Page images
PDF
EPUB

DE CHINON A REIMS PAR ORLÉANS.

PRISE DE LA PUCELLE.

Jeanne arriva le 29 avril aux portes d'Orléans. Elle s'était fait précéder d'une lettre devenue fameuse, où il était dit : « Anglais, rendez à la Pucelle envoyée de Dieu les clefs des villes que vous avez violées en France. » Et sur le dos était écrit:

« Entendez les nouvelles de Dieu et de la Pucelle. >> Une cohorte de prêtres marchait devant elle, et des chants sacrés remplaçaient les trompettes. Son étendard blanc, fleurdelisé, qu'elle aimait « quarante fois plus que son épée », flottait sur sa tète, portant l'image du « Roi du ciel » dont elle était le lieutenant, et la protégeait de cette devise sacrée Jesus Maria. Les Anglais n'inquiétèrent pas

la pucelle Dorliene

Jeanne Darc, statuette en bronze du quinzième siècle. (CoHection de M. Carraud.)

son entrée; le peuple se pressait autour de son cheval, la saluait d'acclamations. Trois sorties suffirent pour faire lever ce siége qui durait depuis plus de six mois; et, le 8 mai, un Te Deum fut chanté en pleine campagne, tandis que les Anglais « tournaient le dos ». La délivrance d'Orléans fut l'œuvre de la Pucelle. Ni la Hire, ni Xaintrailles, ni Dunois, ne l'eussent accomplie avec une population découragée, en face d'ennemis sûrs du triomphe. Sa présence changea les rôles; les Anglais furent moralement vaincus, et les injures dont ils la couvrirent (« ribaude, va

chère », et pis) cachaient mal leur inquiétude. La défiance de Raoul de Gaucourt avait compromis le succès; les hommes de Charles VII avaient été d'avis d'utiliser la Pucelle, mais non de lui obéir. On pouvait, d'ailleurs, douter de son courage. La première sortie fut faite sans elle; on l'avait laissée dormir. Éveillée en sursaut, armée à la hate, furieuse « que le sang de France eût coulé », elle vint par bonheur ranimer les siens qui pliaient. Une autre fois, elle prit l'initiative; et, malgré les généraux, elle fut « chef de guerre >>. Elle rentra, le 10 juin, en campagne avec le duc

d'Alençon, son meilleur ami. En huit jours, elle prit Jargeau, Baugenci, Meung, et gagna la bataille de Patai; Suffolk et Talbot étaient pris, l'armée anglaise détruite, Bedford sans ressources. Le peuple électrisé criait : « A Reims! à Reims! >> <«< Elle ouvrit la marche, de son autorité. » (Quicherat.) Charles VI obéit à regret, toujours prêt à regagner Bourges. La Trémouille, plus puissant que jamais, venait d'éloigner encore le connétable, qui, malgré les défenses royales, était venu joindre la Pucelle sous Baugenci; il empêcha, moyen

nant finances, dit-on, le siége d'Auxerre, et tenta de faire lever celui de Troyes; mais la confiance de Jeanne et les cris des bourgeois amenèrent la garnison anglaise à capituler; le roi entra le lendemain dans la ville où il avait été déshérité. Châlons le reçut avec joie, et Reims ouvrit ses portes. Le sacre fut solennel, et, toutes les formalités remplies, Regnauld de Chartres versa l'huile sainte au front de son monarque. Mais celle qui sacrait, celle qui posait la couronne, debout près de l'autel, soutenant son étendard symbolique, sem

[graphic][subsumed][subsumed][ocr errors][ocr errors][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed]

Entrée de Charles VII et de Jeanne Darc à Reims. D'après une ancienne tapisserie.
(Estampe de la collection de M. Hennin.)

blait au peuple une messagère céleste. Elle eut beau s'humilier, embrasser le roi « à genoux par les jambes », lui baiser le pied en pleurant, tandis que la foule admirait cette effusion naïve, Charles, écrasé, aigri par cet amour sublime, la maudissait en lui-même. Les bienfaits imposés sont un fardeau si lourd!

