suivi un débouché pour les moutons de

« PreviousContinue »