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la louable insistance qu'il a mise à vouloir doter le pays d'une institution pour laquelle il y a tant d'obstacles à aplanir.

M. de Boutteville, pénétré de la grandeur et de l'importance du bienfait qu'il veut procurer à notre ordre social, aborde hardiment toutes les difficultés, et fait de nobles efforts pour les écarter. A cet effet, il assume sur lui seul la tâche qu'exploite, en Angleterre, le Comité d'enquête du parlement, avec tous ses moyens d'information, de contrôle et d'action. Il ouvre, lui aussi, son enquête, passe en revue les Sociétés, dans ce qu'elles ont de bon à prendre ou à éviter ; il cite à sa barre tous les témoignages de leurs fondateurs, et des écrivains ou publicistes qui ont jeté du jour sur la question.

En un mot, M. de Boutteville a laborieusement et heureusement composé une œuvre utile, complète et méritoire..

Jusqu'ici, parmi nous, la même défaveur ne s'est pas attachée, en fait d'importations anglaises, aux idées qu'aux denrées; les prohibitionnistes, qui tendent à mettre les scellés sur nos ports, ne travaillent pas aussi directement å frapper d'un embargo l'introduction des réformes morales. Cependant, plus d'une fois, des projets d'amélioration au sort de l'humanité, appuyés de l'exemple et présentés à la secte de l'Angleterre, ont été, à cause dé cela, accueillis par le cri répulsif: Timeo Danaos, etc.

Nous félicitons M. de Boutteville d'avoir tenu ferme contre un certain courant; d'avoir voulu, non-seulement prendre le bien d'où il arrive, ou même aller le chercher où il se trouve, mais encore honorer la source où il a été puisé. En agissant ainsi, en consacrant un long et con

sciencieux labeur à une œuvre utile plus que brillante, à une œuvre difficile, au moins difficile à naturaliser pleinement parmi nous, M. de Boutteville, disons-le en deux mots, Messieurs, a fait une bonne brochure et une bonne action.

La conclusion de ce Rapport sera donc de vous proposer d'adopter celle que l'auteur lui-même a formulée en ces termes :

« Nous avons l'espoir que la Société d'émulation de » Rouen voudra persévérer dans la voie où elle est entrée, » et qu'elle saura adopter les mesures les plus propres à » atteindre sûrement le but qu'elle se propose. »

» La section remercie M. de Beaurepaire de cette communication où respirent, admirablement exprimés, les sentiments les plus élevés et les plus honorables.

» Un Mémoire de M. le docteur Cisseville sur les eaux minérales de Forges est communiqué à la section. Ce Mémoire est, de tous points, digne de la réputation que l'auteur s'est déjà acquise près de l'Association normande, par son travail sur les recherches à faire,dans le canton de Forges, pour la découverte de la houille, dont il a été donné lecture dans une des précédentes séances publiques.

» Ce nouveau Mémoire est l'histoire et l'analyse complète et très-intéressante des eaux de Forges, dont l'action tonique sur l'économie animale ne résulte pas seulement du fer qu'elles renferment, mais encore des substances gazeuses et salines qui s'y trouvent en dissolution.

» L'efficacité de ces eaux a été nombre de fois éprouvée dans toutes les maladies qui tiennent à la langueur du principe vital, à l'atonie des tissus, à la faiblesse des mouvements organiques.

Néanmoins, la section l'a reconnu pour le déplorer, les eaux de Forges, après avoir joui d'une renommée éclatante qui leur attirait la visite annuelle d'une multitude de grands personnages, sont tombées dans un état d'oubli et d'abandon immérités, où elles languissent, malgrélés efforts généreux tentés, dans ces derniers temps, pour leur redonner, sinon l'éclat pompeux du passé, du moins l'existence et la durée.

» Si ces eaux sont, comme tout l'atteste, aussi efficaces que celles d'Enghien, pourquoi, dans nos pays, conseillet-on celles-ci de préférence à celles-là, plus voisines du domicile de la plupart d'entre nous?

