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établir un système complet et sans lacunes. L'exploration des localités doit précéder, ou au moins contrôler la comparaison des traces connues avec les indications de la carte de Peutinger et des anciens itinéraires.

Cependant beaucoup de faits ont été reconnus; des traces ont été étudiées en détail et rattachées entr'elles avec soin, notamment pour la voie de Sens à Orléans. Ce travail fait l'objet d'un mémoire rédigé par M. de Lavernade, de concert avec M. de Canchy, et qui sera lu dans la prochaine

séance.

Il résulte de diverses indications qui sont données et d'une discussion provoquée par M. de Caumont, à laquelle prennent part plusieurs membres, notamment MM. Lallier, de Lavernade, Prou, de Canchy, Lorne, Vignon ; que six voies romaines au moins aboutissaient à Sens, l'Agendicum de César. Les unes se retrouvent sur diverses cartes, notamment celles de Cassini et du dépôt de la guerre, quoique la concordance ne soit pas toujours parfaite dans les détails; d'autres ne sont indiquées nulle part, mais se reconnaissent sur le sol, quoiqu'elles aient été recouvertes par la culture, et l'une d'entr'elles interceptée par les changements du lit de la rivière d'Yonne.

Ces voies romaines sont :

1o. La voie de Sens à Orléans, décrite en détail dans le mémoire de M. de Lavernade ;

2o. La voie de Sens à Autun, qui, suivant M. Lallier, partirait de Sens en longeant le mur au levant de l'enceinte de la Motte-du-Ciar, traverserait l'Yonne au gué de Salcy, sous la protection d'un ancien fort romain dont les débris se retrouvent sur la rive gauche de l'Yonne près de ce gué (peut-être cependant ces débris seraient-ils ceux d'une villa), a été reconnue entre Cesy et St.-Julien par les ingénieurs du chemin de fer; elle existe sur la commune de Champlay, près

Joigny, où les terres d'un climat sont dites aboutissant au chemin des Romains, et, après avoir ainsi suivi la rive gauche de l'Yonne de Salcy à Auxerre, passe dans cette ville sur la rive droite;

3o. Une autre voie suivant également la vallée de l'Yonne en aval de Sens, reconnue dans un coude de la rivière au lieu dit le Brassat, tout près de la route de Paris, à 2 kilomètres environ au-dessus de Pont-sur-Yonne. La rivière l'a envahie et détruite en partie, et elle forme ensuite à travers champs un heurt, où sa présence est indiquée par l'obstacle qu'opposent les pierres qui la composent au labour et à la végétation. Se dirige-t-elle ensuite sur Montereau ou sur Provins? Ce point est indécis. Des débris de constructions romaines reconnus aussi sur la rive droite de l'Yonne, et en partie dans son lit, vis-à-vis Villeperrot, sembleraient se rattacher à cette voie ;

4°. Le chemin Perré sortant de Sens par le faubourg St.Antoine, passant à Nolon, à Sergines, etc., et allant à Jaulnes et à Provins. On trouve dans cette direction sur la Seine, à Jaulnes, les fondations d'un ancien pont qu'on suppose un pont romain construit pour cette voie; ce chemin, près de Nolon, est indiqué par M. Tarbé sous le nom de voie Chevalière; et M. Lorne dit qu'un chemin dit Chevalerot se trouve près de Nolon; mais il ne se confond pas avec le chemin Perré il passe entre Nolon et la route de Paris, près de l'endroit où ont été trouvées les sépultures mentionnées plus haut;

5o. Voie de Sens à Troyes, suivant la vallée de la Vanne et sortant de Sens par le faubourg St.-Savinien, dans la direction et le voisinage de l'aqueduc, qui amenait dans cette ville les eaux de la fontaine St.-Philbert;

6o. Voie de Sens à Avrolles (Eburobriga probablement ) s'embranchant sans doute au sortir de Sens sur la précédente

et, à partir de Noé, se dirigeant sur Vaumort, Cerisiers, Arces, etc.; on l'a fréquemment retrouvée en construisant la route actuelle de Sens à St.-Florentin, qui en a emprunté quelques parties.

M. Lallier proposerait d'établir un plan des voies romaines aboutissant à Sens, sur lequel on indiquerait successivement le tracé des fragments qui seraient successivement

reconnus.

M. Vignon pense que le mieux serait de former ce plan au moyen d'un calque de la carte du dépôt de la guerre, sur lequel on ne reproduirait d'abord que les cours d'eau et les villes ou villages, et qui, par le tracé successif des voies romaines à mesure des reconnaissances qui restent à faire, deviendrait le plan authentique de ces voies, indépendamment de toutes celles qui leur sont postérieures.

