Page images
PDF
EPUB

M. Chaperon, ingénieur en chef du chemin de fer, annonce qu'un de ses employés a cru reconnaître, aux environs de Tonnerre, une borne milliaire encore debout et chargée d'une inscription; il se réserve de l'explorer.

A ce sujet, M. Le Maistre, de Tonnerre, qui connaît parfaitement le Tonnerrois, dont la topographie a été l'objet spécial de ses études, fait observer qu'il doit y avoir erreur. Il existe, en effet, sur le chemin de Décize, une borne qui n'est pas haute de plus de 60 à 70 cent., et qui porte quatre lignes gravées aujourd'hui presque indéchiffrables, mais sur l'une desquelles il a cru reconnaître le mot Tornodorum. Ce serait, suivant lui, une simple borne de finage.

En effet, une borne milliaire aurait une hauteur plus considérable que celle indiquée.

M.. Le Maistre expose que la voie de Sens à Alise est reconnaissable en plusieurs endroits du Tonnerrois, particulièrement près d'un village détruit, appelé autrefois Merula.

M. l'abbé Pichenot dit que l'on a découvert à différentes reprises, auprès de Merula, des débris de poteries romaines, des tombeaux et autres objets anciens. La voie romaine conduisant à Alise est encore connue sous le nom de chemin des Romains, dans tout son parcours qui est encore reconnaissable d'Ancy-le-Franc, à Aisy.-Il signale en outre l'existence d'un menhir sur le territoire de Ravières, contrée voisine.

M. Tarbé dépose sur le bureau l'épreuve d'une partie de son 2me. volume de Recherches historiques sur Sens et les environs. Cette épreuve contient tout ce qui, dans l'ouvrage, concerne les voies romaines de l'arrondissement de Sens.

M. de Caumont rappelle à ce sujet, combien il sera important de dresser, comme il en a été question à la dernière séance, une carte, calquée sur celle du dépôt de la guerre, et qui, présentant seulement l'indication des cours d'eau et des villes ou bourgades, permettra de noter clairement, à

mesure qu'on les reconnaîtra, les voies romaines, dans leurs diverses parties et l'emplacement précis des lieux, où seraient découverts des débris, de quelque nature qu'ils soient, provenant de l'époque gallo-romaine.

M. le Président annonce que le Congrès va passer à l'examen des différentes questions qui se rattachent à l'enceinte gallo-romaine de la ville de Sens.

M. Lallier, qui s'est chargé de préparer un travail sur ces questions, expose qu'il est inutile d'entrer en ce moment dans de longs détails sur le mode de construction des murailles, les membres du Congrès devant se transporter après la séance, sur les lieux; lorsque les murs auront été examinés sur place, les discussions qui pourront ensuite s'élever à leur sujet seront nécessairement plus utiles et plus fructueuses. Il annonce l'intention de s'occuper plus spécialement, à cette séance, des débris de monuments trouvés dans la partie inférieure des murs, lors de leur démolition, et d'abord des inscriptions.

M. de Caumont demande si les murs de Sens présentent seulement le petit appareil ordinaire, composé de rangées de petites pierres rectangulaires et horizontales, ou si l'on y remarque comme en certaines parties des murailles anciennes du Mans, des dessins de diverses formes, tracés à l'aide d'une disposition particulière de ces pierres (1).

M. Lallier répond qu'il n'existe nulle part, sur les murs de Sens, de dessins de cette nature. Une porte romaine, située entre la porte St.-Hilaire et la porte Formeau présentait seulement, au-dessous de l'arceau qui la surmontait, l'appareil réticulé. Cette porte est maintenant détruite.

M. de Caumont demande si toutes les tours du mur d'enceinte étaient rondes sans exception, et s'il n'en existait pas

(1) V. le Cours d'antiq. monumentales de M. de Caumont, t. 2, et la pl. XX.

de carrées comme celle-ci. Plusieurs membres répondent

[graphic]

qu'il n'en existe pas, et que personne ne se souvient d'en avoir vu ou entendu parler.

M. Thiollet demande si, dans l'intérieur des tours, on remarque des traces pouvant en indiquer la distribution intérieure, s'il y existe des voûtes, par exemple. M. Lallier répond qu'il est difficile d'observer l'intérieur de ces tours, qui sont presque partout remplies de terre jusqu'à une certaine hauteur, et qui, au-dessus, ont subi des transformations telles, qu'il est impossible de se rendre compte de la disposition intérieure ancienne.