Jeanne sentait bien la haine sourde cachée sous les protestations amicales des grands. « Je ne crains que la trahison », disait-elle à ses parents, qui étaient venus à Chalons la contempler dans sa gloire. Son rôle la condamnait à l'envie. Venue de Dieu, elle ne pouvait accepter de supérieur : aussi semblait-elle usurper l'autorité royale; elle avait délivré, à Troyes, des prisonniers français oubliés par le roi; elle avait, sans ordre, écrit

deux lettres à Philippe le Bon pour l'inviter au sacre; elle était le centre des hommages, l'espoir des malheureux. Charles VII touchait les écrouelles; Jeanne relevait les cœurs. Le bruit de ses prophéties, de ses miracles même, se répandait; elle devenait une sainte, invoquée dans les Offices.

Depuis le sacre, elle se contint, parla moins de ses voix. Mais cette prudence forcée l'attrista. On peut croire qu'elle désespéra un moment de sa vie, lorsqu'elle vit du haut de sa fortune les piéges qu'allaient lui tendre ses ennemis. Cette défaillance momentanée a sans doute inspiré aux bistoriens cette erreur si répandue, qui limite à la délivrance et au sacre sa mission sainte. Mais tous les témoignages véridiques prouvent qu'elle s'était imposé une tâche plus complete après avoir

Typ. de J. Best, rue St-Maur-St-G., 15.

confirmé le droit de son roi par le sacre, elle voulait lui rendre tous les fleurons de sa couronne. Elle eût pu le faire; mais l'ingrat Charles VII fit avorter avec soin toutes ses entreprises; il aimait mieux reconquérir en vingt ans son royaume que de le lui devoir.

Feignant d'abord de marcher sur Paris, comme elle le demandait, il se détourna tout à coup vers Château-Thierri et Provins, et résolut de regagner Bourges. Pouvait-on se trahir avec plus de noirceur? - Bedford désespéré n'avait ni hommes, ni

argent, ni partisans; en vain il fit venir le duc de Bourgogne pour réchauffer les vieilles haines cabochiennes. Le peuple commençait à savoir que cet implacable égoïste ne travaillait que pour lui. Le régent trouva un allié plus utile dans son oncle Winchester, qui débarqua à Calais avec des troupes; encore n'espérait-il sauver avec ce renfort que la Normandie. L'armée française abandonna Charles VII pour suivre la Pucelle au siége de Paris; l'absence de Bedford, l'agitation de la ville, promettaient un succès. Mais Gaucourt profita d'un

[graphic][merged small]

assaut malheureux et d'une blessure légère de Jeanne pour sonner la retraite. Quand elle voulut repasser la Seine et retourner au combat, elle trouva les ponts coupés. Force lui fut de revenir à Chinon subir des honneurs qui l'irritaient.

Elle demandait sans cesse la guerre : on lui confia une petite armée qui échoua devant la Charitésur-Loire; on la récompensa de cet échec par des lettres de noblesse pour sa famille, et tout l'hiver on la retint à la cour. De son côté, le chancelier travaillait de tout son pouvoir à la paix; Philippe le Bon le leurrait par des promesses, et venait à Paris s'unir plus intimement à Bedford, qui, d'accord avec Winchester, lui offrit la régence. Le rusé duc l'accepta, moyennant l'abandon de la Champagne si elle était reconquise. Mais que pouvait-il faire, lui, joyeux prince, dans Paris, au milieu des maisons désertes? « Deux œufs y valoient quatre deniers; il n'étoit nouvelle, ni pour la Toussaint ni pour autre fête, de harengs frais

ni de marée. » Il y resta quinze jours. Croyant assez faire pour les habitants de leur assurer une courte trêve avec les Armagnacs, il partit pour Bruges avec les six mille Picards, « forts larrons, du reste », qu'il avait amenés. Par dérision, pour <«< apaiser les gens simples », quand l'avant-garde fut partie, il fit crier qu'on se défendît le mieux que l'on pourrait. A peine fut-il en route que les Dauphinois dévastèrent la banlieue. Bedford n'eut garde d'intervenir; c'était pour s'en dispenser qu'il avait donné la régence à son beau-frère. Le nouveau régent s'occupait encore moins de Paris que l'ancien. Il célébrait (janvier 4430) son troisième mariage au milieu de magnificences inouïes, dont le grand peintre Van-Eyck était l'ordonnateur. Il créait, plutôt en l'honneur d'une belle Brugeoise que de la nouvelle duchesse, l'ordre fameux de la Toison d'or.

