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municipale s'empressera de les faire conduire à l'Hôtel-deVille. Le prix en sera payé sur le pied de 20 fr. le mètre cube.

M. Lallier entretient ensuite le Congrès des bas-reliefs trouvés dans les murs de Sens; après avoir décrit en particulier plusieurs des monuments funéraires qui s'y sont rencontrés, il fait ressortir cette circonstance, que, dans presque tous ces monuments, les statues tiennent à la main des coffrets, des paniers et autres objets de toute nature. Il cite l'opinion de Montfaucon, qui ne voit dans la présence de ces objets divers qu'un effet du caprice de l'artiste, et demande s'il n'y faudrait pas reconnaître une trace de l'habitude commune à tant de peuples anciens, d'enterrer avec les morts les objets qui étaient à leur usage habituel, comme s'ils devaient leur être encore nécessaires au-delà du tombeau.

M. de Fontenay rappelle à cet égard l'opinion de M. Devoucoux, qui voit dans les objets que les statues tiennent à la main les attributs de la corporation à laquelle appartenait le défunt. Il montre les dessins de deux monuments funéraires d'Autun, où se voient parfaitement bien, entre les mains de l'une des statues, et à côté d'elle, les divers outils du maçon, et entre les mains de l'autre, ceux du tonnelier.

M. de Caumont dit que M. Deville, correspondant de l'Institut, a recueilli à Lillebonne, et fait transporter au musée de Rouen le tombeau d'un cordonnier dont on voit la statue entourée d'une quantité de chaussures.

Au sujet des monuments funéraires, M. de Caumont demande si l'on n'a pas trouvé à Sens l'emplacement du cimetière gallo-romain. Plusieurs des inscriptions découvertes à Sens, citées dans le mémoire de M. Lallier, se rapportent, dit M. de Caumont, à des vétérans de la huitième légion. Sait-on si cette légion a séjourné long-temps à Sens, comme cette circonstance semblerait l'indiquer? M. de Caumont rappelle qu'à

Mayence, où la 14me. légion est restée fort long-temps, on a trouvé beaucoup de monuments relatifs aux soldats qui en faisaient partie.

M. Lallier répond que la Société archéologique de Sens n'a encore, à cet égard, aucune indication précise. Cependant, un tombeau décrit par Millin dans ses monuments antiques inédits, et qui se trouve maintenant déposé au musée d'Auxerre, avait été trouvé dans l'emplacement nommé la Pépinière, non loin du cimetière actuel. Peut-être était-ce en cet endroit que se trouvaient tous les monuments du même genre.

M. Pignon rappelle qu'auprès du cimetière actuel, dans le lieu appelé le clos de Bellenave, il a été trouvé deux cercueils en plomb; l'un assez petit, renfermant les ossements d'un enfant; l'autre, plus vaste, contenant un squelette bien conservé en entier, dans de grandes proportions. L'enveloppe en bois de ces cercueils avait disparu, les clous qui en retenaient les parois gisaient à côté. M. Pignon pense que ces tombes pouvaient être dans l'emplacement du cimetière romain, et il regrette que les cercueils de plomb n'aient point été conservés.

M. Parent, maire de la ville de Sens, ne pense pas qu'il y ait eu jamais un cimetière dans le clos de Bellenave où depuis nombre d'années des fouilles pour l'extraction des sables se pratiquent en divers endroits, sans qu'elles aient amené d'autre découverte que celle de ces deux cercueils. On n'y a d'ailleurs trouvé que quelques vertèbres et un crâne déposés à la bibliothèque de la ville. L'enveloppe de plomb était complètement usée et trouée, et ne présentait rien d'intéressant. Elle renfermait diverses poteries, des vases et des lampes funéraires, que l'on a scrupuleusement conservés.

M. Lallier reprend la description des monuments funéraires de Sens; il parle d'un bas-relief parfaitement sculpté, où il croit reconnaître une scène de l'histoire d'Oreste, celle où, après son naufrage sur les côtes de la Tauride, Oreste

est amené par un Scythe devant sa sœur Iphigénie, pour être immolé sur l'autel de Diane. Il pense que ce bas-relief a fait partie d'un sarcophage, et il cherche à expliquer comme il suit, sa présence sur un semblable monument :

Les Grecs n'étaient point les seuls à croire que celui qu'ils appelaient Minos, assisté des deux autres juges des enfers, pesant dans la balance les mérites des âmes, les envoyait dans les profondeurs du Tartare ou dans les Champs élyséens, suivant que l'emportait le plateau des mauvaises ou celui des bonnes actions. Cette compensation entre les actes divers de l'homme, ce rachat des crimes par l'héroïsme du repentir et du dévouement, a tenu partout une grande place dans les croyances religieuses des peuples. Or, où aurait-on pu retracer avec plus de force ce dogme capital, que sur les monuments destinés à rappeler l'heure où l'homme, passant d'une vie à l'autre, va voir peser, dans la balance éternelle, ses bonnes et ses mauvaises actions? Et quel fait choisir, à cet égard, plus connu de tous et plus frappant que celui d'Oreste, meurtrier de sa mère et d'Egisthe, poursuivi par les Furies, allant, pour expier son crime et se reconcilier avec les dieux de sa patrie, sur la terre inhospitalière de la Tauride, afin d'y reconquérir l'image d'une déesse chère aux Grecs, et d'en ramener sa sœur captive?

