Page images
PDF
EPUB

Il ne reste guère rien aujourd'hui de l'abbaye fondée par saint Eloi. Quelques briques épaisses employées çà et là dans la construction et parfois servant de claveaux, quelques morceaux de serpentine utilisés, en petits tronçons, pour les colonnettes du portail; voilà tout ce qui rappelle qu'il a existé autrefois, à Solignac, un édifice bâti dans un temps où l'usage des terres cuites était encore général et où l'architecture recherchait les matériaux précieux. D'ailleurs l'église est de style purement roman par son ornementation et toute son architecture extérieure. Mais, à l'imitation des monuments byzantins du Périgord, elle est voûtée en coupoles, et c'est la seule de tout le Limousin. Sur la nef, il y a trois coupoles; il n'y en a point sur le transept méridional, lequel est voûté en berceau; on en trouve une quatrième sur le transept du nord, qui, destiné à servir de paroisse, avait reçu un développement anormal et s'ouvrait à l'ouest par une porte particulière ornée des figures du Christ et des Apôtres.

L'abside, arrondie à l'intérieur, est polygonale extérieurement; il en est de même de la principale chapelle du rondpoint avec laquelle le cloître était directement en communication au moyen d'un corridor voûté. Les quatre autres chapelles rayonnantes sont semi-circulaires au-dehors aussi bien qu'au-dedans.

Les coupoles sont très-basses et ont toujours été cachées par le toit. Un clocher énorme s'élevait primitivement au-dessus de celles du transept septentrional, mais sur une base ainsi évidée sa solidité devait laisser beaucoup à désirer, et comme les grands arcs, sur les reins desquels reposaient ses murs, écrasaient et découronnaient les piliers, on se vit obligé, à une époque très-reculée sans doute, de le démolir presque en entier.

Un autre clocher, dont il ne subsiste que les deux premiers étages, termine la nef à l'occident, mais il paraît postérieur

d'un demi-siècle au corps de l'édifice dont il n'a point conservé l'axe.

Les colonnes et les arcatures qui revêtent tout l'extérieur du monument forment un ensemble assez élégant, surtout à l'abside qui, exhaussée sur une crypte à cause de la déclivité du terrain, a de bien meilleures proportions que la nef. Les arcades-fenêtres de cette dernière partie de l'église ont

[graphic][subsumed][subsumed][merged small][merged small]

quelquefois des trèfles pour amortissement, ce qui se voit rarement. A l'intérieur, elles sont appliquées le long des

.

murs, de manière à former une galerie, et sont soutenues par des colonnes ou par des pilastres carrés alternant toujours. avec des consoles. Les sculptures tantôt en granit, tantôt en pierre calcaire, offrent naturellement une exécution fort inégale. Il en est que Beauménil tenait pour gauloises et qui ne sont que grossières. Quel que soit le motif qui les a fait admettre dans un monument religieux, on ne peut s'empêcher de les trouver inconvenantes. Les chapiteaux de l'intérieur de l'église présentent une curieuse particularité. Bien que très-variés et très-capricieux dans leur forme, ils se ressemblent tous, deux à deux, et se correspondent exactement depuis le portail jusqu'au fond de l'abside.

Il n'est point douteux que la construction de l'abbaye actuelle de Solignac ne doive se placer dans le XII. siècle. Mais on pourrait préciser cette date au moyen d'une note communiquée par M. Nivet. Elle a été prise par M. Lingaud, secrétaire-général de la mairie de Limoges, sur un ancien manuscrit aujourd'hui perdu, et constate que la dédicace de l'église fut faite en 1143. En 1178, un incendie, dont parle le Gallia Christiana, dévora les bâtiments du monastère et la toiture de l'église, ce qui donna lieu, en l'an 1200, à une nouvelle dédicace. Enfin, en 1479, l'abbé de Bony renouvela les stalles et les vitraux.

CHALUSSET.

Le château de Châlusset, fondé sur des terrains qui relevaient de l'abbaye de Solignac, est situé au confluent de la Briance et de la Ligoure. Ces deux petites rivières, avant de se confondre, coulent presque parallèlement pendant quelques centaines de mètres, et l'étroit coteau qui les sépare, trèsélevé d'abord, s'abaisse par degrés et se termine sans aucun escarpement. Aussi paraît-il qu'on avait renoncé à défendre le passage des deux rivières et même à fortifier le pont jeté

sur la Ligoure. C'est à une certaine distance du confluent, là où les pentes commencent à devenir rapides, que l'on trouve

[graphic][subsumed][subsumed][ocr errors]

des vestiges certains de fortifications. Ils consistent en une enceinte carrée, isolée en avant et en arrière par un fossé, au milieu de laquelle s'élevait un donjon parfaitement con

VUE DU CHATEAU DE CHALUSSET.

Jules DE VERBEILH del.

servé. On l'appelle, d'après une tradition quelconque, la tour de la Jeannette. Indépendamment de quelques meurtrières, il offre une seule ouverture cintrée ayant nécessairement servi de porte, et élevée néanmoins de quatre ou cinq mètres audessus du sol actuel. Il a cela de bizarre qu'un contrefort très-large et peu saillant garnit le milieu, non les angles, de chacune de ses quatre faces. Il est certainement de style roman, et l'on n'observe même dans ses dépendances aucune ouverture qui rappelle le style ogival par sa formé ou par ses moulures.

Le chemin suivi par les charrettes et les chevaux traversait ou longeait seulement ces premières constructions. Après les avoir dépassées, on parcourt un intervalle d'au moins cent mètres avant de trouver aucun nouvel obstacle et même aucune muraille qui les reliât au corps de la forteresse. Alors on rencontre le vaste ensemble de fortifications dont nous donnons le plan à l'échelle de 0. 001 pour mètre. Dans les instructions des comités sur l'architecture militaire, on a pu voir déjà un plan de ce même château et un plan trèsdifférent; mais il ne faudrait pas en conclure que ce Châlusset est un protée insaisissable dont les dessins ne mériteront jamais aucune confiance. Sans avoir, dans toutes ses parties, l'exactitude qu'on aurait pu lui donner avec plus de temps et de soin, notre œuvre n'en est pas moins un plan fait sur les lieux et mesuré, auquel on fera bien de s'en tenir en attendant mieux. Au contraire, M. Mérimée a nécessairement fait le sien de mémoire et ne s'est même occupé de décrire Châlusset que lorsque ses souvenirs commençaient à s'effacer singulièrement. Nous croyons pouvoir l'affirmer sans manquer au respect que nous professons pour le savant inspecteurgénéral des monuments historiques.

Il n'est pas besoin d'entrer dans les détails de la description de Châlusset, le plan, gravé, dit assez la belle conser

« PreviousContinue »