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§ 1. Variétés.

Comme le froment, l'épeautre est tantôt barbu, tantôt non barbu; le grain est tantôt rude, tantôt lisse; et, comme pour le froment, la présence des barbes est accidentelle et dépendante du climat, du sol et de la culture. Lorsqu'on sème de l'épeautre sur un sol non approprié, trop léger ou épuisé, si on lui donne une mauvaise culture, l'épeautre non barbu devient barbu avec le temps, et, dans les circonstances contraires, l'épeautre barbu perd ses barbes. En Souabe, l'épeautre blanc n'est regardé que comme un très-mauvais grain.

On a, dans le Wurtemberg, deux variétés d'épeautre non barbu, qui ne se distinguent qu'à l'état de maturité; un épeautre rouge et un épeautre blanc. La variété rouge mérite la préférence, parce qu'elle résiste mieux à l'humidité et au froid, talle mieux, pousse des tiges plus fortes et plus hautes, porte des épis plus développés, rend mieux au boisseau et, ce qui la rend particulièrement préférable dans beaucoup de contrées, elle est moins sujette au niellat et au charbon; enfin, selon l'opinion de quelques-uns, elle donne une farine plus belle et plus liante que la variété blanche. Pour maintenir cette variété, il faut apporter le plus grand soin au choix de la semence, ou chercher à se la procurer de cultivateurs reconnus pour la produire pure, parce quelle dégénère promptement aussi on trouve souvent, dans le Wurtemberg, les deux variétés mélées sur le même champ : toutes deux, d'ailleurs, passent, dans ce pays, pour une très-bonne culture d'hiver.

§ 2. Climat

L'opinion générale est que l'épeautre convient mieux aux climats tempérés qu'aux climats rigoureux. L'hiver de 1815 à 1816, écrit M. de Witten, a détruit toutes. les récoltes d'épeautre, même celles confiées à des sols abrités,

la Le siège principal de cette culture est la Souabe, Franconie, la Suisse et les bords du Rhin. Dans les dernières contrées, la culture commence aux environs de Landau et s'étend jusqu'au-dessous de Coblentz. On cultive encore l'épeautre sur les bords de la Meuse, si l'on peut donner le nom de culture aux pratiques barbares que l'on applique à ce précieux produit. L'épeautre est inconnu dans les Pays-Bas.

Il paraîtrait que la culture de l'épeautre a été anciennement beaucoup plus étendue dans les contrées du nord-ouest de l'Allemagne, et qu'il y a été même la céréale principalement affectée à la panification, parce que les anciennes rentes foncières et même les fermages temporaires étaient et sont même encore stipulées en épeautre. Mais, comme cette culture a généralement ou complètement disparu, l'usage légal s'est établi de payer l'équivalent de la rente ou du fermage, soit en une autre céréale, soit en argent.

Suivant le manuel d'économie rurale et domestique de Schnee, ouvrage utile et consciencieux, l'épeautre est une des céréales le plus anciennement connues dont il est déjà question dans la Bible, dans Hérodote, Columelle, et qui doit avoir été la plus usuelle, sinon la seule dans l'ancienne Egypte.

§ 3. Sol.

Comme toutes les céréales, l'épeautre se plaît dans les sols propres au froment; mais il se contente aussi de terrains trop peu riches, trop légers et trop secs pour le froment, ainsi que j'ai pu l'observer dans une partie du Palatinat d'outre-Rhin. Près de Spire, je l'ai trouvé dans un sol sablonneux, faisant partie d'assolements anciens et réguliers, comme succédant au trèfle, et ce climat ne peut être regardé comme humide.

Dans les terres fortes, l'épeautre produit plus de paille; dans les sols légers, et particulièrement dans les sols calcaires, son grain devient meilleur, plus farineux et ses écales restent plus minces. La même différence résulte de la situation basse ou élevée.

§ 4. Tour de rotation.