<< Il ne faudrait pas s'étonner d'ailleurs de retrouver dans l'antiquité, des croyances qui semblent être l'apanage exclusif du christianisme. Il n'y a rien de nouveau sous le soleil. L'âme de l'homme et ses penchants ne changent pas plus que le corps et ses penchants. Les idées de justice, de dévouement, d'expiation, se sont fait jour partout et à toutes les époques. Je crains qu'en général les ouvrages classiques de mythologie, où l'on nous présente les récits des temps qu'on est convenu d'appeler fabuleux ou héroïques, n'accordent beaucoup trop à la fiction et au caprice, et pas assez à l'histoire réelle, aux

idées qui ont leur racine dans les profondeurs même de l'intelligence, aux passions enfin toujours renaissantes, mais toujours combattues du cœur humain. Sans doute le christianisme a plus particulièrement développé et consacré les idées de justice et de dévouement, la doctrine de l'expiation. Mais ces idées, cette doctrine, voilées si l'on veut et altérées, existaient avant lui. Il n'entre pas dans ma pensée de faire ici une comparaison dont je contesterais le premier la justesse et la convenance. Qu'il me soit permis seulement de rappeler des faits dont l'analogie est frappante et qui ont évidemment leur raison d'être dans les idées mêmes et les penchants qui forment le fonds de la nature humaine.

« Avant que ces fiers barons du moyen-âge, si souvent oppresseurs des peuples, partissent pour la croisade, afin d'expier leurs fautes en reconquérant les lieux saints et délivrant leurs frères d'Orient de la domination musulmane, Oreste était allé sur les rivages de la Tauride, enlever au péril de sa vie, pour expier le meurtre de sa mère, la statue de Diane et délivrer sa sœur Iphigénie. Avant que la chevalerie chrétienne s'organisât pour la défense du faible et de l'opprimé, sous l'influence des principes de charité et de fraternité proclamés par la religion nouvelle, Thésée avait affronté le Minotaure pour délivrer son pays du tribut annuel par lequel il livrait ses enfants les plus faibles et les plus purs. Avant que les apôtres du Christ fondassent, par cette réponse célèbre : Il vaut mieux obéir à Dieu qu'aux hommes,» la liberté de la conscience vis-à-vis du pouvoir temporel, liberté inconnue aux temps anciens, Sophocle cependant avait mis dans la bouche d'Antigone, répondant au tyran Créon, qui lui reprochait d'avoir foulé aux pieds les lois en donnant la sépulture à son frère Polynice, ces remarquables paroles : « Mais ces lois, ce n'était pas Jupiter qui les avait faites, ni la Justice assise parmi les dieux dans

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l'autre vie et législatrice des choses du tombeau parmi les hommes. Je ne croyais pas que tes ordonnances eussent assez de force pour mettre sous tes pieds, à toi simple mortel, les lois non écrites, mais imprescriptibles de la Divinité. Ces lois ne vivent pas d'aujourd'hui ni d'hier; elles sont éternelles, et nul ne sait qui nous les a révélées. Devais-je craintive devant l'orgueil d'un homme, m'exposer, en les négligeant, à la vengeance divine? Je savais bien qu'il me faudrait mourir : qui est-ce qui l'ignore? Je n'avais pas besoin de tes proclamations pour le savoir, et, s'il faut mourir avant le temps, ce n'est pour moi qu'un avantage de plus.

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M. Déligand jeune ne pense pas que le bas-relief dont il vient d'être question appartienne à un sarcophage, mais il croit qu'il a formé une partie de la frise de quelque monument. Il n'y reconnaît pas non plus la scène d'Oreste et d'Iphigénie en Tauride; il n'y voit qu'un prisonnier conduit par un Gaulois, pour être offert en sacrifice aux Dieux. Du reste, ce sujet lui semble avoir été parfaitement traité par le sculpteur. Il regrette que ce bas-relief, quoique mieux abrité, comme il l'est dans le jardin de la mairie, soit encore tous les jours exposé à des mutilations qui, à la longue et souvent répétées, le rendront méconnaissable.

M. Vignon donne quelques détails sur les fragments d'architecture qu'il a dessinés en très-grand nombre depuis deux ans. A mesure qu'ils sont extraits des murs gallo-romains de la ville, il note avec soin les diverses dimensions de la pierre. Ces fragments paraissent provenir d'une quantité de monuments plus ou moins considérables. Les proportions en sont très-diverses. Les fûts de colonnes qui s'y rencontrent ont des dimensions et des cannelures qui varient tellement, que jusqu'à présent M. Vignon n'a rencontré que deux bases de colonnes, qui lui paraissent avoir appartenu au même monument. Ces deux bases sont ornées de roseaux

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