Page images
PDF
EPUB

Quel était le caractère des fenêtres ?

Les fenêtres n'offraient point de colonnes à l'extérieur, et le cintre qui les couronnait reposait presque constamment sur les pieds-droits de la maçonnerie. Ce cintre lui-même était d'une grande simplicité et rarement décoré de moulures; on n'y voyait le plus ordinairement qu'un rang de pierres symétriques.

Quelquefois ces pierres étaient séparées les unes des autres par deux ou trois briques accolées et disposées suivant le système que l'on observait dans beaucoup de constructions romaines (1).

Quel était le caractère des portes et des arcades?

Portes. Le cintre des portes reposait ordinairement sur de simples pieds-droits ou pilastres, plus rarement sur des colonnes. Presque toujours une porte carrée était ouverte au milieu de l'arcade principale.

Arcades. Les arcades qui mettaient la nef en communication avec les ailes n'offraient le plus souvent que des pierres symétriques, quelquefois séparées les unes des autres par des briques suivant le système du temps; mais la grande arcade qui était au milieu des transepts, entre le chœur et la nef, était quelquefois ornée d'incrustations et de moulures. Cette arcade portait, dans les premières églises, le nom d'arc triomphal, parce qu'elle ressemblait à un arc de triomphe.

Qu'est-ce que le tympan?

On appelle ainsi l'espace compris entre la porte carrée et l'arc cintré; il était rempli tantôt en petit appareil simple ou réticulé, tantôt par l'image de la croix ou par quelque autre bas-relief. Quels étaient les ornements du roman primitif?

Il serait difficile, en considérant le peu de monuments anciens qui

(1) V. la deuxième partie de mon Cours d'antiquités.

nous restent, de donner l'énumération précise des moulures employées dans la décoration des édifices religieux de la première époque. On peut affirmer cependant que les figures d'ornement, qui se voient dans les mosaïques et les édifices de l'ère gallo-romaine (1), ont été reproduites par les artistes chrétiens.

[graphic][graphic]

MOSAÏQUES GALLO-ROMAINES REPRODUITES AU MOYEN-AGE.

Les incrustations en pierre de couleur et en terre cuite, les arcades sans ouvertures, à plein-cintre, les niches et les fausses fenêtres surmontées d'un fronton triangulaire, furent encore des ornements employés tant à l'intérieur qu'à l'extérieur des monuments des premiers siècles du moyen-âge.

A l'intérieur les murs étaient plaqués de marbre, couverts de peintures, incrustés des plus riches mosaïques.

Ces mosaïques principalement employées pour la décoration des absides, des murs latéraux, etc., etc., étaient formées de petits cubes en émail opaque de différentes couleurs et souvent dorés. Le bleu, le vert, le noir, le rose, le blanc, le brun, le grisâtre sont les couleurs qu'on a le plus employées dans la composition des tableaux ainsi formés de fragments vitrifiés.

Nous n'avons plus en France qu'une de ces belles mosaïques en verre, bien qu'elles y aient été nombreuses durant l'ère mérovingienne, ainsi que le prouvent des témoignages incontestables; c'est celle de Germinyles-Prés, que l'on croit du IX. siècle comme l'église où elle se trouve. Les tableaux en mosaïque et les peintures à fresque représentaient le Christ, les Apôtres ou d'autres personnages, tantôt sous leur forme

(1) V. la troisième partie de mon Cours d'antiquités.

véritable, tantôt sous diverses formes emblématiques, dont l'usage fut consacré à partir du IV. siècle.

Ainsi le Sauveur est souvent figuré par un agneau élevé sur un tertre d'où sortent quatre fleuves et auquel rendent hommage douze autres moutons représentant les douze Apôtres,

L'Agneau, seul avec la croix, représente Jésus-Christ.

Tout le monde sait que la figure du Bon Pasteur portant un agneau sur ses épaules et tenant à la main la houlette ou pedum, est l'image de la communauté chrétienne.

Le bœuf, l'ange, l'aigle et le lion furent très-anciennement, sans que je puisse assigner l'époque, les symboles des quatre Evangélistes. Plusieurs autres animaux expriment des idées symboliques. Les colombes sont prises pour l'image de la pureté et de la douceur chrétienne; le paon ou le phénix est l'emblême de l'immortalité de l'âme et de la félicité éternelle; les cerfs ou les daims, qui viennent se désaltérer à une fontaine, figurent les chrétiens aspirant aux eaux vivifiantes. Les poissons étaient emblématiques de la qualité de chrétien. Outre les ornements sculptés et peints sur les murs, on voyait encore dans les églises des tentures en étoffes plus ou moins riches.

