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M. Daly donne comme solution véritable celle de mettre de grandes dalles si l'édifice est grand; de petites dalles si l'église est petite. Il faut de l'harmonie dans l'ensemble. Ainsi on entourera les dalles funéraires de petits échantillons pour les faire valoir.

M. Didron réprouve l'emploi du marbre; il trouve que c'est paganiser l'art chrétien.

MM. Duchallais et Masson soutiennent, d'après d'anciens documents, et notamment Grégoire de Tours, que le marbre est chrétien, qu'il a reçu le baptême de sang des premiers siècles de Foi.

M. Didron répond que le marbre n'est qu'une exception dans les monuments religieux. C'est une matière difficile à travailler, sans mouvement et sans modelé.

M. Daly déclare qu'il n'appartient ni à l'école nouvelle, ni à l'école ancienne, ni à l'école classique; il accepte tout le passé sans réserve. L'art est un être moral qui opère son complet développement à travers les siècles. L'art est donc l'expérience que toute l'humanité a pu conquérir. Nous sommes à une époque de transition, mais il faut nous rappeler que le beau est basé sur l'ordre, le pittoresque sur l'imprévu; l'effet inattendu a toujours été ignoré de l'école classique qu'on pourrait appeler l'école géométrique. L'éducation de l'art se fait par l'oreille; les monuments du passé sont la voix de la tradition; ces souvenirs du temps sont la propriété de l'humanité. L'effet plastique du présent doit nous arriver enrichi des travaux du passé. Les phases de l'art ont eu leurs tempêtes et leurs orages comme ceux de l'humanité, et il est bon de lui voir porter ces nobles et grandes cicatrices.

On passe à la question suivante;

Comment doit-on restaurer les dalles tumulaires anciennes ?

M. de la Sicotière demande s'il est possible de les déplacer de l'endroit qu'elles occupent, pour assurer leur conservation.

M. Didron dit qu'il y a de l'inconvénient à enlever les dalles funéraires, surtout si elles recouvrent la dépouille mortelle de celui qu'elles abritent; cet inconvénient n'est compensé par aucun avantage et il blesse profondément le sentiment de l'humanité.

M. Duchallais trouve que cet inconvénient, s'il y en a, sert à la science; que l'antiquaire, l'anatomiste, font chaque jour dans ces fouilles de précieuses découvertes pour l'art; c'est pour empêcher la destruction des objets intéressants et en assurer la conservation, qu'il propose ce déplacement. La séance est levée.

L'abbé POQUET, secrétaire,

Inspecteur des monuments historiques de l'Aisne.

2. séance du 8 septembre 1847, à 7 h. 1/2.

Présidence de M. DE CAIX (de l'Orne), membre du Conseil.

Sont présents au bureau: MM. DE CAUMONT, directeur ; DIDRON, de la bibliothèque royale; DES MOULINS, de Bordeaux; le Cte. DE MELLET, inspecteur de la Marne; les abbés CROSNIER, LA CURIE et POQUET ; l'abbé MANCEAU, inspecteur du département d'Indre-et-Loire; PERNOT, BROMETT, de la Société royale de Londres; DE SOULTRAIT, inspecteur de l'Allier.

Quatre-vingt-dix membres assistent à la séance.

M. de Caumont met en discussion la question suivante : En admettant que le style ogival du XIII. siècle soit préférable aux autres pour la construction des églises mo

dernes, doit-on copier scrupuleusement les types que nous a légués ce siècle? est-il permis aux architectes d'introduire quelques modifications?

M. le Cte. de Mellet présente quelques réflexions sur cette question.

M. Daly, architecte de Paris, veut avant tout que l'unité existe dans la construction des églises; on peut, dit-il, procéder du XIII. à cause de son unité de foi pratique; examiner, s'inspirer de ce grand siècle et des autres; recueillir toutes nos connaissances, toutes les puissances de l'ame, pour construire la maison de Dieu.

M. Didron est du même avis, pour le mieux possible, mais il dit qu'il est impossible de mieux faire qu'au XIIIe siècle; jusqu'à ce moment, rien n'a été fait de mieux que Chartres, malgré tous les moyens que fournissent les différents arts modernes.

M. Daly saisit cette dernière réflexion, et s'efforce de la combattre comme inconséquente; il prétend que, dès à présent, on peut essayer un nouveau genre. L'homme possède maintenant des connaissances ignorées au XIIIe siècle. La science actuelle peut résoudre toutes les difficultés.