M. Lacave dit, qu'en effet, la tour de la maison qu'il possède est ainsi remplie de terre dans sa partie inférieure. M. Chaperon, locataire de cette maison, offre de faire voir à ceux de MM. les membres qui le désireraient les appartements situés dans la partie supérieure de cette tour.

M. Giguet pense que l'on pourrait visiter l'intérieur de la tour de M. Schloepfer, qui sert d'atelier, pour s'assurer de l'état ancien de ces portions de murailles.

M. Lallier demande où se pouvait trouver un arceau romain qui lui a été indiqué comme existant au-dessous de la terrasse du collége, auprès d'une tour.

M. Tarbé répond qu'il a connu trois arceaux qu'il a vus démolir l'un sur l'Esplanade, l'autre sur le Mail, le troisième entre les portes St.-Hilaire et Formeau.

M. Lefort annonce qu'il indiquera exactement sur les lieux l'arceau dont M. Lallier désire connaître l'emplacement.

M. Lallier commence ensuite la lecture de son rapport sur les inscriptions gallo-romaines découvertes à Sens.

(Voir ce mémoire après les procès-verbaux).

Au moment où il termine la partie de ce rapport relative à une inscription qu'il attribue à Tibère, M. de Leutre prend la parole, et dit qu'en effet il a lu, avant qu'elles ne fussent mutilées, les deux inscriptions relatives à des vétérans de l'armée romaine. Sur la première on lit bien :

D. M. MEMORIE SECCONI SECUNDINI, etc.

Quant à la seconde, il signale un fait nouveau : la pierre de cette inscription, découverte en 1841, portait sur le côté l'ascia et au-dessus le mot MARTIAE. Or, si l'on se rappelle que plusieurs des légions avaient un nom de guerre, la Victorieuse, la Rapace, on reconnaîtra dans le mot MARTIAE, oublié par le graveur dans le corps de l'inscription et rejeté sur le côté de la pierre, le nom de guerre de la 8. légion, la légion MARTIENNE. Il a cru lire, à la fin de l'inscription, les deux lettres P. C, ponendum cura

verunt.

Quant au fragment d'inscription relative à un monument dédié à un prince de la famille Impériale par les peuples Senonais, M. de Leutre ne peut admettre avec M. Lallier que ce prince fut Tibère. Il pense, au contraire, qu'il faudrait l'attribuer à tout autre qu'à lui, notamment à Caius

César.

Tibère administra (rexit), il est vrai, la Gaule, pendant l'année 731 de R. (21 av. J. C.); mais il n'appartenait point encore à la famille d'Auguste, qui ne l'adopta qu'après la mort de Caius César, l'an 755 ou 756 (3 ou 4 de notre ère); il n'avait point été consul lors de cette administration, puisque ce ne fut que dix ans après, l'an 741 (13 avant J.-C.), qu'il exerça cette charge pour la première fois. Il n'avait point encore reçu le titre d'Imperator, puisque ce ne fut qu'après l'an 732 à 733 qu'il commanda pour la première fois l'armée romaine dans la guerre de Rhétie. Jamais il ne fut qualifié de Prince de la jeunesse : ni Tacite ni Suétone, dont l'exactitude sur ce genre de détails va quelquefois jusqu'à la puérilité, ne nous l'ont appris. Que si une inscription donnée par Orelly lui donne ce titre, cette inscription étant unique ne peut à elle seule former un témoignage suffisant : son authenticité peut d'ailleurs être douteuse, et elle ne pourrait l'acquérir de l'interprétation très-ingénieuse faite par M. Lallier, des expressions de Tacite, nomina imperatoria. Les titres de famille tels que, fils, petit-fils, etc., étaient indépendants des titres impériaux. On peut en voir de nombreux exemples.

Pour que l'inscription se rapporte à Tibère, petit-fils de Jules (Divi), elle devrait être postérieure à son adoption; mais alors après le mot consuli, on aurait nécessairement ajouté secundum, puisqu'il l'avait été une seconde fois, l'an 747, et l'on eût mentionné également la puissance tribunitienne dont il avait été investi avant la retraite de Rhodes.

« PreviousContinue »