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de produire des reflets rosés; un énorme dragon se meuvent entre les dents de quatre monstres de aux puissantes griffes, aux yeux d'émail étincelant, tient dans sa gueule le loquet ou moraillon qui s'abaisse sur le trou de la serrure, et semble en défendre l'entrée; ses ailes, émaillées aux trois couleurs, blanc, bleu et rouge, enveloppent son corps moitié de poisson, moitié de serpent, qui se termine par une queue trifurquée; les charnières

la même espèce qui rappelle cette fiction, si fréquente chez les romanciers du moyen âge, de trésors placés sous la garde de dragons ailés. Enfin la poignée qui sert à porter la cassette est formée d'anneaux imitant le corps d'un reptile, et terminée par deux têtes de serpent.

Ainsi, par un simple ustensile, fait de mains.

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Croix en vermeil de l'église d'Orval (Cher), donnée par Louis IX au seigneur d'Orval. Treizième siècle.

d'ouvriers, nous pouvons juger de la magnificence des arts au temps de saint Louis.

"ENT DES LÉGISTES. PHILIPPE IV, LE BEL.

vait que dix-sept ans lorsqu'il monta
s légistes qui l'entouraient organi-
t une administration vigoureuse

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et envahissante, et la politique du règne se dessina dès le commencement. C'est la lutte contre le clergé, puis contre le pape, et l'abaissement de la féodalité.

Les prêtres sont exclus de l'administration de la justice, et même des justices seigneuriales. Défense aux portiers du Parlement de laisser entrer « nuls des prélats ». La rente de mainmorte, établie sur

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Philippe IV recevant la traduction de la Consolation, de Boëce, que lui présente Jean de Mehun. D'après Gaignières (1).

leurs biens pour compenser le droit de mutation, est triplée, quadruplée, sextuplée. Les juifs sont protégés contre les prêtres défense d'arrèter un

() Miniature du prologue de la Consolation, mss.

juif sur la dénonciation d'un prêtre, et mème d'un inquisiteur. Les évèques se borneront aux peines canoniques; il ne leur est pas permis de mettre un juif à l'amende; ils peuvent l'excommunier s'il leur plait.

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devaient un service personnel pendant lequel ils étaient seulement nourris par le roi; la monarchie moderne, qui commence à Philippe le Bel, n'agit que par des fonctionnaires salariés. Les impôts antérieurs ne suffiront pas. La grande ressource sera l'altération des monnaies et la confiscation. En 1290, Philippe. chasse les juifs et prend leurs biens; puis il rançonne les Lombards, banquiers et usuriers comme les juifs. Quand cette ressource est épuisée, il commence à altérer les monnaies. Cet expédient le ruinait à la longue; il gagnait

d'abord à émettre des monnaies qui valaient moins et portaient le même nom que les anciennes, mais quand elles lui revenaient, il perdait à son tour. Il lui aurait fallu payer en monnaie faible et recevoir en monnaie forte; il l'essaya et y réussit quelquefois. Un moyen ingénieux de faire de l'argent, ce furent les lois somptuaires; en cas de contravention, on confisquait.

Philippe aurait préféré établir des impôts réguliers. Il l'essaya sans beaucoup de succès. Il établit sur les biens fonds l'impôt du centième, puis du

cinquantième; mais les villes qui ont acheté l'exemption d'impôt se révoltent. Le nom de maltôte (mala tolta, taille mal assise) fut la condamnation de cet impôt. Il inventa alors la gabelle; il établit un droit sur la vente des denrées, et un autre de sept deniers par livre sur tout commerce avec l'étranger. Mais il ne pouvait pas vivre avec ce qu'il prenait au tiers état; il essaya donc de soumettre à l'impôt les terres nobles; toute sa vie il chercha et parvint à tirer de l'argent du clergé.

AGRANDISSEMENT DU DOMAINE ROYAL.

Philippe avait apporté à la couronne la Champagne et la Navarre. Il chercha à s'agrandir au midi et au nord; il acheta Montpellier et le Querci; il acquit Valenciennes, et une manœuvre habile mit entre ses mains la Guyenne. Les Gascons exerçaient la piraterie aux dépens des Normands; Édouard Ier fut sommé de comparaître devant le tribunal des pairs pour répondre des actes de ses sujets. On convint que pour la forme le roi de France opérerait la saisie de la Guyenne. Philippe la prit et la garda.

Les Flamands étaient en querelle avec leur comte, Gui de Dampierre. Ils s'adressèrent au roi de France, qui, en sa qualité de suzerain, avait autorité sur leur seigneur. Philippe convoitait la Flandre; la possession d'un si riche pays aurait doublé sa puissance. Il entra avec ardeur dans les affaires de Flandre, cherchant à diviser à tout jamais les Flamands et le comte, pour devenir maître de ce pays.

