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A la tète de chaque province était un gouverneur, délégué par le préfet et appelé, suivant les provinces, Consulaire ou Président. Il percevait l'impôt, rendait la justice, régissait les domaines publics, veillait au bon entretien des routes et des postes impériales. Quant au commandement militaire, il était donné, pour toute la préfecture, à un maitre de la guerre ou des milices, ayant sous ses ordres un comte dans chacun des trois vicariats, c'est-à-dire des trois vice-préfectures.

Le service public, sous l'empire, comporta plusieurs autres divisions, notamment celle en cinq gouvernements des frontières (comté de Strasbourg et duchés Séquanais, Armorique, de la Belgique seconde et de Mayence); mais ces partages administratifs varierent suivant les besoins ou les temps, et n'eurent en aucune façon l'étonnante solidité de la division du pays en dix-sept provinces et cent quinze cités. Cette dernière organisation géographique, en effet, perpétuée par l'Église chrétienne, n'a été complétement effacée qu'en 1790. Jusque-là, les archevêchés correspondaient exactement aux anciennes provinces, et les évêchés aux anciennes cités gauloises; l'Église, née dans le moule romain, avait traversé quinze siècles sans le briser; mais lorsqu'on créa la division de la France en départements, on dut bouleverser la vieille géographie ecclésiastique pour mettre les circonscriptions diocésaines en rapport avec les circonscriptions départementales.

Quoique savante, l'administration romaine n'était ni compliquée, ni paperassière. Les bureaux d'une des grandes préfectures de l'empire, c'est-à-dire d'un gouvernement aussi vaste que le sont trois ou quatre à la fois des grands États de l'Europe actuelle, comprenaient cinq à six cents employés; il n'y en avait que trois cent quatre-vingt-dix-huit dans le prétoire de la préfecture d'Afrique. C'est moins qu'il n'en faut aujourd'hui dans un seul de nos ministères. On a dressé une liste exacte des principaux titulaires de ces emplois; c'étaient :

1o Le prince ou premier archiviste de l'office. Il était principalement chargé de la perception des impôts; de plus, il adressait les citations au tribunal du préfet; il faisait arrêter les prévenus; il rédigeait et dictait les jugements.

2o Le corniculaire, ainsi appelé de ce qu'il avait pour marque distinctive un cornet, dont il usait sans doute soit pour les publications, soit pour commander le silence à l'audience. En effet, il publiait les ordonnances et les jugements du préfet ou gouverneur. C'était une sorte de greffier en chef. Le præco, ou héraut, était placé sous ses ordres.

3o L'adjutor ou aide, attaché aux différents emplois comme suppléant.

4o Le commentariste ou gardien du livre d'écrou. C'était le directeur des prisons, chargé de tout ce qui concernait les prisonniers, et ordinairement de présider à la torture.

5o L'actuaire ou rédacteur des actes. Il écrivait

les contrats entre citoyens, les testaments, les donations, tous les actes destinés à faire foi en justice; office que remplissaient aussi les magistrats municipaux.

6o Les numéraires ou tabulaires. C'étaient les officiers chargés de tenir la comptabilité. Ce service était partagé, dans le prétoire des Gaules, en quatre branches: comptes des revenus du trésor particulier de l'empereur, comptes des revenus de l'État, comptes de l'administration des monnaies, et comptes des travaux publics.

7o Le sub-adjuva, sous-aide de l'adjutor.

8o Le curateur aux lettres, secrétaire chargé de la correspondance. Ses subordonnés s'appelaient épistolaires.

9o Le référendaire, ou rapporteur des requêtes adressées au préfet, en même temps que rédacteur des réponses.

40o Les excepteurs, greffiers chargés de recevoir, d'expédier et de lire devant le tribunal du préfet toutes les pièces relatives à la procédure de ce tribunal.

44° Le primipilaire, ou chef de file, commandant une sorte de gendarmerie attachée aux gouverneurs de provinces et chargée de faire exécuter leurs ordres, de lever les impôts, d'opérer les arrestations. Il avait aussi dans ses attributions le soin d'inspecter et de distribuer les subsistances militaires. Ses subordonnés s'appelaient singulaires, cohortales, centeniers, etc.

Chacun de ces officiers, en effet, avait des bureaux placés sous ses ordres. Leur traitement, devenu fixe dès le temps d'Auguste, se composait en partie de denrées qu'ils recevaient en nature. On ignore à quelle valeur il se montait; mais il était considérable. Lampride, l'historien d'Alexandre Sévère, loue la générosité de ce prince qui, en effet, lorsqu'il nommait un gouverneur de province, lui donnait pour ses frais d'installation vingt livres d'argent, six cruches de vin, deux mulets, deux chevaux, deux vètements de cérémonie, un vêtement. ordinaire, un vètement de bains, cent pieces d'or, un cuisinier, et, si le nouveau fonctionnaire n'était pas marié, une belle esclave. A sa sortie de charge, il devait rendre les mulets et les chevaux, avec leurs palefreniers et le cuisinier; si sa gestion était approuvée, il gardait le reste; si elle ne l'était pas, il rendait le quadruple.

