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Sur les versants, le hêtre est l'essence dominante, mé langé de cornouiller, frêne, érable et merisier.

Il y a peu d'années encore, les futaies étaient, comme les taillis, exploitées à tire et aire, c'est-à-dire que les coupes étaient régulièrement assises, qu'on les balivait comme les taillis. D'après l'ordonnance de 1669, titre XI, art. 6, on devait réserver 20 arbres par hectare, et jusqu'à la révolution de l'aménagement, on vendait seulement les chablis.

On conçoit facilement combien un tel système était préjudiciable, au point de vue des produits en nature et pécuniaires, puisque tous les bois qui n'arrivaient pas au terme de l'aménagement étaient perdus, car ils devenaient la proie des riverains.

Un autre inconvénient, plus funeste encore, qui a eu pour résultat de ruiner une partie considérable de nos forêts, aujourd'hui stériles, ou qui ne donnent que des revenus très-médiocres; c'est que procédant de suite à des coupes définitives, les arbres que l'on réservait comme baliveaux étaient, pour le plus grand nombre, renversés, peu de temps après l'exploitation, par les vents, et que ceux qui avaient résisté mouraient presque tous en cîme, par l'effet du changement subit apporté aux conditions de leur existence, c'est-à-dire que ces arbres, élevés dans un massif serré, qui n'avaient obtenu la plus grande partie de leur nourriture que par leurs racines, se trouvant, sans transition, exposés à toute l'influence de l'air et de la lumière, ces deux puissants agents de la végétation, leurs pores étant très-ouverts, leur tronc se couvrait presque de suite de branches gourmandes qui absorbaient toute la sève au préjudice de la tête. Je pense aussi

que cette surabondance d'alimentation les étouffait, pour ainsi dire.

Cet inconvénient se produit surtout sur le chêne, qui est plus poreux que les autres végétaux. De là l'impossibilité d'obtenir des semis naturels : or, comme on ne pouvait attendre la reproduction par les souches, conséquemment le sol éta't envahi par les essences à graines légères, le charme, le bouleau, le saule, le tremble; dans les sols maigres, par les plantes parasites. Ces parties de forêt comprennent aujourd'hui ces nombreux vagues dont le repeuplement artificiel coûterait des sommes considérables. Heureusement les forêts de l'arrondissement de Neufchâtel présentent peu de cas semblables.

De là, sans doute, a pris naissance la question de l'alternance des essences, qui divise beaucoup de bons esprits.

Aujourd'hui, les forêts de l'Etat et du domaine privé sont soumises au système nouveau de silviculture, c'est-àdire que l'on pratique des nettoiements et éclaircies,afin de protéger la croissance des bois durs ; que ces éclaircies se répètent autant de fois qu'il y a nécessité de les opérer, et qu'enfin l'on ne fait jamais une coupe définitive qu'autant que le réensemencement naturel est assuré.

L'Etat et le domaine privé soumettent aussi leurs taillis à des nettoiements et éclaircies. Cette opération produit · également d'excellents effets sur ces bois. Nous soumettrons plus loin le résultat d'expériences que nous avons faites à cet égard.

Nous ne connaissons que deux propriétaires qui appliquent ce traitement à leurs bois : Mme Hoche, dans la forêt de Conteville; M. Borel de Bretizel, au Vieux-Rouen. Dans la partie de l'arrondissement qui avoisine la forêt de

Lyons, les taillis, qu'on exploite à vingt ans, y sont aussi soumis.

On ne compte qu'une très-faible étendue de taillis sur laquelle on n'entretient pas de futaie. Dans le canton d'Aumale, la moyenne peut étre portée à 120 arbres à l'hectare, parmi lesquels il en existe de fort beaux. Dans les autres cantons, la population est, je pense, beaucoup moins considérable et d'une valeur bien moindre. Les essences dominantes sont le hêtre et le chêne. On élague tous les arbres de la première. Dans les cantons de Saint-Saëns, de Gaillefontaine, de Gournay, de Forges et d'Argueil, les chênes le sont aussi. Les bois que nous avons vus dans ces parties de l'arrondissement laissent beaucoup à désirer à cet égard; les arbres sont presque élagués aussi haut que les poupliers dans les vallées. C'est là une erreur fâcheuse; car, autant un élagage bien fait nous paraît utile, autant cette opération est préjudiciable quand elle a lieu avec inintelligence. D'abord, en enlevant à un arbre une trop grande quantité de branches, ayant moins de feuilles il prend moins de nourriture, on l'épuise, et, loin d'activer sa croissance, on l'arrête; puis, la tète ne prenant plus assez de nourriture, le tronc se couvre d'une quantité considérable de jeunes rejets qui le rendent noueux ; enfin, en amputant de trop gros bras, on fait des plaies qui ne se recouvrent pas, qui amènent la pourriture et rendent le sujet impropre à être employé comme bois de service.