Quand il revint en France, la guerre continuait avec des avantages variés; il rendit à Bedford la

régence dont il ne faisait rien, et vint assiéger pour son compte la ville de Compiègne, que Charles VII lui avait, promise, et qui refusait de le recevoir. Le parti français reculait en Normandie; le petit roi Henri VI était établi à Rouen (avril 4430).

Dans ces graves circonstances, Charles VII ne Songeait qu'à entraver l'union de Jeanne avec le connétable et le duc d'Alençon. La pauvre fille était surveillée; on suscitait d'autres inspirés; on parlait d'une nommée Catherine et d'un berger des Cévennes; on les lui comparait. Humiliée, elle s'était enfuie de la cour. Elle en était réduite à se faire chef de bande. Et cependant elle avait encore un tel prestige, que « des proclamations durent être faites en Angleterre contre les capitaines et les soldats qui refusaient de partir. » (Rymer.) Une petite troupe fidèle la suivit à Lagny et entra dans Compiègne avec elle (23 mai 1430).

Le soir même de son arrivée, elle exécuta une sortie qu'elle avait, croit-on, depuis longtemps combinée. Elle voulait enlever aux Bourguignons deux postes avancés, en les isolant des Anglais, que Flavy, capitaine de la ville, devait prendre en flanc en cas de diversion. La retraite était d'ailleurs assurée par des bateaux couverts disposés sur l'Oise. Un mouvement des Anglais répandit une terreur panique parmi les compagnons de Jeanne; ils s'enfuirent, et les Anglais, sur lesquels Flavy n'osait tirer, de peur de blesser les siens, faillirent entrer avec eux dans le boulevard du pont. Les portes furent fermées en toute hate. Jeanne arriva trop tard, avec quelques amis qui la ramenaient de force. Poursuivie jusqu'au pied des murs, elle se rendit. « Jeanne, tu seras prise avant la SaintJean!» lui avaient dit ses voix à des heures tristes.

Ce malheur couronnait dignement la longue perfidie du conseil de France. Le chancelier ne put comprimer sa joie; elle éclata dans une lettre indigne qu'il écrivit à Reims pour annoncer la chute de sa victime: « Dieu, dit-il, a souffert prendre la Pucelle, parce qu'elle s'est constituée en orgueil, et pour les riches habits qu'elle a pris, et qu'elle a fait sa volonté, au lieu de faire la volonté de Dieu. » Ce Dieu dont il parle, c'est lui, c'est la Trémouille: « Elle ne vouloit croire conseil, mais faisoit tout à son plaisir. » Il ajoute que le berger des Cévennes la remplacera sans désavantage. Cette lettre, connue ou non de Charles VII, était conforme à ses sentiments; car il ne fit pas un mouvement, il ne dit pas une parole qui pût sauver sa libératrice; il n'essaya pas une proposition d'échange qui aurait au moins couvert sa haine; il ne se donna même pas la peine de l'hypocrisie.

CAPTIVITÉ ET PROCÈS DE LA PUCELLE.

Jeanne était prisonnière de Jean de Luxembourg, vassal de Philippe le Bon; il la fit garder soigneusement dans le château de Beauvais, de

peur « qu'elle n'échappàt par art magique ». Winchester et Bedford, pour l'attirer entre leurs mains, mirent en avant l'Université, qui, dès le 25 mai, la réclamait pour lui intenter un procès ecclésiastique, et Pierre Cauchon, évêque de Beauvais, lumière de l'Église au concile de Constance, illustre prélat, qui désirait un archevêché. Cauchon en offrit, quoiqu'elle ne dût pas être considérée «< comme prise de guerre », et que « la prise de cette femme ne fût pas pareille à celle d'un roi », six, puis dix mille francs à Jean de Luxembourg. Celui-ci, pauvre cadet de cadet, remit Jeanne au duc de Bourgogne, sur les terres duquel. elle dut être gardée jusqu'au payement complet de la rançon. Qu'importait à Philippe le Bon? Tout entier à la spoliation de ses pupilles en Brabant, il ne fit aucune difficulté de tremper dans le trafic. infame.

