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massives colonnettes à chapiteaux feuillés et très-frustes. Leur tailloir, dont l'abaque est sillonné d'une rainure, et dont la cymaise est un peu excavée, n'a reçu aucune broderie.

DESCRIPTION DE LA CRYPTE.

L'histoire de l'église Santone, récemment publiée par M. l'abbé Briand, a fait connaître pour la première fois, mais d'une manière peu exacte, le plan de cette magnifique église

CRYPTE DE SAINT EUTROPE.

basse qui est égale en grandeur à l'église haute; elle paraît proportionnellement plus large, à cause de sa voûte très-sur

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baissée. Sa longueur totale, depuis l'arceau bouché auquel aboutissait l'escalier, jusqu'au fond de l'abside primitive établie sur le roc vif, est de 34m. 60° sa largeur totale, téraux compris, est de 14m. 37c. Nous en avons, M. Drouyn et moi, levé un nouveau plan, non avec la rigoureuse précision qu'un architecte aurait su donner aux proportions des moindres saillies, mais avec une complète exactitude, nous l'espérons du moins, dans les formes et les dimensions des membres principaux. On ne pourra manquer d'être frappé de l'irrégularité de détail de cette construction, dont le premier aspect est si régulier.

On entre dans la crypte par la base nord du clocher, où une petite porte à linteau droit et à moulures toriques, sans caractère décidé, a été ouverte, à la renaissance peut-être, ou même en 1839. Une descente large et rapide, courant du nord au sud et correspondant à la première travée de l'église supérieure, comprend et dépasse, au nord, la largeur totale de la crypte romane. Cette travée souterraine se divise en trois compartiments successifs. Le premier, du XVe siècle, appartient aux bases du clocher. Sa voûte d'arêtes et ses formerets ogivaux le lient aux premiers pilastres et arcs doubleaux romans de la crypte. Sa clef de voûte, entourée de dentelures rayonnantes, porte un écusson sans timbre, chargé de sept losanges posés 3,3,1. Sur la gauche en entrant, s'ouvre une profonde chapelle de la même époque que le clocher, où l'on ne peut pas pénétrer maintenant, parce qu'elle n'est pas réparée et qu'on l'a convertie provisoirement en ossuaire où tous les corps ensevelis dans le sol exhaussé de la crypte, ont été entassés.

Le second compartiment occupe la largeur réunie de la nef et des latéraux de la crypte, et forme sa première travée. Le troisième compartiment, dont deux côtés sont garnis d'un stylobate, et où l'on trouve l'entrée d'un escalier dérobé

qui communiquait avec l'église des catéchumènes, est primitif, et s'ouvre dans une chapelle semi-circulaire du XVo. siècle, et dont l'axe est parallèle à celui de la crypte. Entre celle-ci et la chapelle, dans l'épaisseur des fondations, s'ouvre un cabinet dans lequel est un puits. La chapelle, dont les trois fenêtres sont cintrées-surbaissées, n'a pour ornement qu'un cordon en larmier, avec figures d'animaux accroupis. La table d'autel monolithe, retrouvée en déblayant les terres, a été replacée sur un massif de maçonnerie détaché du mur. Elle présente les caractères de la renaissance, par sa corniche en talon et son grand développement en largeur. On voit, dans cette chapelle, un écusson écartelé: au 1er. et 4., cinq fasces, chargées en chef de trois fleurs-de-lis dont chacune se dessine dans un carré; au 2o. et 3o. contrécartelé.

Pour en finir avec cette première et immense travée de la crypte, j'ajoute qu'elle est partagée et soutenue par cinq arcs doubleaux cintrés, un peu surbaissés, d'une grande largeur, et dont les uns sont primitifs, les autres postérieurs ou réparés. Les impostes de l'arceau bouché auquel aboutissait le grand escalier de la crypte, sont ornés de fleurons et feuillages romans; on y voit aussi quelques tailloirs non normaux, à scotie et à double tore.