Chartres est une église admirable; il est d'accord avec M. Didron, mais il voudrait que l'on ne fit pas de copie servile; qu'on prit ce qu'il y a de mieux ; qu'on évitât de reproduire ce qui est faible ou mauvais, et il y a encore des formes mauvaises dans l'architecture du XIII. siècle à côté de choses admirables.

M. Didron ne demande pas mieux; il veut que l'on évite de copier des œuvres défectueuses.

L'ignorance du moyen-âge a bien réussi toutefois, et la science moderne n'a pas été heureuse. Le moyen-âge a produit des œuvres qui dureront des siècles, pourvu que les architectes actuels n'y mettent pas la main; les œuvres mo

dernes ne sont pas solides. Au bout de 30 années, elles s'écroulent.

M. Daly veut faire la part du feu; i ne veut pas vanter les talents de certains architectes modernes, mais il veut cependant soutenir qu'il est possible de mieux bâtir qu'au moyen-âge.

M. Duchallais dit que l'économie est la cause de beaucoup de dommages, M. Didron soutient que non. Le gouvernement n'épargne rien dans ses travaux; il dépense des sommes énormes, et quels résultats obtient-il ?

M. Ernoult dit que c'est le défaut de foi qui manque et qui empêche de construire; on a donc raison de copier, dit M. Didron, puisqu'il n'y a plus d'inspiration.

M. Daly parle du sentiment religieux et artistique. Les sentiments religieux actuels peuvent créer, comme ils ont créé au XIIIe siècle.

M. Ernoult prétend la même chose, seulement les ressources ne sont pas les mêmes.

M. de Bois-Le-Comte dit que la science est étonnante en ces temps, mais il faut le génie. Sans lui, la science est inutile. La foi est endormie, mais non morte.

Il y a impuissance depuis le XVI. siècle, faute d'unité ; en attendant un génie, il faut copier ce qui paraît le meilleur.

M. Daly applaudit, mais il veut toujours frapper et démolir le système qui consiste à ne faire aucun essai; il espère réussir.

M. de Bois-Le-Comte lui répond que personne, mieux que M. Daly, n'est capable d'ouvrir la route.

Plusieurs membres demandent que la question du symbolisme, qui n'a pas été complètement vidée dans le sein du Congrès scientifique, soit reprise par la Société française. M. Didron est invité à dire son avis sur cette question.

M. Didron dit qu'il reconnaît beaucoup de faits, dans lesquels on ne peut nier le symbolisme; ainsi l'orientation des églises, le plan cruciforme, l'ordre dans les sculptures, les zodiaques, les vertus, les vices, les couleurs, les vêtements; mais il conteste. l'extension que l'on a voulu donner à ces idées: brisure de l'axe, tours de différentes hauteur et grosseur. Guillaume Durand, Raban Maur et plusieurs autres ont poussé beaucoup trop loin leurs applications et sont tombés dans la plus ridicule exagération.

Au moyen-âge, on est parti de cette idée fondamentale : une femme a tout perdu, une femme a tout sauvé; on a étrangement abusé de ce sujet. Le lai d'Aristote, celui de Virgile et autres fabliaux ont été représentés dans les églises.

M. de La Sicotière est heureux de pouvoir redire que toutes les sculptures symboliques dans l'église, ne sont pas religieuses; il s'en refère à ce qu'il a dit au Congrès.

M. Daly veut qu'il puisse y avoir harmonie entre la poésie et le bon sens, et trouve que M. Didron a été trop sévère pour la poésie. Les images vraies sont souvent les plus poétiques, les mieux senties. Les belles choses, les beaux sentiments viennent de Dieu; il rend hommage au symbolismé religieux. Il parle de la magnifique enceinte du XVI., qui forme le chœur et le sanctuaire d'Albi; les statues avec leurs phylactères, annoncent l'Ancien et le Nouveau Testament; au sanctuaire, le Credo dans les mains des Apôtres... Il voit un magnifique symbolisme dans ces dispositions.

M. l'abbé Auber est heureux d'avoir entendu des orateurs qui le corroborent dans ses idées quant au symbolisme. Il trouve le langage de M. Didron trop sévère quant au symbolisme religieux qui, selon l'orateur, remonte aux premiers jours du monde, jusqu'aux Apôtres, jusqu'aux siècles primitifs. Il défend Raban Maur et Guillaume Durand, et sou

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