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archevêques de Bordeaux et d'Auch arrivèrent à la tête d'une armée de croisés si nombreuse que comte, forcé de battre en retraite, dut se retirer derrière les murs de sa capitale. L'héroïque résistance des Toulousains lassa les croisés, qui, désespérant d'entrer de vive force dans la ville, ravagèrent pendant quatre mois les campagnes environnantes afin de l'affamer.

Réduits à la dernière extrémité par cette terrible dévastation, les Toulousains furent contraints à demander la paix. Raymond et les capitouls se rendirent à Meaux (4229), et se soumirent à tout ce que leur imposèrent le légat Saint-Ange et la reine Blanche. Le comte ne conserva des États de son père que l'Agénois, le Rouergue et une partic du diocèse de Toulouse. Il promit la main de sa fille unique au deuxième frère du roi, Alphonse, et s'engagea à lui léguer tous ses domaines. L'Église exigea de nouveau les mesures les plus sévères contre les hérétiques, et, de plus, demanda pour

elle, comme compensation de son zèle en faveur de la couronne de France, la possession du marquisat de Provence. Ce n'était pas tout: le comte fut obligé de s'engager à détruire lui-même les murailles de la plupart des villes de son domaine, et dut, en garantie de l'exécution de ses promesses, recevoir une garnison française dans le château narbonnais. Après avoir subi ces humiliantes conditions, il fut admis, de même que son père autrefois, à recevoir l'absolution des mains de l'Église. Il se rendit à Notre-Dame, en chemise, nu-pieds, et ne franchit la porte de la cathédrale qu'après avoir été frappé de verges par la main du légat.

Le traité de Meaux consacrait à jamais la réunion du Midi au Nord; il ajoutait au domaine royal les diocèses de Carcassonne, Narbonne, Uzès, Viviers, le Razės, le Velai, le Gévaudan, le comté de Lodève, et l'Albigeois au nord du Tarn. L'autorité du roi fut substituée, dans tous ces pays, à celle des anciens seigneurs, et l'administration fut

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qui précédemment avaient déjà porté à un haut degré de perfection la procédure de l'Église pour la répression de l'hérésie, mériterent, en 4233, d'être chargés de mettre en vigueur et de surveiller les décisions de l'assemblée de Toulouse. Depuis lors, dans chaque paroisse, deux laïques et un prètre eurent mission de visiter les maisons pour y arrêter les hérétiques. Toute personne convaincue d'avoir donné asile, dans sa demeure, à une personne suspecte d'hérésie, fut dépouillée de ses biens et livrée à la justice séculière. Toute maison ayant servi d'abri à un hérétique fut abattue. Les habitants durent renoncer par serment, renouvelé de deux en deux années, à toute croyance hérétique, et s'engager en même temps à dénoncer tous les suspects d'hérésie. Les hérétiques convertis et graciés

par les tribunaux ecclésiastiques furent condamnés à porter, le reste de leur vie, deux croix cousues sur leurs habits. La traduction en langue vulgaire et la simple lecture des livres de l'Ancien et du Nouveau Testament, furent interdites. On ne permit aux fidèles que le texte latin des Psaumes, le Bréviaire, et les Heures de la vierge Marie.

Le tribunal de l'inquisition eut pour premier président l'inexorable Folquet. L'instruction des affaires était secrète. Les accusés subissaient la torture dans les prisons ecclésiastiques. Le jour où les inquisiteurs prononçaient leur sentence, ils convoquaient le clergé régulier et séculier du diocèse, puis lisaient à haute voix la confession des hérétiques, qui étaient après cela immédiatement brûlés en place publique. Les conciles de Nimes, en 4233, et de Narbonne, en 4 235, ajoutérent quelques rigueurs à cette procédure de l'Église en matière d'hérésie; il y fut décidé, par exemple, que les hérétiques, lors même qu'ils avaient abjuré, mais dont l'ancien crime était bien établi, seraient condamnés à une prison perpétuelle. Toutefois, cette catégorie de coupables était si nombreuse que l'on ne trouva point de prisous assez vastes pour les contenir; il fallut renoncer à l'exécution de cette mesure. On avait encouragé les délations par la permission donnée aux inquisiteurs de ne point faire connaître les noms des témoins; on admit de plus, devant leurs tribunaux, le témoignage des malfaiteurs. Le zèle excessif de l'inquisition souleva encore le peuple. Des émeutes éclatèrent à Narbonne et à Albi; les inquisiteurs, expulsés de Toulouse, en sortirent avec tous les dominicains et l'évêque, successeur de Folquet. Le pape intervint et excommunia encore une fois cette malheureuse cité. Dans le même temps, en Piémont, en Dauphiné, sur toute la vallée du Pô, à Rome même, fermentait un esprit de révolte contre l'Église. Les Albigeois avaient reparu en Flandre, et avec eux la persécution. Un franciscain, Robert le Bulgare, ainsi nommé parce qu'il avait partagé lui-même les erreurs dont il était devenu le persécuteur, alla si loin dans ses rigueurs que l'Église fut obligée de le condamner à une prison perpétuelle. En Champagne, de nombreux hérétiques s'étaient rassemblés pour propager leurs doctrines. Au MontVimer, près de Vertus, cent quatre-vingt-trois d'entre eux furent saisis, condamnés au bûcher et brûlés le mème jour, en présence d'une foule immense et du comte Thibaud lui-même. A la suite de ces terribles exécutions, les hérétiques abjurèrent ou se réfugièrent dans les retraites les plus sauvages des Alpes, des Pyrénées et des Cévennes.