» Aussi la section recommande-t-elle à l'Association normande tout entière de publier, par tous les moyens en son pouvoir, l'efficacité incontestée des eaux de Forges.

Notice sur les eaux minérales de Forges (Seine-Inférieure), par M. le docteur CISSEVILLE.

Nous nous proposons de scinder cette Notice sur les eaux minérales de Forges en cinq séries, pour faciliter la description d'objets qui, bien qu'ils aient entre eux une corrélation réciproque, ont besoin d'être examinés séparément. Au moyen de cette division, on évitera une confusion toujours nuisible à l'intelligence du sujet que l'on traite.

La première série aura trait à la statistique de Forges et à son histoire naturelle; la deuxième concernera les propriétés physiques et chimiques des eaux minérales, ainsi que leur historique; dans la troisième, nous nous occuperons de l'établissement en particulier; la quatrième

comprendra les propriétés médicales de ces eaux ; dans la cinquième, enfin, nous traiterons de leur mode d'administration.

PREMIÈRE SÉRIE.

Forges-les-Eaux est un bourg du département de la SeineInférieure, à 13 myriamètres nord ouest de Paris, dont la population s'élève maintenant de 1,550 à 1,600 personnes environ. Il tire son nom des anciennes forges qui ont existé à son voisinage et à l'endroit même où il est construit. Une de ses extrémités, celle où les scories ferrugineuses se rencontrent en plus grande quantité, a conservé encore le nom de quartier d'Enfer. Traversé, dans toute sa longueur, par la grande route royale qui va directement de Paris à Dieppe, il est en partie entouré par la forêt de Bray, qui occupe plus de la moitié de son territoire.

On trouve, aux environs, des fontaines minérales des restes de fourneaux, des portions ou fragments de tuiles romaines et autres terres cuites vitrifiées,qui donnent à croire qu'elles ont servi à la construction de fourneaux où fut contenue une matière soumise à un feu violent.

Ces débris se sont rencontrés, en grande quantité, dans des terres voisines, qui, de l'état de bruyères dans lequel elles étaient depuis fort long-temps, ont été converties en herbages ou prairies. Quelques endroits de la forêt de Bray renferment de ces débris, ainsi que de nombreuses scories de fer.

Lorsqu'on fit, en 1772, les fondements d'un pont sur la rivière d'Andelle, on trouva un grand aqueduc en bois

de chêne, très-bien conservé, et devenu noir comme de l'ébène. Sa dureté était telle, que la hache et la scie ne l'entamaient que difficilement.

Derrière l'établissement des eaux minérales et le long de la rivière d'Andelle, on voit la seule fabrique de sulfate de fer naturel qui existe dans le département, créée en 1816 par le sieur Dupré, qui en est le concessionnaire. En faisant des fouilles pour extraire le minerai nécessaire à la fabrication du sulfate de fer, on a rencontré,au-dessous d'une couche de tourbe et à la profondeur d'environ 3 mètres, un grand nombre de chênes noirs, dont les uns étaient durs et les autres friables. La plupart étaient couchés ; quelques-uns étaient restés debout. Nous en avons vu plusieurs dont l'écorce, présentant un brillant et une dureté métalliques, indiquait une minéralisation par le fer. En général, on n'en a guère retiré d'autre emploi utile que celui d'en faire de médiocre bois de chauffage.

Le monticule sur lequel est construit le bourg de Forges se dirige de l'est à l'ouest. Il est composé, depuis l'argile bigarrée qui apparaît à la surface du sol jusqu'au grès vert, de nombreuses alternances d'argile plastique, de sables et grès ferrugineux, ayant une puissance de 30 à 35 mètres, et desquelles sortent, au nombre de trois, les fontaines minérales dont nous allons nous occuper ciaprès.

Le bourg de Forges-les-Eaux occupe le point le plus élevé de l'horizon qui l'entoure; trois rivières prennent leur source dans ses environs, et coulent dans des directions diverses et opposées.

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Rivières. L'Epte prend sa source dans les prairies, à Serqueux, commune au nord de Forges, et coule vers le

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