Quels sont les caractères principaux des voies romaines dans le département de l'Yonne?

Il résulte des réponses faites, que ces caractères sont trèsvariés. Ce sont, suivant les lieux, des chaussées en cailloux plus ou moins gros, ou en mâchefer ou scories d'anciennes forges d'une épaisseur variable; quelquefois des pavages en gros blocs de pierre, comme celui que coupe l'Yonne en aval de Sens, où une chaussée en empierrement de menus cailloux est comprise entre deux accottements formés d'énormes blocs de grès et de poudingues siliceux.

A-t-on trouvé le long de ces voies des colonnes milliaires? En retrouve-t-on dans les murailles de la ville de Sens? Jusqu'à présent, aucune colonne milliaire n'a été reconnue le long de ces voies; aucune non plus n'a été trouvée dans les démolitions des murailles de Sens.

M. Tarbé promet de communiquer à la Société 2 ou 3 feuilles, traitant des voies romaines, qui dépendent de la continuation actuellement sous presse de son histoire de Sens.

A-t-on noté les localités où se trouvent des débris de constructions romaines?

M. l'abbé Chauveau signale les découvertes faites par M. de Chastellux, dans ses bois près du château de ce nom, dans l'Avallonnais. Elles ont été mentionnées dans l'Annuaire de l'Yonne, et dans des publications de la Société française (Bulletin monumental, tomes VI et IX).

M. de Lavernade signale les restes d'un camp romain près de Villers-Louis. On rappelle ce qui a été dit précédemment des ruines reconnues près du gué de Salcy et vis-àvis Villeperrot. M. Lallier donnera des renseignements détaillés sur la Motte-du-Ciar, au sud de Sens. Beaucoup de débris de constructions romaines, probablement particulières, se trouvent dans le sol, entre le faubourg l'Yonne et la Vanne, du côté de cette importante ruine.

M. Vignon signale un climat dit Teugny, près Pontsur-Yonne, et près de la rivière, ancien emplacement bâti, suivant la tradition, où l'on ne trouverait plus d'autres traces que celles d'un aqueduc qui y amenait l'eau des hauteurs de Mirmy, hameau sur la route de Pont-sur-Yonne à Brannay.

Avant qu'il soit passé à d'autres questions, M. Vignon demande la permission de dire quelques mots d'un genre de débris qui se trouvent en très-grande quantité dans nombre de localités du département de l'Yonne, et qui peuvent être attribués, soit à l'époque celtique, soit à l'ère gallo-romaine, soit à toutes deux..

Ces débris sont des mâchefers, ou scories de forges, résidus d'exploitations de minerais de fer; des monceaux considérables en ont été reconnus en plusieurs localités du Gâtinais, de la Puisaye, de la forêt d'Othe, etc.; ainsi à St.Sérotin, à Brannay, à Vallery, à Villebougis, à Montacher, près d'Arces, aux Sièges, près St.-Sauveur, etc.; ces

monceaux ou buttes sont le plus généralement dans les pays boisés. Il s'en trouve aussi près des voies romaines; ainsi à Montacher, près la voie de Sens à Orléans; à Arces, près la voie de Sens à Avrolles.

Les établissements industriels, dont l'existence est démontrée par ces dépôts considérables de scories, ont dû nécessairement être placés à portée du combustible, et aussi à portée des lignes de communication, comme on vient de voir que cela se rencontre en effet. Sous ce dernier point de vue, ne pourrait-on pas s'en aider pour la recherche de la direction de certaines voies romaines?

Plusieurs circonstances de ces dépôts sont remarquables : 1o. Leur importance: ainsi à St.-Sérotin se reconnaissent 11 buttes, dont une seule a suffi pour empierrer près de 3 kilomètres de route; dans la forêt d'Othe et près St. -Sauveur, les quantités sont également énormes;

2o. L'imperfection de l'exploitation, attestée par la présence du fer dans ces scories en proportion encore tellement grande qu'on a songé un moment à les exploiter de nouveau (plusieurs contiennent plus de 50 à 60 pour 100 de fer ). Cependant une butte à Brannay était composée de scories beaucoup plus vitrifiées et plus légères; on y a trouvé quelques médailles romaines. Ces scories étaient plus noires que les autres qui affectent la couleur rougeâtre de la rouille;

3o. L'absence complète de toute construction en maçonnerie dans le voisinage.

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L'exploitation se faisait sans doute à l'air libre, on entassait le minerai en monceau puis on l'environnait et on le couvrait de bois, où l'on établissait la combustion la plus ardente possible. On conçoit combien un tel procédé devait donner un résultat imparfait.

Ce qui est encore digne de remarque, c'est l'absence de

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