La condition des juifs était pire encore on ne les jugeait même point, on les massacrait. Le pape Grégoire IX voulut intervenir en leur faveur et ne fut pas écouté.

Vers le même temps, Paris, à peu près exempt de ces révolutions religieuses, vit ses rues ensanglantées par des rixes fréquentes entre les écoliers de l'Université et les bourgeois. En 1229,

une

de ces querelles donna lieu à l'intervention des troupes mercenaires qui étaient à la solde du roi. Un assez grand nombre d'écoliers furent mis à mort par les routiers. Les maîtres de l'Université demandèrent à la régente une réparation, et, ne l'ayant pas obtenue, fermèrent leurs écoles et dispersérent les écoliers, qui se répandirent dans les autres universités du royaume, ou allerent chercher asile en Angleterre, en Espagne et en Italie. Cette fermeture des écoles eut un immense retentissement. Grégoire IX fit des remontrances; Blanche et le légat non-seulement accordèrent aux membres de l'Université les réparations qu'ils avaient demandées, mais encore la reprise des cours fut signalée par la concession de nouveaux priviléges accordés à la Fille ainée des rois. L'instruction publique tira de ces événements un autre avantage. Pendant l'interruption des études de l'Université, les Franciscains avaient ouvert, dans la rue Saint-Jacques, de nouvelles écoles: la renommée de leur science se répandit au loin, et leur enseignement attira de nombreux élèves des parties les plus éloignées de l'Europe.

Ce ne fut pas à Paris seulement que la turbulence des écoliers devint la cause de collisions sanglantes. A Orléans, les bourgeois, irrités par leurs déportements, les forcérent à quitter la ville. Beaucoup d'entre eux furent tués ou jetés dans la Loire. Parmi les victimes se trouvèrent, malheureusement pour les bourgeois, un neveu du comte de Champagne, un neveu du comte de la Marche, et plusieurs autres jeunes gens de noble famille. Leurs parents accoururent bientôt en armes à Orléans, et, par représailles, massacrèrent un grand nombre de bourgeois (1236).

Si ces sanglantes agitations témoignaient de la turbulence et de la rudesse des meurs, la régente avait du moins à se féliciter de voir la France jouir de plus de tranquillité que le reste de l'Europe. Elle n'avait rien perdu de son influence sur son fils. Quand il approcha de sa vingtième année, elle lui choisit pour épouse Marguerite, fille de Raymond-Béranger IV, comte de Provence, âgée de quinze à seize ans. Marguerite était parente du roi au quatrième degré, et cette union ne put s'accomplir qu'avec une dispense du pape. Louis commença dès lors à prendre une part de plus en plus directe au gouvernement, tout en continuant à suivre avec une déférence respectueuse les sages conseils de sa mère. Le temps approchait où il devait donner des preuves éclatantes des qualités personnelles qu'il devait non moins à son heureuse nature qu'à son éducation.

AFFAIRES D'ITALIE ET DE PALESTINE.

Depuis l'avènement de Grégoire IX au trône pontifical (1227), l'Italie était en proie à des luttes incessantes. Le pape n'avait pu voir sans une profonde irritation la vie licencieuse, la mauvaise foi, l'impiété de l'empereur Frédéric II. Ce dernier, poursuivant son rève de domination universelle,

