Page images
PDF
EPUB

L'industrie principale de Vire consiste dans la fabrication des draps et du papier. L'Association normande a publié, en 1837, des documents très-précis sur l'importance de ces deux industries, sur leurs progrès et leur origine. MM. Chemin et Lemarchand ont fait des recherches intéressantes sur l'histoire du pays.

M. Mury, docteur en médecine, inspecteur de l'Association normande, connaît parfaitement la statistique agricole et géologique de l'arrondissement; il met la plus grande obligeance à donner aux voyageurs qui le visitent les renseignements dont ils peuvent avoir besoin (1).

Il n'y a pas à Vire de collection publique d'histoire naturelle; mais on y trouve une bibliothèque publique de 7,000 volumes.

S HI. - De Vire à Mortain.

La route de Vire à Mortain traverse une zone granitique, large environ de 8 kilomètres, offrant une suite d'éminences et de dépressions, comme au nord de la ville. A 3 kilomètres de distance, on remarque, à droite de lạ route, commune de St-Germain-de-Talvende, l'habitation et les jardins de M. le chevalier du Clos-Fortin. A Vengeons, où l'on passe sur le département de la Manche, un soulèvement granitique, plus élevé que les autres forme une ligne d'éminences; parvenu au sommet de la côte, on ne tarde pas à quitter le granit pour passer sur le micaschiste.

[ocr errors]

(1) On remarque sous l'escarpement du château de Vire des filons de granit, injectés dans les micaschistes, que les géologues visiteront avec intérêt. Le même fait se reproduit sur plusieurs autres points du Calvados et de la Manché. ( V. mon Essai sur la géographie des roches de la Manche et les coupes qui l'accompagnent.

Sourdeval, bourg considérable (3,000 habitants), repose sur cette roche, qui cède à son tour la place au granit, à 3 kilomètres au sud de cette bourgade. Là, comme à Vengeons, le soulèvement granitique a produit une espèce de barrage, et il faut gravir une côte assez longue.

Après avoir couru 2 kilomètres à peine sur le granit, on retrouve le micaschiste, puis le grès quartzeux, ce grès qui forme les pittoresques escarpements de Mortain. Après avoir franchi la petite rivière de Cance, qui s'en va bondissant sur les rochers, on se trouve en face de l'abbaye Blanche, où il faudra s'arrêter un peu.

Abbaye Blanche.-L'abbaye Blanche, construite au fond du vallon de la Cance, en vue des rochers les plus pittoresques et près d'une cascade qui rappelle celles de la Suisse, offre une église qui, à cause de la certitude de sa date, mérite d'être examinée avec soin.

Le chœur et les transepts offrent un des plus beaux types que l'on puisse trouver de l'architecture, durant la première moitié du XIIe siècle. Les chapiteaux des colonnes sont simples et élégamment profilés; mais les bases offrent une pureté et une élégance que l'on trouve rarement, et qui montrent que la dureté du granit n'a point empêché les sculpteurs habiles de donner à leurs œuvres toute la rectitude de lignes qu'on remarque dans les églises construites en pierres tendres et faciles à travailler.

La nef offre beaucoup moins d'intérêt que le chœur et les transepts; elle a été réparée à plusieurs reprises, et, dans ce moment, les voûtes demandent des travaux considérables. On y remarque des stalles de la fin du XVe siècle.

Au sud de l'église était le cloître, dont il reste plusieurs

parties fort intéressantes. Ce sont des arcades à plein cintre en granit, portées sur des colonnes dont le fùt est d'un seul morceau, avec base attique et des espèces de pattes ou de bourrelets aux angles.

Ce cloître doit être du XIIe siècle.

La vue que voici d'une salle qui existe à l'extrémité de

[graphic]

l'église, montre le même style et les mêmes chapiteaux.

L'abbaye avait été fondée, en 1105, par le fils du comte de Mortain. On croit que l'église fut commencée peu de temps après. On y voit quelques ogives de transition mélangées aux pleins-cintres; mais les chapiteaux, les colonnes et l'ornementation appartiennent au style roman.

De l'abbaye Blanche à Mortain, on parcourt la vallée la plus pittoresque et la plus romantique qu'il soit possible de trouver en Normandie. Outre la belle cascade que j'ai déjà citée, on en trouve une autre plus loin, du côté droit de la vallée, en face du château, qui tombe perpendiculairement d'une hauteur de 7 mètres (1).

La position de Mortain s'harmonise merveilleusement avec ce délicieux vallon et ses abords si heureusement accidentés. Elle est construite sur le versant d'un coteau abrupte sur plusieurs points, et couronné de blocs énormes de grès couverts de lichens.

M. Gally Knigt, savant voyageur qui a parcouru toute l'Europe, s'exprime ainsi en parlant de Mortain:

« La scène qu'offre la position de Mortain a quelque chose de plus enchanteur et de plus attachant » que les autres sites de la Basse-Normandie; les vallées » sont plus étroites, les montagnes plus rocailleuses et plus boisées; l'ensemble du tableau nous rappelait les » paysages italiens et Tivoly, et les cascades qui murmuraient au-dessus de nos têtes et dont nous sentions la » fraîcheur, justifiaient encore ce rapprochement entre

[ocr errors]

(1) On cite comme croissant près de cette cascade : l'hymenophyllum tumbridgense, plantes très-rares en Normandie.

les objets de nos jouissances passées et ceux de nos ⚫ sensations présentes.

» Nos lecteurs ont entendu parler de ces rocs où l'aigle » audacieux va déposer son nid: qu'ils aillent à Mortain,

[ocr errors]

et qu'ils disent si le rocher sur lequel est suspendu le › château n'est pas l'image de ce séjour favori du roi des > oiseaux. Un roc escarpé, qui n'est lié à l'éminence que ⚫ par un étroit cordon de pierres, laissait à peine un espace suffisant pour l'établissement d'un château féodal. › La position formidable de la forteresse en fit autrefois › une place de la plus haute importance. »

[ocr errors]

Aujourd'hui il ne reste plus de ce château célèbre que le roc qui le supportait, et à sa place se trouve l'hôtel de la sous-préfecture.

Tout escarpée qu'elle était, la position du château était dominée par une chaîne de grès fort élevée, dont les crêtes déchiquetées forment un rideau derrière la ville, qui s'élève elle-même en pente au-dessus du château.

L'église collégiale de Mortain, aujourd'hui paroissiale, est oblongue, terminée circulairement à l'est; elle n'offre point de transepts. Les bas-côtés font le tour du chœur, et donnent accès à une seule chapelle derrière le sanctuaire. Mais j'ai tout lieu de penser que, dans la partie orientale, on a fait des changements qui ont modifié, de ce côté, le plan primitif. En effet, l'examen auquel je me suis livré ne me permet pas de douter que cette partie de l'église, depuis la courbure de l'hémicycle du chœur, ne soit postérieure au reste. Bien qu'aucun de ceux qui ont visité l'édifice n'ait été frappé des différences qui annoncent une reprise en sous-œuvre, je n'hésite pas à tenir ce fait pour

« PreviousContinue »