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compte de celle-ci, qu'en son milieu s'élevait la cuve baptismale ronde qui est maintenant déposée dans la crypte, et que notre collègue M. Baugier, de Niort, a si bien reproduite dans le 10o. volume du Bulletin monumental. A droite et à gauche s'étendaient deux rampes symétriques, en fer à cheval, qui conduisaient dans l'église haute, tandis qu'un degré central s'enfonçait dans le sol pour aboutir à l'entrée du grand arceau de la crypte, à laquelle il donnait accès; majestueuse entrée dont le rétablissement est bien désirable. Il coïnciderait avec la reconstruction de l'église des Catéchumènes au moyen du fragment conservé, et avec la destruction de la façade de 1839. Une façade parfaitement simple et sévère, déduite du style du porche, un portail à deux retraits en plate-bande, et dont l'arceau serait surbaissé comme ceux de l'église, complèteraient cette restauration, dont la sobriété serait commandée par une sage et prudente réserve.

Entrons maintenant dans l'église haute. A la place de la coupole octogone de 1831, une coupole byzantine était surmontée par le clocher primitif, dont l'appareil était en feuilles de fougère; il répondait à la nef principale. Les deux tronçons latéraux de cette première travée de l'église, montrent encore des pilastres romans, dont quelques chapiteaux ont été refaits sans moulures. Sur les autres, on voit des lions disposés par paires, qui mordent des rinceaux de feuillages; sur d'autres chapiteaux il y a, en outre, des oiseaux perchés dans les rinceaux. L'axe des deux chapelles de cette travée est perpendiculaire à celui de la nef; elles sont fort peu ornées et du XV. siècle. Celle de droite, peu profonde, est dédiée à la Sainte Vierge; celle de gauche est beaucoup plus allongée du S. au N. parce qu'elle sert de base au clocher, dont une grande épure partielle, longue de 8 à 9 mètres est gravée dans le pavé du compartiment central et s'étend dans la chapelle de la Vierge: ses crochets, en choux frisés,

semblent devoir la faire attribuer aux clochetons de la flèche.

Je reviens au compartiment central (où l'on voit un bénitier pédiculé de la renaissance, tout badigeonné et orné du signe I. H. S.) Ce compartiment, qui supportait la coupole romane, est limité par quatre hautes colonnes à chapiteaux magnifiquement historiés, dont deux sont engagées dans le mur de façade, et deux font partie de la première paire de piliers de la nef. Leur étude est importante à cause de la différence frappante qu'ils offrent dans le style et dans le faire, lorsqu'on les compare à ceux de la nef.

Ces derniers, d'une simplicité sévère et d'un modelé moins délicat, sont de 1096, et tous leurs tailloirs, ainsi que ceux des cordons de l'église, sont simples et parfaitement normaux quant à leurs proportions (cymaise un peu plus forte que l'a' aque, mais moindre que le double de ce membre). Voilà le XI. siècle dans toute la pureté de son style.

Les quatre chapiteaux de la coupole, au contraire, sont d'une incomparable richesse d'ornementation. Leurs tailloirs appartiennent à un autre système du style roman. Ce n'est plus le simple tailloir à proportions normales; c'est le tailioir du Bordelais au XII. siècle; c'est celui de la façade de Ste.Marie-des-Dames en 1047, et cette dernière considération suffirait à m'empêcher de prononcer absolument qu'ils sont du XII., si d'autres raisons puissantes ne me forçaient de revenir à cette conclusion.

En effet, nous ne connaissons pas de coupole à date authentique avant le XII, siècle. Il est naturel de supposer que lorsqu'on aura fait celle-ci, on ait fait reposer les pendentifs sur des bases nouvelles et aussi richement ornées que le voulait le goût de l'époque. En second lieu, s'il est vrai de dire qu'en 1047, à la façade de Ste.-Marie-des-Dames, on a atteint l'apogée de la complication et de la richesse d'ornementation, il est évident aussi qu'il y a un caractère

différentiel très-saillant entre le style et le faire des deux

monuments.

A Ste.-Marie, toutes les figures sont de profil, rudes, hautaines, sévères, longues, rendues militaires par la présence de longues moustaches: les profils sont barbares, à la manière des monnaies mérovingiennes, car l'œil y est vu de face ceci indique nécessairement une époque plus ancienne. A St.-Eutrope, au contraire, les figures sont vues de face, larges, rondes ou presque carrées, d'une expression bonasse, si l'on veut me passer ce terme trivial: c'est incontestablement le faire du XIIa. siècle.

Je reviens aux tailloirs; l'abaque en est presque nul; la cymaise, quatre ou cinq fois plus haute que lui, surmonte une large plate-bande, surchargée de broderies, qui la sépare de la corbeille.