étendait sa souveraineté en Italie, et, au mépris des serments qu'il avait faits à son tuteur Innocent III, différait son départ pour la croisade.. Cependant son secours était nécessaire. Plus que jamais la Palestine avait besoin de défenseurs. Le ciel d'Orient avait exercé, comme à l'ordinaire, sa molle influence sur les chrétiens qui s'y étaient établis; ils n'avaient point tardé à s'abandonner à la langueur des mœurs musulmanes. « Leurs enfants, que l'on nomme poulains, nourris dans les délices, mous et efféminés, accoutumés aux bains plus qu'aux combats, adonnés à l'impureté et à la luxure, portent comme les femmes des vêtements bien souples; ils sont ornés et arrangés comme des temples... S'ils n'avaient pas eu avec eux des Francs et d'autres peuples de l'Occident, les Sar

rasius ne les redouteraient pas plus dans leur làcheté que l'on ne redoute des femmes... Hommes soupçonneux et dévorés de l'esprit de jalousie, ils tiennent leurs épouses étroitement enfermées, et les gardent avec tant de soin et de sollicitude, qu'à peine permettent-ils à leurs frères et à leurs parents les plus proches de parvenir jusqu'à elles; ils leur interdisent les églises, les processions, les prédications salutaires de la parole divine, et tous les exercices qui se rapportent au salut des âmes, tellement que, tout au plus une fois par an, ils leur permettent de se rendre au pied des autels. >> (J. de Vitry, liv. 1.)

Les moines, les prêtres, les ordres militaires, n'inspiraient pas plus de respect que les laïques; les chrétiens étaient en mépris aux disciples du Coran.

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Jean de Brienne, successeur d'Amauri II au titre de roi de Jérusalem, malgré son courage et ses hautes qualités, n'avait pas mieux réussi que ses prédécesseurs à arrêter cette décadence et à relever la fortune des croisés. Profitant de l'arrivée de troupes hongroises et allemandes, conduites par André II, roi de Hongrie, secondé par François d'Assise et le légat Pélasge, il avait tenté la conquête de l'Égypte. Après diverses vicissitudes, Damiette était tombée au pouvoir des chrétiens, et le sultan Malek-al-Kamel, successeur de MalekAdhel, voulant éloigner les croisés de l'Égypte, redoutant d'autre part les invasions des Mongols, avait proposé d'acheter la retraite des chrétiens au prix de la restitution de Jérusalem et d'un grand nombre de villes de la Palestine. Mais le légat Pé

lasge s'étant refusé à entrer en négociation, les hostilités avaient continué sous des auspices moins favorables, et bientôt, vaincus par l'ardeur excessive du climat et par la crue subite du Nil plus encore que par l'armée du sultan, les croisés avaient été contraints de renoncer à la possession de Damiette et de se rembarquer. Cette fàcheuse issue de la cinquième croisade avait soulevé des plaintes universelles dans la chrétienté contre l'empereur Frédéric II, qui, s'il eût été fidèle à sa parole, serait vraisemblablement parvenu, grâce à ses talents militaires et à ses forces imposantes, à des victoires décisives; mais à toutes les instances du pape il avait toujours opposé quelque nouveau prétexte, notamment la nécessité de soumettre les prétendus hérétiques des républiques lombardes.

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Buste de Louis IX, en or repoussé, à la Sainte-Chapelle. (Du Cange; Berodi; Viollet-Leduc.)

à Malek-al-Kamel, fit alliance avec lui, et arriva, en 1228, en Palestine à la tête d'un petit nombre de chevaliers. Tous les chrétiens d'Orient, par soumission à l'autorité papale, évitèrent sa présence; les musulmans seuls lui firent un bon accueil. Malek-alKamel, séduit par la variété de ses connaissances non moins que par son extrême tolérance religieuse, le reçut en ami et se montra favorable à presque toutes ses prétentions. Il lui céda Jérusalem, à la réserve du quartier du temple et de la mosquée d'Omar, dont l'empereur s'engagea à réserver l'usage aux musulmans. Cette concession exorbitante, qui rendait illusoire la reprise de possession de la ville sainte, fut considérée par tous les chrétiens comme une impiété, et lorsque Frédéric entra triomphant à Jérusalem, aucun prélat

ne voulut le couronner; il fut obligé de s'introduire de nuit dans l'église du Saint-Sépulcre et d'y poser lui-même la couronne royale sur sa tête. Il resta quelque temps encore en Orient, se vengea du mépris des chrétiens de Syrie par des violences, puis revint en Europe, laissant le gouvernement de la Palestine à son maréchal, Richard Felinger.

En arrivant en Italie, il trouva ses États de la Pouille envahis par Jean de Brienne, son beaupère, qui voulait se venger d'avoir été dépossédé du titre de roi de Jérusalem, et s'était mis à la tête de l'armée du pape. Frédéric expulsa de son territoire, sans grands efforts, ce guerrier octogénaire. Mais, excommunié de nouveau, et comprenant que, contre son attente, la croisade au lieu d'accroître son influence l'avait affaiblie, il se

Typ. de J. Best, rue St-Maur-St-G., 15.

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