AVANT-PROPOS L'étude de l'histoire par les monuments fait de grands progrès depuis un demi-siècle. On est unanime à reconnaître aujourd'hui que l'instruction historique doit se puiser à deux sources, celle des textes, et celle des monuments de l'art contemporain des événements racontés. Ce qui importe, c'est que le choix de ces monuments de l'art soit fait avec autant d'amour de la vérité et de conscience que la narration écrite elle-même. Imaginaires ou infidèles, les planches jointes à un texte historique ne peuvent que produire de très-fausses impressions sur l'esprit du lecteur. Vraies, sincères, elles animent, éclairent, contrôlent, complètent le récit et le gravent en traits plus durables dans le souvenir. On reconnaîtra, nous l'espérons, dans notre livre, l'essai sérieux d'une Histoire de France à la fois écrite et figurée. Ses imperfections mêmes en prouveront la difficulté et, pour ainsi dire, la nouveauté. Si nous n'avions eu qu'à imiter ou résumer une Histoire de France déjà composée suivant le même système par quelque auteur digne de servir de modèle, nous n'aurions pas été obligés à de si longues recherches, et nous aurions évité, sans doute, plus d'une lacune ou d'une erreur que ne tardera pas à nous révéler la publicité. Notre premier volume est nécessairement le moins riche en gravures: aux premiers temps de notre histoire, les monuments sont rares et généralement d'assez peu d'effet; nous n'avons pas voulu suppléer à cette pénurie significative; nous avons donné ce qui est, du moins ce que nous avons trouvé, rien de plus. Au moyen âge, l'art commence à multiplier ses œuvres et à grandir: on nous voit suivre de notre mieux, dans l'espace un peu étroit que les nécessités de l'entreprise industrielle nous ont imposé, ses développements jusqu'à notre siècle. Un moment vient où l'histoire de la France est sculptée, peinte, dessinée, gravée, presque scène par scène, jour par jour : nous n'aurons alors que le regret d'être obligés de choisir et de nous borner. Ajoutons que cette union intime du récit et des monuments de l'art n'est pas, dans notre intention, le seul caractère particulier à notre ouvrage. Nous n'avons pas pensé que ce fùt assez de reproduire le récit ordinaire des faits; nous avons emprunté, autant que possible, le fond de notre texte aux documents originaux de chaque époque. Le plus souvent nous laissons nos pères eux-mêmes raconter, par la voix de leurs chroniques, de leurs littérateurs, ou même de leurs poëtes, les événements dont ils ont été les contemporains. Aux drames de la vie publique, nous avons essayé d'entremêler les faits intimes. A l'histoire politique, administrative et militaire de la France, nous avons tenté d'associer l'histoire de ses idées, de ses aspirations vers l'avenir, de ses mœurs, de son goût pour les arts, de son aptitude pour les lettres, des progrès de son langage; en un mot, de toutes les transformations morales, intellectuelles et matérielles à travers lesquelles a grandi notre nationalité. Que l'on nous permette une hypothèse qui pourra paraître quelque peu étrange, mais qui servira bien à exprimer notre pensée. Si un auteur voulait nous raconter la vie d'un grand homme qui ne se fut pas seulement illustré dans la politique et dans la guerre, mais qui eut aussi mérité le renom de grand poëte, de grand écrivain, de grand industriel, de grand philosophe, de grand artiste, remplirait-il sa tache en décrivant la vie et les actes politiques et militaires du personnage, sans nous faire connaître ses œuvres littéraires, philosophiques, morales et autres, sans dérouler, en un mot, sous nos yeux les manifestations de son génie dans toutes ses variétés? Ne faut-il pas, pour satisfaire l'ardent besoin de vérité qui nous possède aujourd'hui, qu'on nous initie même aux détails du caractère, de la physionomie, du langage, du costume de nos héros? Or il en est de même de cette immense personne, de ce grand héros qu'on appelle la France. Il nous a paru que désormais il n'est permis à ceux qui osent retracer les phases de cette vaste existence, ni d'omettre aucune des lignes principales du portrait, ni de négliger aucune des ressources dont la librairie moderne dispose pour en rendre les moindres détails avec fidélité. Nous ne nous dissimulons pas combien nous sommes restés loin du but très-ambitieux que, dans notre première conception, nous nous étions proposé; mais nous aurons toujours tracé le plan, et si la rapidité relative de notre travail, commandée par des exigences de diverses natures, nous a forcés à supprimer bien des développements, du moins nous avons la confiance que notre esquisse laisse apercevoir les contours d'un ensemble assez complet, et que nous aurons facilité la tàche de ceux qui, plus tard, entreprendront de refaire dans de plus vastes proportions notre histoire nationale « écrite et figurée ». 31 décembre 1858. H. B. ÉD. CH. |