a

Rouen fut choisi pour lieu du procès, comme plus sûr que Paris; Jeanne y fut amenée vers la fin de décembre, et « bien enferrée»; elle dut attendre dans la prison du château que Cauchon eût reçu du chapitre de Rouen l'autorisation de procéder dans un diocèse qui n'était pas le sien. Sa captivité de sept mois ne l'avait pas abattue: un jour, pourtant, se sachant vendue, « elle aima mieux rendre l'àme à Dieu que d'être en la main des Anglais »>; elle se précipita, malgré ses voix, du haut d'une tour. Elle se serait épargné cinq mois d'agonie; mais elle ne se blessa même pas. Elle eut au moins la joie d'apprendre que le siége de Compiègne était levé, que Xaintrailles et Barbasan avaient été vainqueurs à Germigny et à Anglure. Son esprit était resté aux siens.

Cauchon, aussi acharné à sa mort « que Caiphe et Anne » à celle du Christ, choisit avec soin ses assesseurs parmi les plus doctes universitaires. L'un d'eux, Thomas de Courcelles, qui « dicta la plupart des décrets du concile de Bâle », austère, modeste, était considéré tout jeune « comme le successeur de Gerson » (Quicherat). D'autres, Midi et Erard, étaient aussi respectés. Le vicaire de l'inquisition, moine pusillanime, dut siéger par ordre de ses supérieurs.

Rien ne fut plus imposant que cette cour suprême, composée des autorités les plus compétentes. Elle procéda avec une grande régularité, voilant sous une forme parfaite les piéges infaillibles et honteux où elle prit sa victime. Son jugement eut une grande autorité. Il nous parait illégal et odieux; il n'en est pas moins conforme aux maximes inquisitoriales. « L'évêque et le juge de l'inquisition, agissant conjointement, forment une autorité suffisante; la procédure peut être sommaire, directe, sans vacarme d'avocats ni formalité de jugement. Dans un procès fondé sur la rumeur publique, il suffit de trois ou quatre té moins attestant la commune renommée; ils peuvent ne pas être nommés: encore peut-on s'en passer. Que nul n'approche l'hérétique, si ce n'est de temps à autre deux personnes fidèles et adroites,

de faux confidents!» (Eymeric, Malleus Malefic.)

Cauchon fit plus qu'il n'était nécessaire lorsqu'il offrit à Jeanne un avocat (17 mars); il fit prendre, à Domremi et ailleurs, des informations précises qui sont la base des interrogatoires; il consulta une foule de témoins. Il offrit à l'accusée, dans un cas, il est vrai, difficile, de s'en rapporter à ceux de son parti. On a dit que Jeanne eût dû être dans les prisons de l'Église; il ne faut pas s'en prendre à Cauchon; les Anglais ne faisaient que la prêter aux juges. Mais c'est assez justifier dans la forme ceux dont les intentions cruelles ont été justement flétries.

Le procès eut quatre périodes distinctes. Dans la première (2 février-3 mars), Cauchon essaya d'arracher à Jeanne le plus d'aveux possible sur sa vie intérieure et extérieure ; la deuxième (marsmai) fut consacrée à grouper les faits les plus compromettants, et à en tirer des opinions contraires à l'orthodoxie; la troisième, à obtenir une rétractation; la dernière, à faire retomber l'accusée dans ses prétendues erreurs.

LES AVEUX.

Dès le 24 février 4434, Jeanne, seule, épuisée par la captivité, fut livrée comme une proie à la foule de ses juges. Son attitude fut pleine de calme et de grandeur. Ses réponses, tour à tour loyales, prudentes, spirituelles, lui firent quelques amis parmi les docteurs; amis inutiles, que Cauchon ne laissait guère parler.

