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toute la moitié inférieure de sa coupole ; mais la calotte octogone a été abattue par les protestants avec l'autre clocher dans lequel elle était contenue. Ce ne serait donc point sans nécessité et par de simples motifs d'embellissement que l'on restituerait à la cathédrale un de ses membres essentiels en redressant sur sa base inébranlable, cette haute aiguille que la ville d'Angoulême regrette depuis trois siècles. - Si l'on n'élève le second clocher à la moitié au moins de sa hauteur totale, il est impossible de rendre le transept méridional au culte. Sous le rapport de la dépense, une semblable entreprise n'aurait rien d'excessif, et sous le rapport de l'art, elle ne présenterait aucune difficulté, car primitivement, les deux tours étaient à peu près pareilles. Pour la nouvelle comme pour l'ancienne on pourrait déboucher toutes les fenêtres, ce qui doublerait l'effet de cette partie du monument. Des auvents figureraient mal dans de si petites baies. On n'aurait qu'à vitrer celui du second étage pour protéger suffisamment les sonneurs. Les autres laisseraient passer, il est vrai, un peu de neige et de pluie. Mais toutes les fois que les artistes du moyen-âge ont élevé des clochers à jour, ils ont dû se résigner à cet inconvénient. Un dallage ou une chape de mortier appliquée sur l'extrados de la coupole, recevrait les eaux comme à Strasbourg, à Notre-Dame-de-l'Epine, et on les rejetterait aisément au-dehors.

Les transepts entièrement rendus au culte, il faudrait une nouvelle sacristie; on la prendrait dans le bas-côté gothique qui accompagne latéralement le chœur. Cela n'empêcherait pas de rebâtir, ni peut-être d'éclairer convenablement les six chapelles rayonnantes. Les stalles contourneraient l'abside et s'interrompraient devant chaque chapelle. Quant à l'autel principal, on pourrait l'établir de même qu'autrefois à SaintFront de Périgueux, entre les deux piliers qui marquent l'entrée du chœur. De cette façon il serait parfaitement en

vue de toute la partie de la nef et du transept, et il ne serait pas, en quelque sorte, entouré par les fidèles comme si on le plaçait directement sous la coupole centrale.

Dans la nef, il conviendrait de remettre les choses autant que possible dans leur état primitif. En respectant la chapelle d'Epernon et tout ce qui offre un intérêt historique, on démasquerait partout ailleurs la riche arcature qui réunissait les piliers des coupoles. Mais en faisant disparaître ces difformes encorbellements et ces lourdes balustrades, œuvre des derniers siècles, il ne faut pas se dissimuler qu'au lieu d'une galerie destinée au public on n'aurait plus qu'une simple galerie de service, comme à Saint-Front, à Cahors et dans les autres grands monuments à coupoles. Le mal serait petit après tout. On rouvrirait toutes les fenêtres romanes qui sont maintenant bouchées, mais serait-il bon de fermer les grandes fenêtres ogivales percées au XIV. siècle, c'est une question que la commission n'ose trancher. Le jour et la lumière ne dussent-ils pas manquer dans la nef. Il serait encore pénible de sacrifier une œuvre sans goût et sans grâce, il est vrai, mais ancienne, et qui atteste l'imperfection de l'art ogival dans ce pays au XIV. siècle.

Nous comprenons et nous approuvons de toutes nos forces la noble pensée d'embellir la cathédrale, mais il est un genre d'embellissement plus légitime, plus efficace, et que nous recommandons au clergé et à l'administration civile d'Angoulême; nous vou'ons parler de peintures à fresques et appropriées à la forme, au style ainsi qu'à l'ancienneté du mo

nument.

Les conclusions de ce rapport sont adoptées à l'unanimité.

M. de Caumont, après avoir fait connaître les nominations d'inspecteurs faites la veille, prie Mgr. l'Evêque d'ouvrir la discussion sur l'emploi des 500 fr. mis à la disposition du

bureau pour être employés en restaurations d'édifices dans le département de la Charente.