Maintenant, tournons le dos à cet arceau : nous sommes dans l'axe de la crypte. L'autel neuf (car l'ancien n'a pas été retrouvé ) s'élève en face de nous et nous cache le tombeau du pontife-martyre. Arrêtons-nous un instant pour embrasser l'ensemble de ce lieu vénérable: rien de plus sévère, de plus majestueux, ne frappera jamais nos regards. C'est le silence de la tombe; à peine les rares bruits de ce faubourg écarté de la ville peuvent-ils y descendre: c'est aussi le froid de la tombe, mais d'une humidité tempérée par les fenêtres et le déblaiement des terres du cimetière. C'est enfin la séparation du monde qui s'y fait sentir, non pas

sombre, effrayante, comme scellée sans retour par le poids de cette voûte basse, lourde, immense, mais une tranquillité profonde y règne; on pense sans effort que l'église des vivants est au-dessus, tout près, et encore au-dessus le ciel où le grand Eutrope recueille, depuis seize siècles, l'intarissable prix de son sacrifice.

Devant nous s'étend la nef, large de 5m. 39c., entourée d'une ceinture de douze piliers bas et massifs, qui vont se rapprochant, à partir de l'autel, pour former le rond-point, mais laissent entr'eux un arceau plus large au fond, afin de faire voir l'ancienne abside semi-circulaire. Quatre travées composent la nef, et deux le sanctuaire. Une voûte d'arêtes, large et surbaissée, est partagée par quatre arcs doubleaux surbaissés aussi, formés uniquement d'un tore monstrueux, de près de 50°. de diamètre. Tout autour s'étendent les bascôtés, pareillement voûtés d'arêtes, un peu inégalement larges (1o. 23o. à gauche, 1m. 69°. à droite), accompagnés jusqu'à l'entrée des absides, par un stylobate de 60°. de haut sur 40 de large. Le déambulatoire est complet derrière le sanctuaire. Reprenons.

Dans la nef, comme dans les bas-côtés et dans les arceaux de communication entre ceux-ci et celle-là, le gros tore qui forme l'arc doubleau est composé de rondelles de pierre juxtaposées et grossièrement appareillées comme la voûte; seulement le tore est plus mince dans les petits arceaux. Les assises inférieures de ces rondelles sont plus épaisses, semblables à de petits tronçons de colonnes, et s'élèvent verticalement, ce qui, dans les arcs doubleaux étroits, leur communique un profil surhaussé. Le cintre se montre donc, dans ces divers arceaux, avec les trois modifications dont il est susceptible. A mesure que la courbe se dessine, les rondelles s'amincissent obliquement et se trouvent réduites, vers la clef, à une très-faible épaisseur, en réparant la crypte,

on n'a pas été dans l'obligation d'en remplacer une seule ; et pourtant, depuis près de huit siècles, elles supportent le poids de l'église haute. Lors du Congrès de 1844, j'ai vu émettre l'opinion que cette voûte pourrait ne dater que du XII. siècle, parce que les gros tores de cette forme sont connus, à la même époque, dans d'autres provinces (Normandie, Périgord, etc.). Je ne pense pas que cette hypothèse soit admissible, puisqu'il est reconnu que la Saintonge est en avance d'un demi-siècle au moins sur le roman de transition des contrées voisines, et puisque l'église haute et la crypte, dues au même constructeur Benedictus, ont toutes deux été consacrées en 1096: il eût donc fallu refaire la voûte entre deux, ce qui n'est ni facile ni probable.

Il existe une exception à l'uniformité des arcs doubleaux : les quatre arêtes qui partent des quatre piliers du rond-point pour venir se perdre dans les reins de la voûte qui surmonte le tombeau du saint, sont carrées et non en forme de tores. Je ne sais si Benedictus ne se sentit pas assez de dextérité pour faire évanouir graduellement ces gros tores et pour les amener à se fondre dans la voûte d'arêtes, ou s'il crut donner par là plus de solidité au massif qui supportait l'autel majeur de l'église haute; mais il résulte de ce rapprochement de quelques vives-arêtes, une apparence trompeuse de profils ogivaux, qu'on a accusés avec une netteté peu adroite dans une grande lithographie de la crypte, publiée à Saintes en 1843.

Ainsi que je l'ai dit, les arceaux des deux travées du sanctuaire vont en se rétrécissant jusqu'au rond-point où ils laissent à l'arceau central plus de largeur qu'à ses voisins. En cela, la crypte de Saintes diffère des églises analogues, St.-Hilaire de Poitiers, du XI. siècle, où l'arceau central est le plus étroit de tous, et Notre-Dame de Poitiers, du XII., où tous les arceaux du chœur sont égaux.

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