On ne songe jamais à tailler les baliveaux de l'âge, à les disposer ainsi pour la suppression de branches basses et gourmandes, défaut qu'offrent presque tous les baliveaux de taillis, et à les arranger de manière à devenir de beaux arbres. Nous nous expliquerons plus loin à cet égard.

Débit des bois.

L'arrondissement ne consomme pas tous ses produits, employant, d'ailleurs, comme bois de charpente et de menuiserie, une grande quantité de sapin du Nord, qu'il tire de Dieppe et du Tréport.

Une grande partie des hêtres de la forêt de Lyons sont convertis en boisselerie et en instruments aratoires. On tire, en outre, de cette forêt des rails pour les chemins de fer. La forêt d'Eawy envoie du bois de feu à Rouen et à Dieppe ; celle d'Eu, à Eu, au Tréport et à Abbeville. Les bois des forêts de Gaillefontaine et de Conteville sont en partie carbonisés et expédiés à Paris et à Rouen ; enfin, les bois du canton d'Aumale approvisionnent partie des communes des départements de la Somme et de l'Oise qui les environnent. Toutes ces localités prennent aussi une assez grande quantité de bois de service, soit en chêne, soit en hêtre. Il existe dans l'arrondissement 8 verreries, une fabrique d'acide pyroligneux à Blangy, et plusieurs faïenceries à Forges-les-Eaux. Ces établissements n'emploient ni houille, ni charbon de bois. Le bois y est brûlé dans son état naturel, après avoir subi une dessiceation parfaite dans les séchoirs chauffés pour cela. Les verreries et la fabrique d'acide emploient 34,000 stères par an; les faïenceries, 6 à 7,000.

Les menus bois servent à la consommation des briqueteries et chaufours, qui sont en grand nombre dans l'arrondissement.

État matériel des forêts et bois.

Les forêts et bois, à l'exception de celle de Bray, dans

laquelle, il y a sept ans, un cinquième environ pouvait être considéré comme improductif, par suite d'une mauvaise exploitation et de manque d'assainissement, renfer ment peu de vides. Les propriétaires font tous leurs efforts pour reboiser les parties qui sont en mauvais état.

Dans la forêt de Bray, on repeuple annuellement en plantations faites sur défoncement à la main, de 25 à 30 hectares. Les essences employées pour ces repeuplements sont l'aune et le bouleau; puis on sème aussi des glands. Les plants sont placés à 1 mètre les uns des autres. M. Thirion, inspecteur de cette forêt, qui opère ces travaux, m'a assuré qu'il obtenait de fort beaux résultats. Je craindrais cependant que les glands fussent étouffés par les bois blancs,

Deux autres modes de repeuplement sont encore employés :

Le défoncement à la charrue, dans les terrains on plaine et d'une culture facile ;

La plantation au fossé sur les sols calcaires, et dont la couche de terre végétale est peu épaisse.

Voici comment on l'opère :

La largeur à donner aux bandes sur lesquelles la plantation sera faite étant déterminée, on ouvre à côté, sur une ligne parallèle, un fossé ordinairement de la largeur de la bande cultivée. Préalablement, deux lignes de plants sont placées sur la même bande, l'une à droite, l'autre à gauche; les tiges, bien entendu, se trouvant dans un sens opposé, c'est-à-dire que les racines sont au bout l'une de l'autre. Ces plants sont recouverts avec la terre provenant du fossé, qui est enlevée d'abord par gazons, de l'épaisseur de la couche de terre végétale. Il est

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