quelquefois un simple bon mot. La licence du langage y était extrême, mais ce n'était point par un privilége échu seulement aux fabliaux. Les peintures et les expressions peu voilées sont un caractere de tous les écrits du moyen àge. Notre pruderie moderne est un sentiment trop délicat pour avoir pu naître alors; elle ne date que du temps de Louis XIV. Licencieux ou non, les fabliaux étaient composés par des bourgeois moqueurs ou de pauvres trouvères harcelés par la faim et vivant de la libéralité des seigneurs. De ces derniers était Rutebœuf, l'un des plus féconds rimeurs du temps de saint Louis, et le plus remarquable par sa verve satirique. Il déclamait dans ses vers contre le manque de nourriture ou les habits percés, et riait de sa pauvreté en disant qu'on n'avait pas vu de ruine plus complète que la sienne depuis la ruine de Troie. Tel était encore ce trouvere dit le Bossu d'Arras, qu'un de ses confrères en poésie, Raoul de Houdan, faisait figurer au milieu d'une satire appelée «<le Chemin d'Enfer», en le plaçant dans « la demeure de Filouterie ». Voici quelques sujets de fabliaux : L'àne du curé est mort. Par reconnaissance pour les bons services du défunt, le curé l'inhume au cimetière, en terre chrétienne. Il apprend bientôt que son évêque est indigné de ce qu'il a fait. Il se rend auprès de monseigneur et s'excuse en disant : Mon àne a fait un testament par lequel il vous lègue vingt livres : Eh, dist l'évesques, Dieu l'amende Et toz les péchiez qu'il at fais! Cette pièce, intitulée « le Testament de l'Ane », est de Rutebœuf. Il y en a beaucoup, et des meilleures, dont les auteurs sont inconnus. Un jour le Diable, allant en tournée, confie la garde de l'enfer à un de ses hôtes nouvellement arrivé. C'était un ménestrel de profession, c'est-àdire trouvère et musicien, qui pendant sa vie avait été passionné joueur. Saint Pierre, averti du fait, profite de l'absence du diable, et, s'étant procuré des dés à jouer tout neufs, il s'en vient proposer au ménestrel de jouer au brelan les âmes qu'ils ont tous deux en leur garde. Le ménestrel est ravi; mais il commence par perdre une âme damnée, puis deux, puis dix, puis cent; puis il arrive jusqu'à perdre la moitié des prisonniers de l'enfer. Désespéré, il joue quitte ou double, perd encore, et saint Pierre emmène fièrement l'enfer entier dans son paradis. Dans une autre pièce, on apprend que Dieu, ayant créé le monde, y plaça trois espèces d'hommes, les nobles, les ecclésiastiques et les vilains. Il donna aux nobles les terres, aux prêtres les dîmes, et aux vilains la tâche de travailler toute leur vie pour nourrir les deux autres ordres de gens. Cependant il restait encore deux classes de personnes qui n'étaient pourvues de rien, savoir les ménétriers et les courtisanes. Dieu chargea les seigneurs de nourrir les ménétriers, et confia les courtisanes aux prélats, qui par les soins qu'ils ont pris d'elles ont mérité le paradis; ils auront certainement leur salut. Mais il n'y aura pas de salut pour les nobles, parce qu'ils laissent les ménétriers mourir de faim. Le clergé n'est pas ménagé dans ces historiettes; on sent que l'auteur savoure la plaisanterie quand elle atteint les moines, les prètres et en général tous les papelards, c'est-à-dire les dévots hypocrites. On se méprendrait cependant si l'on croyait voir l'esprit d'irréligion au fond de ces saillies. Le chanteur populaire aime à rire, même aux dépens de ce qu'on respecte le plus, mais ses traits ne vont jamais jusqu'à la religion elle-même et ne s'adressent qu'à ses ministres. La foi, au treizième siècle, était tellement inébranlable que les poëtes se livraient au plus singulier mélange du profane et du sacré; les trouvères les plus licencieux versifiaient aussi des histoires dévotes, et beaucoup d'hommes engagés dans le clergé ne craignaient pas d'égayer leur plume, soit en français, soit en latin. On compte parmi les auteurs français de la fin du douzième siècle et du commencement du treizième, à cause de quelques-uns de nos romans dont il a fourni la première ébauche, un archidiacre de la cathédradre d'Oxford, qui joignait à cette qualité celle de grand et joyeux buveur. Il se nommait Gautier Map. C'est à lui qu'appartient