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strument dont les Romains se servaient pour ôter la sueur qui couvrait leur corps et pour se nettoyer la peau dans le bain.

L'étude des sarcophages n'est-elle pas importante pour l'histoire de

l'art?

Très-importante. Nous y voyons d'ailleurs les premiers pas du génie chrétien dans la sculpture, et quoique cette école ne fût pas encore dégagée des traditions païennes, elle nous offre cependant des types hiératiques bien arrêtés et une symbolique déjà compliquée. L'étude des sarcophages est donc d'une grande importance et d'un immense intérêt. Vous parlez souvent du monogramme du Christ, expliquez-nous cette figure?

Ce monogramme est celui que Constantin avait fait tracer sur le labarum: il se décompose en P (Ro) et X (chi), et se traduit par Christos; en grec, le Christ. Les lettres A et a qui accompagnent ordinairement le monogramme, sont placées pour indiquer que J.-C. est le commencement et la fin, suivant les paroles rapportées dans l'Apocalypse de saint Jean: Ego sum alpha et omega, principium et finis. Tertulien a donné l'explication de ces deux lettres mystiques.

Qu'appelez-vous tombeaux arqués?

Les catacombes de Rome renferment beaucoup de tombeaux sous des

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arcs semi-circulaires; on en fit de pareils dans les murs des cryptes et des églises ce furent les plus ordinaires, je crois, dans la plupart des villes de France durant les premiers siècles du moyen-âge.

Les tombeaux arqués ont-ils été décorés de sculptures?

Le plus souvent ils étaient très-simples et sans sculptures, sauf de rares exceptions.

Le couvercle du tombeau de Frédégonde, conservé dans les cryptes de St.Denis, ou il a été transporté, prouve que l'on a quelquefois représenté l'image du défunt en mosaïque.

Cette mosaïque se compose d'une infinité de fragments d'émaux de différentes nuances, disséminés dans un mastic préparé et coulé sur une pierre de liais. Les draperies, le contour des ornements, en un mot, tout ce qui est trait dans cette figure est formé avec des filets de cuivre incrustés : les places de la tête, des pieds et des mains sont unies, et la pierre du couvercle est restée à nu dans ces parties, mais il est évident que les pieds, les mains et la tête avaient été modelés en métal. L'usage de représenter le défunt en mosaïque s'est prolongé jusqu'au XIIe siècle.

Pourquoi reste-t-il si peu de tombeaux mérovingiens?

Parce que les églises qui en renfermaient ont été reconstruites plusieurs fois.

Les tombeaux apparents ont aussi presque tous disparu par suite de la nécessité où l'on se trouva dès le VIII. siècle de les cacher audessous du pavé des églises, où ils étaient devenus extrêmement nombreux : c'est ce que nous apprend l'un des capitulaires de Théodulphe, évêque d'Orléans, dans lequel nous lisons:

« C'est une ancienne coutume en ce pays d'enterrer les morts dans « les églises, de sorte qu'elles deviennent des cimetières. Nous défendons « d'y enterrer personne à l'avenir, si ce n'est un prêtre ou un autre << homme distingué par sa vertu. On n'ôtera pas, toutefois, les corps « qui sont dans les églises, mais on enfoncera les tombeaux et on les « couvrira de pavé, de sorte qu'ils ne paraissent point. »

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Quels changements eurent lieu après le VI. siècle dans l'ornementation des tombeaux apparents?

J'ai décrit et figuré avec soin dans mon Cours d'antiquités (tome VI, p. 242 et suiv.) les tombeaux très-curieux qui existent dans la crypte de Jouarre, et dont plusieurs doivent remonter au VII. siècle; on peut consulter les figures que j'ai données dans mon Cours, on verra qu'ils ne ressemblent plus, quant aux ornements et aux sujets, aux sarcophages du Ve, et du VI. siècle.

Dans le cours du VIII. siècle, du temps de Charlemagne et de ses successeurs immédiats, les tombeaux apparents offrirent à peu près les mêmes formes qu'au VII. siècle je n'en connais guère à citer de cette époque; mais nous avons un certain nombre d'inscriptions tumulaires qui étaient vraisemblablement incrustées dans les murailles voisines des cercueils et qui ont été conservées après la destruction des tombeaux.

