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une importance incontestable; mais la preuve qu'il n'a pas seul déterminé les auteurs de la loi,c'est que la chasse, dans certaines conditions prévues et prohibées, continue d'être un délit, même à une époque où les fruits de la terre sont engrangés et à l'abri de toute entreprise de la part du chasseur; c'est que certains procédés', fort indifférents, fort inoffensifs, même quant au tort que les récoltes en peuvent éprouver, deviennent coupables lorsqu'on les applique à la poursuite du gibier. La conservation du gibier a donc été aussi un des buts qu'on s'est proposé d'atteindre; le motif de l'intérêt porté à cette conservation est que le gibier constitue un élément important d'alimentation, que le braconnage était au moment de faire disparaître. Mais le poisson n'entre-t-il pas aussi dans les moyens d'alimentation d'une partie de la population? N'est-il pas d'un usage plus général, plus indispensable? Neconstitue-t-il pas, dès-lors, une ressource plus précieuse, qu'il est important de sauver d'une destruction complète et prochaine; car le nombre des pêcheurs, et des pêcheurs braconniers, est plus grand que jamais; il s'est augmenté de tous ceux que la crainte des rigueurs de la loi nouvelle a déterminés à renoncer aux délits de chasse ? La loi du 3 mai 1844 a eu pour but, et, de le dire, promet d'avoir pour effet de déraciner.des habitudes d'oisiveté qui peuvent devenir une occasion de crimes. Le même danger existe, et pour la chasse, et pour la pêche. Il est sans doute un point sur lequel une con. cession doit être faite. L'individu qui se livre clandestinement à la pêche est moins dangereux que le braconnier, qui a entre les mains une arme qui peut devenir un instrument de mort, qu'il dirigera contre le garde qui le

hátons-nous

surprend. Mais il est vrai aussi de dire que certains modes prohibés de chasse, notamment le collet, n'offrent pas plus de danger, sous ce rapport, que les engins de pêche ; et que cependant la nouvelle loi applique à ceux qui les emploient une pénalité qui peut être très-sévère. Il est donc vrai de dire que le danger que le braconnier fait courir au garde n'est pas le seul motif qui ait dirigé le légis lateur; il n'est pas moins vrai de dire que les motifs qui ont fait proscrire le braconnage s'appliquent aux délits de pêche. Il y a là aussi, comme on l'a dit avec raison, un délit moins grave encore comme attentat à la propriété, que par la démoralisation qu'il peut amener chez les individus qui s'y livrent.

L'homme qui s'adonne à ce métier ingrat, abandonne sa famille pour poursuivre une proie qui peut lui échapper. Réussit-il à s'en emparer, la vente qu'il en fera lui donnera à peine de quoi subvenir à ses premiers besoins, aux premiers besoins de sa famille. La misère, que le travail aurait chassée, s'asseoit au foyer domestique, et les mauvaises et funestes inspirations de la faim conduisent au mal un homme peut-être jusque-là honnête Il y a là évidemment un intérêt social assez puissant pour éveiller la sollicitude du législateur, comme cette sollicitude a été éveillée par les abus qui naissaient du braconnage. Les lois sur la pêche sont-elles en harmonie avec les nouvelles lois sur la chasse ? Cette question se résout, ce nous semble, d'elle-même, par un examen sommaire et rapide des unes et des autres, quant à quelques-unes de leurs dispositions pénales.

L'exercice du droit de chasse est subordonné à la délivrance d'un permis par l'autorité compétente; le paiement

d'un droit assez élevé est la condition de cette délivrance. Rien de semblable n'a lieu pour l'exercice du droit de pêche, qui appartient librement au premier venu. Cette différence est-elle équitable? L'intérêt même du fisc n'exigerait-il pas qu'il en fût autrement? Car, après tout, estil un impôt plus logique, plus moral, que celui qui frappe sur le superflu, et qui est la condition d'un plaisir dont on peut se passer sans le moindre inconvénient?

L'art 11 de la loi du 3 mai 1844 prononce une amende de 16 à 100 fr. contre celui qui chasse sur le terrain d'autrui, sans la permission du propriétaire. La pêche dans un cours d'eau, sans la permission du propriétaire de ce cours d'eau ou de celui auquel appartient le droit de pêche, est punie d'une amende de 20 à 100 fr. par l'art. 5 de la loi du 15 avril 1829.