la première édition connue de cette fameuse chanson bachique si souvent imitée depuis: Aussitôt que la lumière Vient éclairer nos coteaux, Je commence ma carrière Par visiter les tonneaux (1). C'est encore à un prêtre anglais qu'un trouvère nommé Henri d'Andeli donne le principal rôle dans un de ses fabliaux qu'il appelle « la Bataille des vins ». Ce prètre, grand connaisseur, juge non-seulement des vins, mais de toutes les boissons; après les avoir dégustées, il excommunie la cervoise (la bière) et toute liqueur qui se fabrique au-delà de l'Oise, en Flandre et en Angleterre ; puis il jette la chandelle à terre, Et puis si alla sommeillier Trois nuis, trois jors sans esveillier. A son réveil, cet homme plein d'expérience fait son rapport au roi Philippe, vraisemblablement Philippe-Auguste, et le roi, sur son rapport, classe les vins par dignités. Le vin de Chypre est nommé pape; le vin de Naples, cardinal et légat; le titre de roi est accordé aux trois meilleurs vins de France, que l'auteur oublie malheureusement de (1) Voici la première stance de l'original : nommer; les trois suivants sont créés comtes, et douze autres Pairs de France Où li rois ont molt grant fiance. L'esprit bachique allait plus loin: sans attaquer les choses religieuses, il badinait avec elles; il parodiait de pieux cantiques composés primitivement pour les saints, des prières de la liturgie catholique, le Pater noster et le Confiteor (1), jusqu'à la messe elle-même : on avait composé une messe burlesque qu'on appelait missa de potatoribus, la messe des buveurs. C'était le temps où à certaines époques de l'année on se livrait aux jeux de la fête de l'Ane, de la fête des Fous, et à d'autres comédies licencieuses par lesquelles le peuple s'égayait dans les églises. Le plus célèbre des fabliaux est le poëme du Renard, et il est digne de sa célébrité. Envisagée par son côté poétique, la chevalerie avait excité l'enthousiasme et produit des œuvres épiques. Mais l'enthousiasme n'est pas le don de toutes les âmes, et le populaire, foulé et pressuré beaucoup plus souvent que protégé par les seigneurs grands ou petits, trouvait dans des fabliaux satiriques le moyen de dire sa pensée et de se venger un peu. Le fonds commun de la gaieté populaire avait créé un type de personnage dont la vie et les exploits étaient la négation de tout sentiment chevaleresque. Turbulent, cruel, débauché, larron, *mais en même temps beau diseur, ingénieux, fertile en ressources et fourbe accompli, cet individu, calqué sur un modèle également vrai dans tous les temps, représentait l'homme puissant, couronné des succès de ce monde, mais digne de haine et de mépris. Pour donner plus de grâce au portrait, on plaçait la scène dans le royaume des animaux. Notre héros, affublé du nom brillant de Reginard ou Regnard, était peint sous les traits de l'animal rusé qu'on appelait alors le goupil (vulpes), mais qui, depuis, a gardé son titre d'emprunt et est resté le renard. La société au milieu de laquelle il déploie son génie est celle des loups, des ours, du noble lion, et aussi des lapins et des poules, ses nombreuses et innocentes victimes. Tour à tour chevalier, pèlerin, clerc, médecin, empereur, mais toujours voleur et traître, Renard court à travers mille aventures hasardeuses dont le tour vif, la vérité profonde, les détails variés, font de cette fable l'une des plus agréables compositions que (') Confiteor reo Baceho omnepotanti et reo vino coloris rubei et omnibus scyphis ejus et vobis potatoribus me nimis gulose potasse per nimiam nauseam rei Bacchi Dei mei, potatione, sternutatione, oscitatione maxima, mea cupa, mea maxima cupa. Ideo precor beatissimum Bacchum et omnes scyphos ejus et vos fratres potatores ut potetis pro me ad dominum reum Bacchum ut misereatur mei. Misereatur vestri scyphipotens Bacchus et permittat vos perdere omnia vestimenta vestra et perducat vos ad majorem tabernam qui hibit et potat per omnia pocula poenlorum. Stramen. notre littérature ait produites. Elle paraît être originaire de la Flandre, le pays des fortes bourgeoisies, et avoir été primitivement écrite en latin dès le commencement du douzième siècle; depuis le treizième jusqu'à la renaissance, elle n'a cessé de