Elle fut poussée avec opiniâtreté sur deux ordres de questions, les unes relatives à elle-même, les autres au roi; il n'y eut pas une séance peutêtre où les secondes ne vinssent compliquer les premières. Les Anglais tenaient à faire peser la sentence sur Charles VII aussi bien que sur la Pucelle; ils espéraient, d'ailleurs, que celle-ci, abandonnée lâchement par celui qu'elle avait couronné, ne l'épargnerait pas dans ses réponses. Mais ils furent trompés dans leur attente. Elle se refusa constamment à jurer de dire la vérité, sans distinction, sur toute chose. «Par ma foi, vous pourriez me demander des choses que je ne vous dirais pas de l'une, je vous répondrais le vrai; de l'autre, non. J'ai assez juré, passez outre. »> Ces réserves portent avant tout sur ses rapports secrets avec Charles VII. Que lui a-t-elle dit en particulier? Quel signe lui a-t-elle donné pour lui montrer qu'elle venait de Dieu? « Quand on devrait me couper la tête, répond-elle, je ne vous le dirais pas; mais allez au roi, et il vous le dira. » Et encore: « Je serais parjure, ce que vous ne devez pas vouloir. » Ou bien : « Vous ne me le tirerez pas de la bouche; mes voix ne me le permettent pas. » Dès qu'un mot semble mettre le roi en cause, elle se tait. « Le roi et la reine vous ont-ils requis de prendre babit de femme? - Ce n'est pas de votre procès. » Après deux mois seu

lement d'interrogations acharnées, elle se résigne à feindre, de peur que la vérité ne soit soupçonnée; elle raconte aux juges que le signe est une couronne d'or apportée au roi par un ange qui venait d'en haut. L'ange, c'était elle, qui, au risque de pécher par le mensonge, sauvegardait un ingrat. Les juges échouérent donc de ce côté; mais ils triomphèrent de l'autre la pauvre fille fit bon marché d'elle-même. Ses premiers mots la perdirent: « Je n'ai rien fait que par révélation. » Ils furent soigneusement recueillis; et, pour qu'elle n'en pût soupçonner la gravité, l'interrogatoire changea d'objet.

Elle raconta naïvement son enfance. « Elle se confessait tous les ans à son propre curé... recevait tous les ans à Pâques le corps de Notre-Seigneur », aimait à prier dans l'église. « Dès l'àge de treize ans, elle eut révélation. » Ce mot dangereux lui revenait ainsi sans défiance et naturellement. Elle avait, d'ailleurs, la pleine volonté de révéler hautement sa mission et d'avouer cette partie extatique de sa vie qui flottait entre le ciel et la terre. Les juges apprirent sur ses voix tout ce qu'ils voulurent. « La voix vint pour la première fois à midi, en été, un jour de jeûne, au côté droit de l'église »; une clarté l'accompagnait. Elle sut bientôt que c'était la voix d'un ange.

Mais cette voix pouvait venir de l'enfer; que disait-elle ? De fréquenter l'Église. Jeanne était donc bonne chrétienne. Mais d'où vient donc cette voix?-«Elle vient de par Dieu. » — «Sans moyen de saint ou de saintes? » — Par l'intermédiaire de saint Michel, de sainte Catherine et de sainte Marguerite. Saint Michel vint le premier, «< accompagné d'anges du ciel. » Les saintes le suivirent, et ne devinrent distinctes qu'au bout de plusieurs apparitions; elles se nommèrent. Jeanne maintenant « les connaît bien l'une de l'autre par le salut qu'elles lui font. »>

Le salut! - Les voit-elle donc « corporellement, formément? » - «De mes yeux corporels aussi bien que je vous vois; leurs figures sont couronnées de belles couronnes.»-Étaient-elle vêtues du mème drap? sont-elles de même âge? parlent-elles ensemble, ou l'une après l'autre? De quelle figure était Saint-Michel? Avait-il une balance? N'a t-il pas « de corps ou de membres? » Ainsi pressée de questions, elle sentit l'imprudence qu'elle avait faite en parlant du salut et des couronnes des saints; c'était leur reconnaître une tète. Elle avoua en effet que «< saint Michel et saint Gabriel ont des tètes naturellement »; mais elle s'arrêta là. est probable qu'elle-même avait sur le corps de ses visions des idées plus distinctes; forcée de leur prêter une tête, puisqu'elles parlaient et saluaient," elle s'inquiétait peu du reste ou se les figurait enveloppées en de longues draperies: aussi finit-elle par dire que saint Michel était en la forme d'un vrai prud'homme et de l'habit et d'autres choses. » Mais en faisant peindre sur son étendard « les anges avec bras, pieds, vêtements... les a-t-elle fait

[ocr errors]
« PreviousContinue »