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incontestable. Déjà l'examen des colonnettes et des cha piteaux qui les surmontent, dans la partie de l'église que je viens de citer, suffirait pour annoncer une différence d'époque; mais si l'on examine l'extérieur de l'édifice, on verra que ni l'appareil ni les corniches de cette partie semi-circulaire ne correspondent au corps du bâtiment avec lequel ils ont été rajustés de manière à tromper l'observateur. Cette apside à pans coupés annonce tout au plus le XIVe siècle; peut-être même est-elle postérieure. Quant à la partie ancienne de l'église, on ne peut que la signaler comme un excellent modèle du commencement du XIIIe siècle. Les piliers engagés dans les murs latéraux du pourtour supportent les arceaux des voûtes ogivales, et sont ornés de colonnes groupées. Ces colonnes en granit offrent toutes des bases attiques très-pures et des chapiteaux d'un excellent goût et à volutes, comme on les faisait partout au XIIIe siècle. Du côté de la grande nef, les arceaux de la voûte allaient s'appuyer sur de grandes colonnes monocylindriques,qui portaient en même temps les murs du grand comble. Les bases de ces colonnes sont attiques, avec le second tore épanoui et orné de pattes aux angles, caractère si fréquent à la fin du XII® siècle et au XIII®.

Les travées de la grande nef offrent des arcades ogivales portées sur les colonnes monocylindriques dont je viens de parler, et qui correspondent aux fenêtres à lancettes des bas-côtés. Au-dessus de ces arcades se trouvent des lancettes courtes, obscures, représentant le triforium, et de niveau avec le grenier formé par le toit des bas-côtés. Une lancette, de la même dimension à peu près que celle des bas-côtés, occupe le niveau du clerestory. Il n'y a

point eu de voûte à cette église, et le plancher est encore en bois.

Une porte latérale au sud, décorée de zigzags, est tout

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ce qui reste de la collégiale, qui avait été construite en 1082. Il est facile de voir que cette porte et le pan de mur qui l'encadre ne se lient pas avec le reste.

La tour, séparée de l'église du côté du nord, est postérieure au XIIIe siècle, par conséquent au corps prin cipal de l'édifice.

Quand Odon Rigault, archevêque de Rouen, visita le chapitre de Mortain en 1250 et en 1263, il y avait seize chanoines réguliers; il y trouva des abus à réformer.

Le prieuré du Rocher, dont l'église existe au haut du coteau hors la ville, était, en 1263, habité par dix moines de l'abbaye de Marmoutiers, près de Tours.

On a commencé à former à l'Hôtel-de-Ville de Mortain une bibliothèque publique. Les archives de l'abbaye de Savigny y ont été déposées pendant quelque temps; puis, sur un ordre du ministre, elles ont été transférées aux archi. ves du royaume, sans la moindre opposition de la part de l'administration locale. On remarque, dans la cour de l'Hôtel-de-Ville, quatre beaux chapiteaux romans du XIIo siècle, en granit, provenant des ruines de Savigny, que nous y avons fait transporter, M. de Milly et moi. Ils mé ritent l'attention.

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En sortant de Mortain, point culminant de la contrée, l'œil s'étend, au sud et à l'ouest sur une immense dépression, qui annonce la formation schisteuse (phyllades et micaschiste), et que diverses éminences, formées par des soulèvements granitiques, viennent borner vers le sud (Saint-Symphorien, Ferrières et le Tilleul). Jusqu'à SaintHilaire et au-delà, la route court sur la formation schisteuse (1), qui offre les mêmes faits agricoles et le même aspect que dans les régions de même nature déjà parcourues. On rencontre, à 2 lieues de la ville, du côté droit, le château de M. le comte de Bonvouloir, membre de l'Association normande et président de la Société d'agri

(1) V. ma Carte géologique du département de la Manche, partie du sud.

culture de Mortain; c'est l'habitation la plus importante des environs. L'église et le château de Milly se trouvent plus loin, du côté opposé, à 2 kilomètres. L'église de Parigny borde la route, du même côté, à 3 kilomètres de Saint-Hilaire. A un kilomètre au-delà de cette église, la route, qui, depuis Mortain, se dirigeait vers le sud-ouest, prend la direction du nord au sud, et traverse la Selune en entrant à Saint-Hilaire.

Saint-Hilaire-du-Harcouet est un bourg considérable, qui prend de l'accroissement chaque année.

Le château appartenait en grande partie à la fin du XVIe siècle et au commencement du XVII• (1). Tout délabré qu'il est, il mériterait d'être dessiné.

L'église n'est pas d'un grand intérêt. On y voit, à l'intérieur du chœur, des colonnes romanes du XII° siècle ou du XI; mais d'autres parties de l'édifice appartiennent au XVe. Deux fenêtres, surmontées de frontons aigus et ornées de feuilles roulées et de divers animaux, paraissent de l'époque de Louis XI. La tour, carrée et trèspesante, n'offre de remarquable que l'inscription qui en apprend la date: M IIII IIIÏ XV (1495), et qui est gravée sur une bande de granit, vers le milieu de la hau teur de cette pyramide.

M. l'abbé Caret, curé de Saint-Hilaire, a le projet de reconstruire cette église et de lui donner des dimensions plus spacieuses. Il y avait à Saint-Hilaire un prieuré, dépendant de St-Benoît-sur-Loire, qu'Odon Rigault trouva ruiné, par suite d'un incendie, en 1263.

(1) Quelques autres parties sont modernes.

On voit, dans la principale rue de Saint-Hilaire, le bâtiment neuf des halles et de la justice de paix, construit en granit, dans un style qui ne ferait guère soupçonner sa destination.

Après avoir traversé Saint-Hilaire, on passe une rivière qui va se réunir à la Selune, puis on monte une côte assez longue, formée par le micaschiste. Au haut du coteau, on trouve le granit, qui forme dans les micaschistes de nombreux filons, et des îlots, dont un est exploité sur le bord de la route même (1). Ces filons, qui sont venus traverser les roches maclifères et forment au milieu d'elles des trouées et des injections, prouvent peut-être là, mieux que partout ailleurs, que le granit est une roche ignée, qui est venu, suivant l'ingénieuse théorie de M. Elie de Beaumont, soulever les schistes, et les a plus ou moins altérés par son contact.

Parvenue sur les confins du département de la Manche, à 7 kilomètres environ de Saint-Hilaire, la route ne se trouve guère qu'à 2 kilomètres des ruines de l'abbaye de Savigny.

Cette abbaye, qui remontait au XIIe siècle, devint mère de plus de quarante maisons de l'ordre de Citeaux. L'église, dont il ne reste plus que quelques pans de mur, avait été commencée en 1173 par l'abbé Josse, pour remplacer une église plus ancienne, trop petite. La consécration de cette nouvelle église n'avait eu lieu qu'en 1220,

(1) V. ma Carte géologique du département de la Manche ( partie du sud); Paris, Derache, rue du Bouloy, 7. V. aussi mon Essai sur la distribution géographique des roches dans le département de la Manche, et les coupes figurées qui l'accompagnent.

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