servir de thème à une foule d'auteurs (on en compte plus de trente), et forme un ensemble d'au moins soixante-quinze mille vers. Voici l'une des aventures de Renard d'après les versions du treizième siècle. Maître Ysengrin, autrement dit maître le Loup, n'était pas fort assuré de la fidèle affection de dame Hersent sa femme, et ne lui ménageait pas les reproches sur ce point. Cependant, comme elle repoussait hautement de telles accusations, il se mit en devoir de la surveiller avec soin, et ne tarda pas à la surprendre en compagnie de dom Renard et dans la maison même du goupil. Les belles paroles de Renard n'eurent pas la vertu de le convaincre. En vain le fourbe lui dit-il : Ne forfis rien à votre fame, Renard prend le parti prudent de se sauver, et laisse la colère du Loup retomber sur la Louve. Hersent use alors des moyens extrêmes; elle proteste qu'elle n'a cédé qu'aux violences de Renard, et propose à son mari d'aller porter plainte conjointement avec lui au tribunal du Lion : A la cort (de) noble le Lion Tient-on les plaids et les oiances (audiences) De telles assurances et l'espoir d'une vengeance prochaine calment les douleurs d'Ysengrin. De () Mortelles guerres et contentions. même que Renard est le seigneur perfide et rusé, de même qu'Ysengrin est le seigneur brutal et borné, de même noble le Lion est le roi, et le roi de France. Le Loup et sa femme se mettent donc en chemin. Parvenus sont jusqu'au palais Là où le roi tenoit ses plais. Li rois sist (siége) en un faudestuel (fauteuil) Tot environ siet, en coronne, Sa mesnie (maison) qui l'environne. N'i a un seul qui noise (bruit) face. A tant es vos (alors voici) emmi la place Qui la clamor ont aramie. Trestuit (tous) li autre font silence Vérité est tornée à fable, Vos féistes le ban (ordonnance) roial Renart est cil qui toz max (tous maux) sème, Renart ne dote (redoute) mariage, Ne parenté, ne compérage; Il est pire que ne puis dire. Ne cuidiez mnie, rois biau sire, Que je l'die pour l'iréter (l'irriter) Ne por blasme sor li jeter. Rien que je die n'est mençoingne, Voire, voir (vrai, vrai), sire, ce dist-ele. » Et Hersent expose au roi tous les détails de la conduite indigne de Renard. Quand elle a terminé son discours, le mari reprend la parole pour demander justice, et conclut en exigeant le serment que son ennemi lui avait offert. « Je les sorpris à la montée. Et amendez délivrement (vite) Hersent, dist li rois, respondez, Qui vos estes ici clamée Que dant Renart vos a amée. Et vos, amastes-le vos onques? »> - « Je non, Sire.»-«Or me dites donques Qu'en sa méson aliez sole Dès que vos n'estiez s'amie? >> Dame Hersent ne répond pas clairement à cette question fàcheuse, où le roi montre qu'on ne le trompe pas aisément et qu'il faut réfléchir avant de lui déférer une plainte. Ce passage, dans lequel Com de ce que j'en sui délivres. sent? Les conseillers se lèvent pour en délibérer. Brichemer, le Cerf, parle le premier : « Vos avez oï d'Ysengrin, Mès nos avons, en cort, usé (l'usage), Monstrer l'estuet (il faut) par tierce main. » Il faut des tiers qui en témoignent, autres qu'une accusatrice intéressée. Sire Brun, l'Ours, n'est pas de cet avis. Ce serait bon si dom Ysengrin n'était qu'un felon ou voleur, mais Dant Ysengrin est conétables Et bien, de la cort, est créables. Le Sanglier, Baucent, n'admet point cet argu ment: Sé vos dites que Ysengrinz Et li micudres (meilleur) de ses voisins, Que il n'est moins loiaux, ne pire. Chascun porroit tel clamor faire La discussion continue ainsi avec une régularité digne du plus beau siècle de la jurisprudence féodale; de nouveaux personnages y prennent part: Platiaus le Daim, le Singe Cointeriaux, Tybert le Chat. L'on s'accorde à forcer seulement Renard de faire loyale paix pour l'avenir avec Ysengrin, sous la foi du serment, et l'on arrête d'avance qu'au cas où le roi s'absenterait, le serment serait reçu par un juge d'une impartialité au-dessus de tout soupçon, le chien Roonel. Le sage Brichemer porte au roi ce résultat : Or ne m'en voil plus entremettre, Après la messe diemenche. » Trois jours avant la solennité judiciaire qui se prépare ainsi, le Loup conçoit la mauvaise pensée d'aller trouver le Chien Roonel et de l'engager à