Aucune céréale n'est plus accommodante que l'épeautre pour les précédents et ne se succède plus facilement à elle-même. Toutes les plantes, à l'exception peut-être du froment, peuvent venir sans inconvénients après l'épeautre, et, comme il supporte une semaille tardive, l'épeautre peut aussi succéder à presque toutes les autres plantes, avec plus ou moins d'avantages, sans doute, ainsi que cela se conçoit facilement. Ainsi l'épeautre, succédant à la pomme de terre et au lin, ne viendra pas aussi bien que celui succédant au trèfle et surtout à la jachère complète.

Les principaux précédents pour l'épeautre sont donc la jachère complète, le trèfle, l'esparcette, la luzerne;

le tabac et la navette; puis les choux, la pomme de terre, les navets, le maïs, le lin, le seigle et le chanvre. Seulement, lorsque le trèfle est en mauvais état, comme en 1822, on fait mieux de ne pas y mettre l'épeautre, à moins qu'on ne puisse donner au moins trois labours et une fumure.

Malheureusement la réputation d'être très endurant, attribuée à l'épeautre, a été cause, dans quelques contrées, particulièrement sur le Rhin inférieur et la Meuse, que les cultivateurs ont par trop maltraité cette précieuse plante, en se fondant sur le proverbe, qu'il faut charger beaucoup qui peut porter lourd; aussi, dans ces deux contrées, lorsqu'un champ ne veut plus produire autre chose, le paysan, qui veut user le peu de force qui peut lui rester encore, se dit semons-y encore de l'épeautre; cela vaudra mieux que rien. Le résultat ne manque pas de se trouver en rapport avec une pareille pratique et vient réagir sur l'opinion qu'on a de cette céréale, généralement si mal appréciée. Il arrive ainsi qu'on reproche à la plante la mauvaise culture qu'on lui a donnée. Mais dans quel pays le cultivateur est-il assez clairvoyant pour s'accuser lui-même des mécomptes qu'il se prépare ?

Toutes les mauvaises récoltes de céréales sont un malheur, dit Hergen; mais une mauvaise récolte d'épeautre surpasse toutes les autres en inconvénients, parce qu'elle laisse le sol dans le plus pitoyable état.

§ 5. Préparation du sol.

Dans le Palatinat, on répand la semence de l'épeautre sur le chaume du trèfle et l'on enfouit l'un et

l'autre par un seul labour superficiel. Le sol reste dans cet état jusqu'au printemps, époque à laquelle on passe le rouleau, ce qui est indispensable après une préparation aussi commode. Lorsque la température de l'automne est trop humide ou trop sèche, on renverse d'abord le chaume du trèfle, on sème sur ce labour et on enfouit la semence à la herse; cette préparation est d'autant meilleure que la saison est plus humide. Le labour peut renverser le trèfle peut être très-superficiel, de manière à ce que la herse puisse déchirer le chaume et le mêler avec la semence, ainsi que nous l'avons dit en parlant du froment.

Lorsque la luzerne doit être remplacée par l'épeautre, il ne faut pas la faucher plus de deux fois la dernière année. On laboure deux à trois fois et très-profondément la première. Le hersage doit être très-énergique et jouer un grand rôle dans cette préparation. L'épeautre ne doit pas être semé dru, et encore faut-il que le sol ne soit pas riche de sa nature, sans quoi l'épeautre ne conviendrait pas et ne pourrait que verser.

L'épeautre devant succéder aux pommes de terre, on unit seulement le sol à la herse, on répand la semence et on l'enfouit, soit à la herse, soit à la charrue. Lorsqu'il est nécessaire de donner une addition d'engrais à un champ maigre, ayant porté des pommes de terre, on répand l'engrais avant la semence, et l'on enfouit d'un seul trait de charrue la semence et le fumier; mieux vaut cependant ne répandre le fumier que lorsque l'épeautre a déjà levé, ainsi que cela se pratique dans le Wurtemberg.

Après la navette semée, on donne deux ou trois

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