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C'est du plateau qui domine les toits les plus élevés de la petite ville de Cassel qu'il faut embrasser d'un coup d'œil cette vaste plaine du Nord dont l'histoire va, pour un temps, faire partie de l'histoire de France. La vue n'est bornée au sud que par le demi-cercle de hautes terres qui s'étendent de Calais à Arras et d'Arras à Cambrai. Au nord, c'est la mer; à l'est, un horizon de verdure sans limite. Sans la courbure de la terre, le regard s'étendrait à l'infini par delà la Belgique et la Hollande, jusqu'au Texel et à la mer du Nord. C'est là que montera et s'abaissera tour à tour, comme la mer, mais en gagnant toujours du terrain, la fortune de la France. Derrière, c'est l'Artois, la conquête future de Richelieu; tout alentour la Flandre, que nous donnera Louis XIV. Cette plaine immense qui se déroule à l'est, la République en fera la conquête en naissant. Napoléon la fera perdre à la France.

Dès le douzième siècle, on admirait dans ce pays une industrie et une agriculture de premier ordre. Une population libre et industrieuse s'était agglomérée dans les grandes cités de Gand, d'Ypres et de Bruges. Gand et Ypres filaient et tissaient pour l'Europe le lin de Flandre et les laines de l'Angle

terre. Bruges, le grand marché de l'Occident, l'étape principale du commerce du monde, de Novogorod à Londres, et de Londres à Gênes, à Constantinople, à l'Égypte, gouvernait par un de ses bourgeois la hanse de Londres. L'industrie des villes avait accumulé tant de richesses qu'on avait pu disputer aux eaux un sol bas et fertile; les marais desséchés, les terrains protégés par des digues contre la mer et les rivières, étaient devenus pour la Flandre une source nouvelle de richesses.

La féodalité et le commerce sont incompatibles; l'industrie, qui déclasse à chaque instant les hommes, élevant celui-ci, abaissant celui-là, n'admet pas un régime de castes, où chacun est fixé à sa place dès sa naissance et pour toujours. Les seigneurs étaient peu de chose en face de ces multitudes d'ouvriers et de fabricants qui, dans un jour de colère, sortaient par milliers de leurs murs, et n'y rentraient qu'après avoir rasé le château ou brûlé la maison de l'ennemi de la cité. C'était un de leurs droits, disaient-ils, et ce droit avait un nom. A Lille, on l'appelait le droit d'arcin. Ce peuple violent, colérique, se lançait tout entier sur l'ennemi avec une fureur aveugle, et sans regarder derrière lui. Les paysans, les kerels, n'étaient pas moins redoutables. Une vieille chanson, en langue flamande, nous montre dans son marais cet homme à longue barbe qui mange auprès de sa charrue un gros morceau de pain de seigle et du lait caillé. A côté de lui est sa femme, la quenouille à la main et la figure salie d'étoupes. Le dimanche, à la kermesse, il s'avance, habit décousu, chapeau déchiré, chaperon de travers, mais son bâton noueux à la main, fier comme un comte et prêt à tout renverser. Au son de la cornemuse, il saute, il crie, il s'enivre et se bat. Ce sauvage aime l'indépendance : c'est l'instinct de sa race. Il soulèvera en furieux le joug féodal, marchera droit aux seigneurs, et les assommera à coups de massue dans le fossé de Courtrai. La guerre avec lui est un massacre: il tombe à sa place de bataille, ou, s'il est vainqueur, il égorge et assomme. Point de quartier, ni pour les autres, ni pour lui. «Ils mangent trop, disaient leurs ennemis; c'est pour cela qu'ils sont si bêtes. C'est une mauvaise race, ils veulent soumettre les chevaliers. Vengeons-nous, courons à travers champs, trainons-les, pendons-les. Ils ne nous. échapperont pas : leur barbe est trop longue. »

Les trois grandes cités de la Flandre étaient de véritables républiques, se gouvernant elles-mêmes sous l'autorité nominale du comte de Flandre. Le comte Gui de Dampierre, d'une famille illustre de la Champagne, essaya de leur enlever leurs priviléges. Bruges, Ypres et Gand se soulevèrent tour à tour, et appelérent à leur aide Philippe le Hardi, suzerain du comte de Flandre. Dès son avénement, Philippe le Bel avait songé à devenir maître de ce riche pays. Il excita le comte, et, lorsque toute réconciliation fut devenue impossible, il l'abandonna. I ne restait plus au comte d'autre recours que

l'Angleterre. Il songea à marier sa fille à l'héritier de cette couronne; mais Philippe averti l'attira à sa cour. Un vassal ne pouvait marier sa fille sans l'autorisation du suzerain; Philippe ne le refusait pas, mais il voulait, disait-il, voir le comte. Celuici ne sortit de la tour du Louvre qu'en livrant sa fille comme otage. Elle y resta jusqu'à sa mort.

tout entière, et Philippe vint avec sa femme," Jeanne de Navarre, visiter sa conquête (mai 1304).