se joindre à lui pour profiter de la circonstance et pour perdre Renard. « Je n'ai plus, dit-il, qu'à chercher des reliques de saint sur lesquelles il faudra qu'il prête son serment. — Par ma foi, répond le Chien, assez aurez-vous en cette ville et de saints et de saintes. » Puis ce dogue, qui passe pour si loyal, propose au loup de le prendre et de le faire passer, lui Roonel, pour une relique. « Je me tiendrai, dit-il, hors de la ville en un fossé, les dents grincées, le cou plié, la langue traite. Faites votre assemblée en cet endroit et dites que vous tenez Renart pour absous s'il jure sur ma dent «< qu'il n'a >>>mespris envers Hersent ». Et moi, s'il approche seulement, il pourra bien dire «qu'il ne vit jamais >> saint qui si fort morde ». Au jour dit, l'assemblée se réunit. Renard se présente et s'apprête à prononcer le serment, lorsqu'il aperçoit dans le prétendu cadavre de saint Roonel un mouvement de respiration très-sensible. Une juste méfiance le fait s'éloigner, malgré les encouragements de l'honnète Brichemer. Il s'excuse sur ce que, pour avoir le cœur bien préparé à une cérémonie si grave, il lui faudrait d'abord se réconforter par un peu de nourriture, et, usant d'une vieille ruse dont il a souvent éprouvé les bons effets, il indique à la bande plusieurs gîtes où elle trouvera abondamment à butiner. Tous se mettent aussitôt en route pour profiter de l'avis; mais, assaillis au milieu de leur festin par une troupe de vilains armés de pelles et de bâtons, ils se dispersent de tous côtés, et Renart, qui n'attendait que ce dénouement, s'esquive au plus vite. Cet épisode forme environ quatorze cents vers. Les autres aventures de Renard sont toutes aussi vives, aussi lestement contées, aussi divertissantes, et elles ont aujourd'hui pour nous un plus sérieux intérêt que les charmes de l'invention et du style: ce sont des peintures fidèles de la vie féodale. SCIENCES NATURELLES. · JURISPRUDENCE. Si l'on passe des ouvrages d'imagination aux travaux scientifiques par lesquels se recommandent la fin du douzième siecle et le treizième, on voit se développer là aussi la fécondité de cette belle époque; mais les origines de la race franque pèsent encore lourdement sur elle; sa turbulence a appelé la domination absolue de l'Église, et l'Église, pour garder la paix, s'efforce de retenir les esprits enchaînés. Tous ceux qui transgressent le cercle im (1) Chien de basse-cour. Typ. de J. Best, rue St-Maur-St-G., 15, muable de ses dogmes, de ses commandements, de ses pratiques, sont également atteints de l'anathème, aussi bien les gens pieux qui cherchent dans la méditation et d'austères études à découvrir et à préparer les voies nouvelles de l'humanité, que les gens vulgaires entraînés par le vice et les appétits grossiers. Le besoin de savoir, de s'élever par la pensée, de s'affranchir des lois arbitraires, produit les hérésies, surtout les hérésies isolées comme celles de l'illustre dominicain Roger Bacon (1214-4294), qui étudia durant plusieurs années à Paris. Au contraire, l'obéissance au mouvement de la foule, aux convenances du monde, donnent à la plupart des œuvres du siècle de saint Louis une teinte uniforme de préoccupation religieuse. On a pu remarquer plus haut, jusque dans les romans tels que la chanson de Roncevaux, la part considérable faite par les trouvères à la piété de leurs auditeurs; dans les ouvrages plus sérieux elle est encore plus exclusive. La société chrétienne, à l'époque la plus brillante du moyen àge, était comme un enfant qui n'ose marcher seul et auquel il faut l'idée, fût-elle illusoire, qu'une puissance supérieure soutient chacun de ses pas. La gloire de Roger Bacon fut de comprendre que les bases véritables de la science sont dans l'étude de la nature, et de parvenir, malgré la faiblesse et l'ignorance de son temps, à lire les anciens avec assez de fruit pour avoir découvert les verres grossissants, la pompe à air, une substance combustible analogue au phosphore; pour avoir proposé dès l'an 1267 une réforme du calendrier, qui ne fut adoptée que trois siècles plus tard; pour avoir deviné jusqu'aux prodiges modernes de la vapeur. Aussi ce grand homme fut-il accusé de sorcellerie, et, pour peine d'avoir devancé