On suspendait des rideaux aux balustrades qui entouraient le sanctuaire, aux arcades des nefs, etc. (1).

Les portes elles-mêmes étaient fermées au moyen de rideaux, dont la tradition s'est conservée jusqu'à nos jours en Italie, dans ces pesantes tentures qu'il faut soulever et pousser devant soi pour pénétrer dans les églises. Existe-il encore quelques-uns de ces tissus?

Ils sont extrêmement rares et renfermés depuis long-temps comme reliques dans les trésors des églises, soit qu'ils servent à envelopper des ossements vénérés, soit qu'ils aient été employés à confectionner d'anciennes chapes ou des chasubles.

Je peux, comme spécimen, figurer quatre tissus de ce genre, dont l'ancienneté ne paraît pas devoir être révoquée en doute, savoir : la chape de saint Mesme, à Chinon, la chape dite de Charlemagne, à Metz, le suaire de saint Germain, à Auxerre, et un tissu qui en

[graphic]

(1) Anastase-le-Bibliothécaire parle souvent des rideaux qui décoraient les différentes parties des églises.

veloppe des reliques au Mans. Ces quatre échantillons donneront une idée des tissus dont nos églises furent plus ou moins riches pendant la première période romane, c'est-à-dire du IV. au XI. siècle; ils venaient de l'Orient.

[graphic][subsumed][merged small]

Le premier montre, sur des bandes horizontales, des espèces de tigres affrontés et enchaînés à un pendentif d'où semblent sortir deux oiseaux. Des lièyres se voient sous le ventre des quadrupèdes.

Le fond est bleu. Les tigres sont alternativement blancs avec taches rouges, et jaunes avec taches vertes.

Les oiseaux et les lièvres suivent la même alternance, et sont rouges et blancs sur une ligne, verts et jaunes sur l'autre.

M. Ch. Le Normand, membre de l'Institut, trouve dans ce tissu des indications positives d'une origine sassanide (1). Il faut, dit-il, voir le home, plante sacrée, arbre de vie des Orientaux, dans la plante allongée placée entre les deux animaux. Il reconnaît dans ceuxci des guépars, sorte de panthère facile à apprivoiser et dont les Indiens se servent encore pour la chasse.

Sur le tissu dessiné par M. Hucher et qui existe au Mans, on voit, comme dans le précédent, un seul et même sujet reproduit uniformément sur toute l'étendue du tissu. Deux lions debout, affrontés, sont séparés par un objet pédiculé que M. Hucher regarde comme une coupe, mais dans lequel M. Le Normand reconnaît un autel du feu ou Pyrée, emblême de la religion de Zoroastre. M. Le Normand n'hésite pas à attribuer au tissu du Mans la même origine qu'au tissu de Chinon.

Il remarque que l'objet en forme d'astre ou d'étoile qu'on voit imprimé au haut de la cuisse de chacun de ces animaux, se retrouve sur d'autres monuments sassanides, notamment sur un vase de même origine existant dans la collection de la Bibliothèque royale. (V. la notice de M. Le Normand dans le XIV. volume du Bulletin monumental.) Il en conclut que ce tissu peut très-bien remonter au IVo. ou au Ve. siècle (2).

M. Victor Petit m'a remis le dessin d'un tissu que l'on voit à l'église St.-Eusèbe d'Auxerre, et qui est orné d'aigles aux ailes éployées, séparés les uns des autres par des rosaces. Ces figures sont de couleur jaune et se détachent sur un fond violet. Si l'on en croit la tradition, cette étoffe aurait été donnée par l'impératrice Placidie, pour couvrir le cercueil de saint Germain, lorsqu'on rapporta son corps de Ravenne,

(1) On désigne par le nom de Sassanide le second empire de Perse, fondé par Ardeschire l'an 223 de notre ère, et détruit en 652 par les Arabes. Cet empire fut très-florissant durant le IV. siècle et au commencement du Ve.

(2) Le fond du tissu de soie est rouge, les lions sont ouvrés en soie verte et rehaussés de plaques rouges disposées dans le but d'imiter les muscles et les es; de minces filets jaunes dessinent les formes et séparent les couleurs.

(Note de M. Hucher.)

« PreviousContinue »