Au résumé, dans ces quatre chapiteaux, les ornements architectoniques sont comme à Ste.-Marie où, dès 1047, on a atteint tout le luxe du XII. siècle; mais l'imagerie proprement dite porte le caractère de ce siècle, tandis qu'à Ste.-Marie elle porte le cachet d'une date antéricure.

Ces deux considérations me semblent concluantes, soit qu'on n'ai achevé qu'au XII. siècle, soit qu'on ait refait alors, dans ce compartiment, la voûte et ses supports.

Quoi qu'il en soit de la justesse de ma conclusion, voici la description de ces quatre magnifiques chapiteaux.

No. 1. (Dans le mur de façade à gauche en entrant): abaque et cymaise sans ornements; plate-bande à rinceaux imitant des palmettes allongées et alternativement renversées (j'ai vu les pareils dans plusieurs églises du XIIo. en Périgord). Sur la corbeille, feuillages très-riches, entremêlés de plusieurs paires d'oiseaux qui se becquettent.

No. 2. (Premier pilier à gauche de la nef): ce pilier, porté sur un stylobate circulaire, est carré avec quatre

colonnes engagées sur ses quatre faces; l'angle du pilier, saillant entre les colonnes, est lui-même entaillé de manière à devenir double. Les bases des colonnes sont ornées de pattes (autre caractère du XII.) formées de têtes de lions; et ce qu'il y a de remarquable, c'est que toutes les colonnes de l'église ne présentent pas ce caractère. L'abaque est sans ornements; la cymaise est décorée d'une espèce de frète crénelée à compartiments triangulaires, festonnés en-dedans, chaque feston marqué d'un point creux; je ne connais pas d'autre exemple de cette riche moulure. La plate-bande est ornée de rinceaux. Le pèsement des ames occupe le centre de la corbeille dont les retours latéraux et la face qui donne sur la nef, sont ornés de rinceaux, de paires d'oiseaux qui les becquettent, et enfin d'oiseaux mordant le cou de lions qui leur mordent la queue. L'affouillement est d'une rare énergie.

No. 3. (Premier pilier à droite de la nef): sa construction est pareille à celle du pilier correspondant. Abaque lisse ; cymaise ornée de deux rangs et deux demi-rangs de losanges saillants. Plate-bande à rinceaux entrelacés. Sur la corbeille, du côté de la nef, oiseaux perchés sur la croupe de lions qui se mordent la queue et dont ils becquettent les oreilles ; la queue des oiseaux s'enroule autour du cou des lions. Entre les jambes de chacun de ceux-ci, un personnage, le genou en terre, une main posée sur le genou d'un de ses voisins, l'autre posée sur les reins de l'autre voisin. - Du côté de la coupole, Daniel assis, les mains levées, entre quatre lions, dont les deux inférieurs lui lèchent les pieds. De chaque côté de cette scène, un personnage assis entre huit autres, debout, qui se dirigent vers lui.

No. 4. (Dans le mur de façade, à droite en entrant) : comme au no. 1., mais la plate-bande, probablement refaite en 1831, est restée sans ornements. Sur la corbeille,

quatre personnages vêtus, debout, sont mêlés à des rinceaux. Sur le pilastre d'où la colonne se détache, on voit des oiseaux et des palmettes.

La nef réclame maintenant notre attention, et nous n'y rencontrons rien qui ne soit du XI. siècle. Quatre paires de piliers la partagent en autant de travées voûtées en berceau ogival, et la séparent des bas-côtés très-étroits, dont les arcs doubleaux, surbaissés et très-saillants, ne parcourent que le quart du cercle. Cette disposition très-rare est rendue plus remarquable encore par le peu d'élévation de la voûte des bas-côtés, comparativement à celle de la grande nef. Les sommets de ces demi-arcs surbaissés et très-saillants s'appuient contre les piliers, au niveau des chapiteaux de la grande nef.

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Les piliers de la nef, dont j'ai déjà décrit la forme générale, en parlant de la coupole, se distinguent de ceux-ci par l'absence primitive de celle des quatre colonnes engagées qui regarderait la nef celle des arceaux de communication et celle du bas-côté existent seules. La quatrième est remplacée par un simple pilastre à chapiteau, au-dessus duquel s'élève une courte colonne engagée, dont le chapiteau se lie au cordon en simple tailloir dont la nef est entourée, et sur lequel retombent les arcs doubleaux ogivaux de la grande voûte; rien de plus simple et de plus sévère que cette ordonnance.

Il n'y a point de transept, ni d'arcature aux murs des bas-côtés. Ceux-ci, fort étroits (1. 80c. entre le stylobate très-bas qui longe le mur latéral et celui plus bas encore et arrondi du pilier de la nef), sont ornés de courtes colonnes engagées dans le mur latéral, et qui reçoivent la retombée inférieure des demi-arcs doubleaux, dont le sommet s'appuie sur les chapiteaux des hautes colonnes des piliers de la nef. Les chapiteaux des colonnes courtes ont leur cor

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