son siècle, il passa plus de dix années en prison. C'était une récompense de ses travaux digne du temps où l'étude anatomique des cadavres était interdite comme sacrilege par l'Église (par le pape Boniface VIII), et où, pour traités d'histoire naturelle, on composait des Bestiaires. Ce nom était celui que les écrivains du moyen âge donnaient à ceux de leurs livres dans lesquels ils faisaient connaître la figure des animaux et leur description. Dans ces singuliers ouvrages de zoologie, l'on trouve l'histoire d'ètres qui n'ont jamais existé, tels que le phénix, la sirène, la licorne. On y apprend que ce dernier animal ne se laisse jamais prendre à moins qu'il ne se présente à lui une belle jeune fille dont la vue la séduit au point de lui faire oublier le chasseur; on y apprend aussi que l'aigle pour se rajeunir va se brûler auprès du soleil; que la mustoile (belette) conçoit ses petits par l'oreille et les enfante par la bouche; que le tigre se laisse prendre au miroir; que le lion efface avec sa queue la trace de ses pas quand il est poursuivi; que le pélican nourrit ses enfants de son sang; que l'hirondelle mange, boit et dort en volant; que le crinçon (grillon) meurt d'avoir trop chanté; que le cygne chante d'autant mieux qu'il est plus près de mourir; et mille autres fables populaires qui sont quelquefois des fables gracieuses ou des allégories. Les bestiaires sont souvent sans nom d'auteur, cependant on cite comme en ayant composé: Philippe de Than, mort en 4201; un clerc normand appelé Guillaume, qui écrivait en 4209; et, vers le milieu du siècle, Richard de Fournival. Un éditeur du treizième siècle, probablement religieux de l'abbaye de Saint-Victor de Paris, composa un grand Bestiaire divisé en quatre livres, en prenant pour premier livre un traité des oiseaux, rédigé par un certain Hugues du Foulloi; pour second livre, l'ouvrage du célebre théologien Alain de Lille, intitulé De la nature de quelques animaux (De naturis quorumdam animalium); et pour dernière partie de sa compilation, deux livres d'observations extraites d'autres ouvrages par un dominicain nommé Guillaume Perrault. Ceux-ci sont des ouvrages latins. Il y a aussi des Volucraires, ou traités des oiseaux; des Lapidaires, ou traités de minéralogie, écrits en vers moitié sérieux, moitié badins; notamment le Bestiaire d'Osmont, moins rempli de science que de moralités et d'allégories. Sous le titre ambitieux d'« Image du monde », un autre poëte du treizieme siècle, Gautier de Metz, écrivit une encyclopédie versifiée des connaissances qu'on possédait de son temps sur l'histoire naturelle, la physique, l'astronomie et surtout la géographie. Richard de Fournival est le plus connu de ces auteurs un peu savants, un peu poëtes, et dont les œuvres, si légères qu'elles soient, attestent du moins l'effort d'une saine curiosité. Son Bestiaire ne se borne pas à la description des animaux; il l'appelle Bestiaire d'amour, et, en effet, chaque description est pour lui l'occasion d'une comparaison avec l'homme et d'un fade précepte à l'adresse des amoureux. « Le singe, qui se laisse prendre par des piéges tendus à sa curiosité, est comme l'amant qui se laisse tromper par de fausses avances. L'amant ressemble encore au coq qui chante de toutes ses forces vers minuit et vers l'aurore: le chant de minuit, c'est la voix de l'amant désespéré; celui de l'aurore, c'est le signal de ses espérances. » Richard de Fournival a composé encore des chansons galantes et des poèmes qui portent le titre de « Puissance d'amour » et « Conseils d'amour »; cependant il fut, pendant une bonne partie de sa vie, qui se termina vers l'année 4260, archidiacre de la cathédrale d'Amiens. Son frère était (de 4236 à 1246) évêque de cette ville, et son père Roger de Fournival, auprès duquel il puisa sans doute les éléments de son Bestiaire, était médecin de PhilippeAuguste. Il y a plus de véritable savoir dans les traités, ordinairement en latin, sur « la Nature et les propriétés des choses » (De naturis rerum, de rerum proprietatibus), et dans les petits recueils de recettes hygiéniques et pharmaceutiques. On possède de ces derniers un assez grand nombre de manuscrits qui sont mêlés aussi de notions imparfaites |