Cette discussion à laquelle prennent part Mgr. l'Evêque, M. Michon, M. La Curie, M. Gaugain, M. de Chancel M. de Sazerac, se prolonge pendant 374 d'heure.

Il est arrêté que les 500 fr. seront répartis de la manière suivante :

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M. Michon, inspecteur de la Charente, a été spécialement chargé de diriger les restaurations.

Avant la clôture de la séance, M. de Caumont a prononcé une allocution dans laquelle il a jeté un coup-d'œil rapide sur le résultat des travaux accomplis par la Société en trois jours, et remercié les habitants, principalement Mgr. l'Evêque, M. le Maire, M. de Chancel et M. Michon, du concours qu'ils ont prêté à la Société française.

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RAPPORT

SUR LA RESTAURATION DE LA CRYPTE

DE SAINT-EUTROPE DE SAINTES,

Exécutée sous la direction de M. l'abbé La Curie;

PRÉSENTÉ A LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE, DANS LA SÉANCE DU 15 SEPTEMBRE 1847, PAR M. CHARLES DES MOULINS.

MESSIEURS,

Si l'éditeur d'un journal confiait la rédaction de son feuilleton des théâtres, je ne dis pas à un Bénédictin de Solesmes, mais à un littérateur qui, bien que versé dans la connaissance des œuvres dramatiques, ne fréquenterait pas les spectacles, on crierait au ridicule, à l'absurde, et on aurait raison. Que voyons-nous pourtant tous les jours parmi nous, si ce n'est la reproduction de ce ridicule, de cette absurdité, appliquée à l'entretien, à la restauration des monuments de l'art chrétien ?

La foi est rare de nos jours, on le sait trop: cette foi qui, depuis les premiers jours du christianisme jusqu'à la renaissance païenne du XVI. siècle, entrait, élément essentiel et fondamental, dans toutes les pensées du chrétien, animait et dirigeait toutes ses actions, dominait et dictait toutes les

œuvres de l'art et de la science. Cette foi, sans doute, n'était pas dans tous les cœurs aussi vive, aussi pure, aussi active; mais elle entourait l'homme, pour ainsi parler, d'une atmosphère dont il ne lui était pas donné de sortir, et le cachet de sa présence s'imprimait inévitablement dans toutes les idées comme dans toutes les œuvres.

Il n'en est plus ainsi dans le siècle où nous vivons. La foi, devenue facultative par la constitution de l'Etat, cesse d'être pour tous le joug uniforme du devoir: elle n'est plus régulatrice universelle des actions, juge irrécusable des tendances, loi imprescriptible des productions de l'esprit. Elle est en dehors des études réputées nécessaires, et l'éclectisme intellectuel, occupant le trône à sa place, pousse et classe les esprits dans les voies les plus diverses.

Il résulte de là, pour en revenir au sujet qui m'occupe que le savant, l'artiste qui auront embrassé la voie païenne ou la voie civile de l'art, pourront, et devront le plus souvent se trouver parfaitement inaptes à fonctionner compétenment dans la voie chrétienne, parce qu'ils n'auront pas par devers eux ces acquêts de l'étude religieuse, que la foi rendait jadis indispensables à tous. La Bible, les Pères, le catéchisme, la légende, la tradition, le rituel, tout cela est à leur disposition, sans doute sans doute aussi (car dans notre siècle d'activité intellectuelle, on lit tout, on étudie tout jusqu'à un certain point), ce savant, cet artiste auront puisé à ces sources d'instruction; mais si la foi n'a pas dominé leur étude, elle courra grand risque de n'être pas complète, d'apprécier légèrement et comme indifférentes, des choses qui étaient essentielles aux yeux des anciens artistes. Ils n'entreront pas dans leur pensée; ils ne comprendront pas leurs œuvres, et s'il s'agit de les restaurer ou de les reproduire, ils enfanteront en nombre plus ou moins grand ces bévues d'imageries, ces non-sens d'entente religieuse dont nous voyons chaque jour

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