Une amende de 16 à 100 fr. (1) est prononcée contre celui qui prend ou détruit, sur le terrain d'autrui, des œufs et couvées de faisans, perdrix ou cailles. La pêche de poissons, n'ayant pas une certaine dimension, est punie d'une amende de 20 à 50 fr. (2), et de la confiscation des poissons..

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Une amende de 50 à 200 fr. (3) et un emprisonnement facultatif de six jours à deux mois sont prononcés contre ceux qui chassent en temps prohibé, ceux qui chassent la nuit ou à l'aide d'engins et d'instruments prohibés, ceux qui sont détenteurs ou sont trouvés porteurs d'engins prohibés, ceux qui, en temps où la chasse est prohibée, mettent en vente, vendent, achètent, transportent

(1) L. de 1844, art. 11. (2) L. de 1829, art. 50. (3) L. de 1844, art

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ou colportent du gibier, ceux qui emploient des drogues ou appâts qui sont de nature à enivrer le gibier ou à le détruire. Ces peines peuvent être portées au double contre ceux qui chassent, pendant la nuit, sur le terrain d'autrui, avec engins prohibés, si le chasseur est muni d'une arme apparente ou cachée. Enfin, le maximum'est toujours prononcé contre les gardes champêtres ou forestiers, reconnus coupables de ces délits (1). L'art. 13 prononce des peines plus rigoureuses encore contre certains délits non prévus en matière de pêche, et qui supposent une audace et une perversité plus grandes...

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En matière, de pêche, les délits analogues sont punis, savoir la pêche, dans un temps ou à une heure prohibés, d'une amende de 30 à 200 francs; la pêché, avec des engins prohibés, d'une amende de 30 à 100 francs qui est portée au double, si le délit a eu lieu dans le temps du frai; la pêche de nuit est punie d'une peine ɖouble (2). Aucune peine n'est prononcée contre les détenteurs d'engins de pêche, prohibés; seulement, ceux qui, en sont trouvés porteurs, hors de leur domicile, sont punis d'une amende dont le minimum n'est pas fixé, et qui ne peut excéder 20 francs (3). Le colportage du poisson est permis en temps prohibé il en est de même de la vente, de l'achat, du transport du poisson; seulement il est défendu, sous peine d'une amende de 20 à 50 francs, de colporter et débiter des poissons qui n'ont pas les dimensions voulues (4). Ceux qui jettent dans les eaux des drogues de nature à enivrer et détruire le poisson, sont punis d'une

(1) L. de 1829, art. 27.—(2) L. de 1829, art. 28 et 70.

(5) Id.

art. 29.-(4)

Id.

art. 50.

amende de 30 fr. à 300 fr. et d'un emprisonnement, non facultatif, de un à trois mois (1).

Evidemment, au moins selon nous, il y a défaut d'harmonie entre les deux lois: l'emprisonnement facultatif devrait être prononcé contre celui qui pêche en temps et à heure prohibés, avec des engins prohibés; contre celui qui est trouvé porteur d'engins de pêche prohibés, et la peine devrait être la même que pour les délits de chasse. Pourquoi punir celui qui détient des engins de chasse prohibés, et ne pas punir celui qui détient des engins de pêche du même genre? Les motifs sont les mêmes dans les deux cas. Pourquoi ne pas défendre le colportage et la vente du poisson en temps prohibé, comme on l'a fait pour le gibier ? C'est le seul moyen efficace de faire respecter la prohibition. Il serait utile aussi de porter une aggravation de peine contre celui qui, pêchant de nuit, chez autrui, avec un engin prohibé, sera porteur d'une arme. Il y a là un fait menaçant pour les personnes, et indigne de toute indulgence. Enfin, l'aggravation de peine prononcée contre les gardes par la loi sur la chasse, pourrait être prononcée en matière de pêche.

L'emprisonnement seul pourra empêcher définitivement les abus; seul, il peut arrêter ou punir le braconnier, homme d'ordinaire sans aveu et surtout sans ressources. Dira-t-on qu'on a un moyen de répression dans l'art. 79 de la loi du 15 avril 1829, qui dispose qu'en cas d'insolvabilité constatée, la détention par voie de contrainte par corps, pour les frais, amendes et autres condamnations pécuniaires, cessera au bout de quinze jours, un mois ou

(1) Loi de 1829, art. 25.

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