Ce voyage fut un vrai triomphe. Les Flamands étaient heureux d'être débarrassés de leur comte; ils croyaient aux promesses du roi, et venaient en foule au-devant de lui, joyeux et en armes, pour lui faire honneur. Les imprudents étalaient leurs richesses, et les femmes leur luxe et leur parures, devant ce roi sans argent et cette noblesse avide. A Bruges surtout, dans cette ville splendide où se trouvaient réunis, comme dans le centre du commerce du monde, les hommes et les productions du Nord, du Midi et de l'Occident, l'envieuse Jeanne de Navarre se vit éclipsée par le luxe,

Déjà Philippe exploitait la Flandre. Il y établissait des lois somptuaires, et l'impôt du cinquantième; or c'était sur le comte que tombait l'odieux de cet impôt ses gens étaient chargés de percevoir, et ils n'avaient d'argent qu'en mettant les retardataires en prison. Lorsque Gui refusait de livrer Valenciennes au comte de Hainaut, Philippe le fit venir, reçut les plaintes des députés des villes et leur donna raison. Quant à lui, il se fit livrer, par la tradition du gant, les cinq bonnes villes de Flandre; puis, « voulant faire merci au comte, il retira sa main de tout le comté de Flandre, à l'exception de la ville de Gand». Mais il ne lui rendit pas sa fille. Dès lors l'alliance entre le père de Philippine et son fiancé, le roi d'Angleterre, fut décidée. Édouard promit une armée, des subsides, des priviléges de commerce pour les Flamands. L'étape des laines anglaises fut portée à Bruges. Le préambule du traité était une insulte pour Philippe : « Nous voulons que tous sachent, disait le comte, qu'il est des personnes de haut état et de grande puissance, qui ne se conduisent point, comme elles le devraient, par raison..... Chacun sait combien le roi de France a méfait vis-à-vis de Dieu et de la justice. » Bientôt le comte fit à Philippe son défi, lui déclarant « qu'à cause de ses méfaits et défauts de droit, il se tenait pour délié de toutes alliances, conventions, obligations, sujétions, services ou redevances auxquels il avait pu être obligé envers lui. » Soixante mille Français marcherent sur la Flandre. Édouard était retenu par la guerre d'Écosse; ses barons lui refusaient leur service en Flandre; les princes allemands qu'il payait pour attaquer Philippe étaient vendus à celui-ci. Un combat suffit pour soumettre la Flandre (bataille de Balscamp, 20 août 1297). Une partie de la noblesse flamande était passée à l'ennemi au milieu du combat. Lille capitula neuf jours après. Enfin l'armée anglaise arriva. Mais Bruges était contre le comte et pour le roi, qui lui avait accordé de nouveaux priviléges; les Anglais se battaient entre eux, brûlaient et pillaient. Leurs archers gallois mirent le feu à Gand; ils faillirent y rester tous, et Édouard avec eux. Les bourgeois laissèrent leurs maisons brûler et se mirent à massacrer les Anglais. Édouard fut trop heureux de signer une trêve de deux ans avec Philippe et de s'en retourner en Angleterre.

Le jour où expirait la trêve, le comte de Valois surprit Douai. Il s'empara de Damm; Gand lui ouvrit ses portes, et le malheureux comte se vit réduit à aller à Paris demander la paix. Philippe le fit conduire au Châtelet. « Je ne veux point de paix avec vous », lui dit-il. La Flandre se soumit

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l'élégance et la beauté de ces femmes de bourgeois c'est à Bruges que la race flamande arrive chez les femmes à la perfection de sa beauté. « Je croyais, dit-elle, être ici la seule reine; mais je ne vois plus que des reines autour de moi. » On allait bientôt leur faire payer ces fètes, et diminuer leur luxe et leurs richesses.

Les empiétements de Philippe sur les droits du clergé avaient amené une rupture avec Rome. Boniface VIII était ami de la France, à laquelle il devait la tiare; il aurait voulu donner à la maison de France l'empire d'Orient et l'empire d'Occident, la Hongrie et la Castille. Longtemps il patienta. Il en vint cependant à excommunier tout prêtre qui payerait sans autorisation du saint-siége, tout laïque qui exigerait d'un prêtre. Lorsque Philippe défendit l'exportation de l'or et de l'argent, une bulle menaçante et doucereuse (Ineffabilis amoris) revendiqua les droits de l'Église. Mais quand Boniface eut institué le Jubilé, lorsqu'il vit, en 1300, les pèlerins prosternés à ses pieds par centaines de mille, ce spectacle magnifique lui fit croire, à l'aurore de l'àge moderne, à la toute-puissance de la papauté. Reconnaître deux puissances, dit-il dans la bulle Unam sanctam, c'est être hérétique et manichéen. Tandis qu'il niait la puissance temporelle, Philippe mettait la main sur les régales de Laon, de Poitiers et de Reims. La lutte commença à l'occasion du Languedoc.

Le pape venait de créer l'évêché de Pamiers. Il y plaça Bernard de Saisset, de la famille des comtes de Toulouse. Saisset, avec la jactance et

(1) C'est de tous les jetons des reines de France le plus ancien connu. (Voy. la Revue numismatique, 1849, pl. 14, no 1.)

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