Après avoir pourvu au service des armées et à la perception des impôts, le gouvernement central laissait à chaque cité la plus grande liberté d'action et une sorte de souveraineté municipale. La société gallo-romaine se composait de quatre classes différentes de personnes. La première classe comprenait les grandes familles qui avaient eu des membres siégeant dans le sénat de Rome ou revêtus de hautes dignités. C'étaient d'ordinaire les familles qui descendaient des anciens chefs gaulois. Ceux qui leur appartenaient jouissaient de grands priviléges, notamment en matière judiciaire et en matière d'impôts; ils étaient en outre décorés des

Typ. de J. Best, rue St-Maur-St G, 15

titres d'illustres, clarissimes, très-parfaits, qui constituaient de véritables distinctions de noblesse. La seconde classe de citoyens était celle des propriétaires aisés. On passait dans cette catégorie dès qu'on avait en propriété vingt-cinq arpents de terre. Dès lors, on était de droit membre de la curie, ou sénat municipal; on portait le titre honorifique de curiale ou décurion, et l'on pouvait parvenir par l'élection aux fonctions de questeur, d'édile, de quinquennal, de duumvir, de prince de la curie, c'est-à-dire aux plus hautes dignités de la cité. La troisième classe se composait de la plebe, c'est-à-dire des petits propriétaires qui ne possédaient pas vingt-cinq arpents, des marchands et des artisans libres, la plupart esclaves affranchis et vivant dans les villes. Eulin, la quatrième et dernière classe composait à elle seule les neuf dixièmes de la population; c'étaient les esclaves, partagés en deux classes: 4° les esclaves domestiques, attachés au service personnel de leurs maîtres ou s'occupant, pour le compte de ceux-ci, d'arts industriels; 2o les esclaves ruraux, généralement appelés colons, dont la condition était plus favorable, en ce qu'ils étaient plutôt attachés à la terre qu'à la personne du maître, et se rachetaient plus facilement de la servitude, ou pouvaient même entrer dans l'armée.

Le sort des curiales présente un phénomène singulier. Ils formaient, avons-nous dit, le conseil de la cité; ils administraient ses affaires, ils élisaient leurs magistrats, ils commandaient les milices urbaines; leur position devait donc être honorée et recherchée. Ainsi fut-elle d'abord; mais lorsque survint l'extrême détresse financière de l'empire, des lois, dont on ignore la date, les rendirent responsables solidairement de la rentrée de l'impôt. Ils versaient à l'avance dans les caisses impériales le montant des contributions, et les répartissaient ensuite sur leurs concitoyens pour se rembourser. Tout déficit tombait naturellement à leur charge, et ils se trouvaient transformés, malgré eux, en agents gratuits d'une impitoyable fiscalité. Aussi voulurent-ils bientôt se soustraire à une aussi onéreuse condition; mais le gouvernement les y retint de force. Nombre de lois furent portées successivement, par suite desquelles les curiales perdirent la faculté de vendre leur terre sans la permission du gouverneur de la province, et le droit de sortir de la curie pour entrer dans l'armée ou dans les emplois de l'État avant d'avoir passé par toutes les fonctions de la cité, y compris les plus hautes magistratures. Ils ne pouvaient être admis dans le clergé qu'en se procurant un remplaçant qui voulût bien ètre curiale à leur place, ou en abandonnant leurs biens à la curie. Ceux d'entre eux qui n'avaient pas d'enfants ne pouvaient disposer que du quart de leur fortune; la curie s'emparait du reste. Il leur était interdit de sortir du territoire de la cité sans autorisation, et même d'habiter la campagne. Enfin, les enfants des curiales suivaient la condition de leurs pères. « Ce sont, disait la loi, les esclaves de l'État. » Ils avaient, en compensation,

le privilége de ne pouvoir être condamnés aux peines afflictives et infamantes réservées aux hommes de la plebe, d'être également exemptés de la torture, et d'ètre nourris aux dépens de la cité lorsqu'ils tombaient dans la misère. Attachée à ses fonctions par de si lourdes chaînes, la curie devint cruelle à son tour, et le pouvoir fut obligé de créer un magistrat nouveau, le défenseur, qui était élu non par l'assemblée des curiales, mais par la population entière, et qui avait pour charge de protéger celle-ci tant contre les officiers impériaux chargés de dresser l'assiette des contributions que contre les curies chargées de les percevoir. Cette belle magistrature, le défensorat, dont le titulaire ne relevait que du préfet des Gaules, devint généralement l'un des attributs de l'épiscopat; elle accrut sa bienfaisante influence, mais elle n'allégea que faiblement des maux incurables.

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de nous, dans l'usage de tous les jours, tant de belles choses, produits d'un art exquis dans tous ses détails; ces statuettes mises dans chaque maison aux places d'honneur, et rappelant chacune quelque divinité, c'est-à-dire quelque idée religieuse ou philosophique; ces nobles costumes flottants; ces manteaux de couleurs claires agrafés sur l'épaule par-dessus la tunique brodée, et dessinant tout le corps dans leurs plis gracieux; ces siéges de bronze ou de marbre recouverts de coussins

le sol de l'empire. C'étaient des Goths entrés pacifiquement, au quatrième siècle, dans les provinces de l'Europe orientale. Frappés d'admiration à l'aspect des cités romaines, et tremblants d'une sorte de respect superstitieux, ils n'osaient avancer.

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élégants; ces vases et ces bassins de terre peinte ou d'argent; ces armes, ces fioles, ces lampes, ces belles monnaies, ces ustensiles de toute sorte en métaux ciselés, ces joyaux si artistement travaillés; tous ces objets enfin qui, par des échantillons échappés à quinze ou dix-huit siècles d'une destruction incessante, remplissent encore maintenant nos musées, alors, malgré notre orgueil d'esprits modernes, nous éprouverions la même émotion, peutétre, qui s'empara des premiers barbares admis, avec la permission de Théodose, à fouler librement

Mais, depuis les plus hautes jusqu'aux plus usuelles, toutes les splendeurs de l'art romain étaient entachées de ce vice mortel, qu'ayant atteint un certain type de force, d'harmonie et de

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beauté humainement parfait, ce type ne pouvait | surchargé, déformé, ou bien remplacé par des types plus être surpassé. Il ne pouvait plus être que tout à fait différents. Aussi, jusqu'à ce que le

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