A en juger par celles que j'ai pu examiner, on ne gravait plus que rarement sur ces tablettes le monogramme du Christ : les inscriptions carlovingiennes que j'ai rencontrées ne sont point accompagnées des figures symboliques, que nous avons vues aux Ve., VI. et VII. siècles (les colombes, les paons, etc., etc.).

Voici deux sarcophages qui paraissent antérieurs au X. siècle, et qui donneront des spécimens de l'ornementation usitée alors.

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Sur l'un sont des espèces de roues ou de croix encadrées.

Sur l'autre on voit une croix encadrée, des arcatures, des enla

cements, des feuillages et deux niveaux renversés : j'ai trouvé sur beaucoup de cercueils chrétiens du midi de la France cette image dụ niveau. Serait-ce l'emblême de la mort qui nivelle tous les rangs? ce serait une explication assez naturelle, et cette figure a été trop souvent répétée pour n'avoir pas une signification.

Quelles particularités les tombeaux non apparents présentent-ils ? Les cercueils enfouis sous terre sont faits de différents matériaux, suivant les contrées où on les rencontre : le plus souvent on s'est servi de pierre calcaire, et plus elle était tendre et légère, plus elle était recherchée, parce qu'elle était plus facile à travailler et qu'il était plus facile de transporter au loin les cercueils fabriqués dans les carrières où on exploitait la pierre. Le calcaire poreux et coquillier auquel on a donné, en Touraine, le nom de tuffeau, et dont l'analogue se trouve sur quelques points de la France, a été employé de préférence là où on pouvait en trouver.

Après le tuffeau, les calcaires poreux secondaires, tels que ceux des environs de Caen, du Poitou et de plusieurs autres contrées, out été recherchés pour le même usage. A leur défaut on s'est servi de ́grès, d'arkose, et de différentes roches pesantes et plus ou moins difficiles à tailler.

Enfin dans certaines contrées, dépourvues de pierres susceptibles d'être creusées en forme d'auge, et trop éloignées des lieux qui en fournissaient pour qu'on pût y en transporter sans de grandes dépenses, on formait des cercueils avec plusieurs morceaux de pierres plates juxta-posés et cimentés, quelquefois aussi avec des briques; on trouve même des cercueils ainsi formés de plusieurs pièces dans des localités où l'on pouvait se procurer des cercueils d'un seul morceau sans doute parce qu'ils coûtaient moins cher et qu'on trouvait sur place des matériaux pour les construire.

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Quant à la forme, ce sont toujours des coffres moins larges vers les pieds que vers la tête, fermés avec un couvercle, tantôt plat, tantôt prismatique ou en dos d'âne.

La partie étroite ou des pieds est en général tournée vers l'Est, de sorte que dans les cimetières que j'ai explorés les cercueils forment des rangs plus ou moins régulièrement alignés, dirigés du Nord au Sud.

Je serais très-embarrassé d'établir un ordre chronologique absolu pour ces champs de sépulture, et je ne crois pas devoir y attacher d'importance par cette raison que les inhumations s'étant succédé sans

interruption dans beaucoup de cimetières, depuis le Va. siècle jusqu'au XVI., ils renferment des cercueils de plusieurs époques.

Dans ceux qui renfermaient des squelettes ayant appartenu à des guerriers, j'ai trouvé des boucles sur la partie des squelettes qui répondait à la hauteur du ventre; elles étaient évidemment destinées à fixer le cinturon : à droite du mort gisait une lame de sabre,

coupant d'un seul côté, et sur laquelle on remarquait presque toujours une rainure dessinant, au milieu de la lame, la

forme de la lame elle-même.

Ce caractère est à peu près constant. Du côté opposé (à gauche du défunt) était ordinairement une espèce de poignard ou de couteau, très-souvent de la même forme que le sabre.

J'ai trouvé ensuite des clous de bronze, les uns bombés, les autres applatis, et diverses pièces de métal qui avaient été appliquées sur l'armure, des fibules et autres petits objets.

L'esquisse que voici

d'un tombeau ouvert en ma présence et dessiné par moi immédiatement, montre toutes les particularités que je viens de mentionner à droite le sabre, à gauche le poignard; sur le bassin, la boucle (C) du ceinturon qui servait à suspendre ces deux armes tranchantes.

Plusieurs de ces cercueils renferment des petites bouteilles, ayant probablement contenu de l'eau bénite. Voici l'image d'un de ces petits vases;

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