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ment par des magistrats élus dans son sein. A l'approche du roi, elle lui envoya des députés et protesta de son dévouement et de sa sympathie pour le souverain français. Mais Avignon était dévouée à la cause de Raymond VII; l'esprit y était le même que dans le reste du Midi, élégant, cultivé, libéral et tant soit peu hérétique. Excité par les prélats qui l'accompagnaient, le roi reçut avec hauteur les envoyés de la petite république, et il exigea pour lui et toute son armée le libre passage par leur ville. Instruits, par l'exemple de Toulouse,

Figure de Louis VIII sur une plaque de cuivre dorée placée sur son tombeau, à Saint-Denys (1).

de Marmande et de bien d'autres villes, de la bonne foi des croisés, les consuls d'Avignon refusèrent. Le roi, plein de colère, jura qu'il entrerait, et le siége commença. Les Avignonais rappelèrent l'héroïsme des Toulousains.

On était à l'époque des plus fortes chaleurs de l'année. Les Français du nord, campés au milieu d'une plaine ravagée, mal nourris et harassés de fatigue, furent bientôt visités par de funestes ma

(') Cette plaque a été fondue en 1793.

ladies. Pendant les trois mois que dura le siége, plus de trente mille d'entre eux périrent. Avignon se rendit enfin, après une glorieuse résistance.

Les croisés n'avaient pas attendu ce moment pour se répandre dans toute la Provence; ils étaient arrivés presque sans résistance jusqu'à Carcassonne et Albi; le pays tout entier était dans la terreur. Cependant Louis VIII, après avoir traité Avignon avec clémence, parcourut pacifiquement la contrée à la tète de ses troupes. Raymond VII, trop faible pour tenir la campagne, s'était retiré avec quelques fidèles à Toulouse, où il attendait que Louis vint l'attaquer.

Louis ne vint pas. Il avait contracté devant Avignon le germe d'une fièvre pestilentielle dont il devait mourir; sentant son mal s'aggraver, il avait haté son retour en France; mais, arrive à Montpensier, en Auvergne, il ne put aller plus loin, et mourut après quelques jours de souffrance (8 novembre 4226).

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LOUIS IX (SAINT LOUIS). RÉGENCE DE BLANCHE
DE CASTILLE.

Le fils aîné de Louis VIII avait onze ans (1226). Il était aisé de prévoir qu'il ne monterait pas sur le trône sans rencontrer de vives résistances. C'était à peine si, dans ce temps, l'hérédité de la couronne de France reposait encore sur un principe incontesté; mais surtout on ne pouvait se prévaloir d'aucune règle certaine pour l'établissement de la régence pendant une minorité. La reine Blanche de Castille, voulant prévenir les luttes que méditaient déjà les grands vassaux, el craignant de voir la destinée de son fils confiée à des mains indignes, n'hésita pas à s'emparer du gouvernement. Du vivant du roi, on avait peu entendu parler d'elle, et il était au moins permis de craindre que cette femme pieuse, tendre, aimable, tout entière consacrée à l'éducation de ses fils, ne fût pas douée d'une volonté assez ferme et d'une intelligence assez élevée pour surmonter les nombreux obstacles que ne tarderait pas à lui susciter sa courageuse entreprise. Mais on ne fut pas longtemps sans reconnaître qu'elle était à la hauteur des devoirs difficiles que lui avait imposés la mort prématurée de son époux. Tout en transmettant à ses fils ses sentiments de piété austere, elle n'avait rien négligé pour faire naître et cultiver en eux les mâles vertus qui pouvaient les rendre dignes de régner. Elle contribua beaucoup, par les pures et nobles idées que son fils aîné avait été habitué à puiser dans ses entretiens, à élever le niveau de l'esprit public en France. Si Louis conserva pendant tout son règne ce rare respect pour la vie humaine et cet amour sincère de ses semblables qui lui inspirèrent tant de réformes utiles dans la législation et l'organisation politique, c'est assu rément en grande partie à la bienfaisante influence de sa mère qu'il est juste d'en faire remonter l'honneur.

Cette autorité morale de Blanche de Castille eut aussi une action considérable sur la conduite d'un seigneur puissant, Thibaud IV, comte de Champagne, qui fut plus tard roi de Navarre. C'était un

refusèrent de se rendre à la cérémonie du sacre à moins que la reine ne mît en liberté les captifs détenus dans les prisons du royaume, et surtout les comtes de Flandre et de Boulogne. Blanche, craignant de pousser à bout les mécontents par un refus formel, éluda leur demande en avançant l'époque de la cérémonie. Elle se rappelait sans doute la conduite de Philippe-Auguste en pareille circonstance, et d'ailleurs elle était entourée d'un assez grand nombre de vassaux fidèles pour donner au sacre de son fils un éclat suffisant. Toutefois, peu de temps après, pour satisfaire, au moins en partie, aux demandes des barons, elle fit sortir Ferrand, comte de Flandre, de la tour du Louvre, où il était

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Fonts où fut baptisé Louis IX, conservés dans l'église paroissiale de Poissi (1).

homme d'un esprit éminent, ami des poëtes et poëte lui-même. Ses chansons amoureuses, dont plusieurs passent pour avoir été adressées à la reine Blanche, ne manquent ni de charme ni de grâce. Il fut un des premiers barons du Nord qui essayèrent d'imiter les fêtes chevaleresques et littéraires de la Provence, et sa cour égala en magnificence ainsi qu'en lumières celle du roi de France lui-même.

On se rappelle que Thibaud, à la suite d'une querelle avec Louis VIII sous les murs d'Avignon, l'avait brusquement quitté, entraînant avec lui plusieurs des principaux vassaux du roi. Par une ligue formée entre eux, les grands firent acte de rébellion dès le commencement de la régence: ils

(") La chapelle où se trouvent ces fonts est consacrée à saint Louis. On lisait sur un vitrail de cette chapelle les quatre lignes suivantes, œuvre du seizième siècle :

Saint Louis fut enfant né de Poissi
Et baptisé en la présente église.
Les fonts en sont gardés encore ici,
Et conservés comme relique exquise.

I.

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Sacre de Louis IX. - D'après un vitrail de la chapelle de la Vierge, à Saint-Louis de Poissi. (Quatorzième siècle.)

grader et à l'attacher à sa cause. Cette défection fut suivie de plusieurs autres: Pierre Mauclerc, duc

de Bretagne, qui avait été d'abord l'un des plus ardents d'entre les révoltés, consentit un des pre

miers à se laisser réconcilier avec la régente. L'indécision, la discorde, divisèrent ceux qui résistaient encore; bientôt la ligue se trouva dissoute, et tous les barons, les uns après les autres, se rendirent à Paris pour prêter au roi le serment d'allégeance. Ce n'était toutefois qu'une trêve: on n'avait cédé qu'à la force des circonstances. Le nouveau comte de Boulogne, Philippe Hurepel, fils de PhilippeAuguste et d'Agnès de Méranie, avait toujours annoncé des prétentions à la régence. Il eut peu de peine à ranimer le mécontentement des vassaux et

à leur persuader de favoriser ses projets. Il ne s'agissait de rien moins que de profiter de la présence momentanée du roi, et de sa mère à Orléans pour enlever le jeune prince. Ce coup de main eût dépossédé Blanche de Castille du gouvernement du royaume pendant la minorité du roi, et la France eût été ramenée brusquement au régime tumultueux de la féodalité. Avertie à temps, la reine se tira de ce péril, grâce à la fidélité de Thibaud de Champagne et des bourgeois de Paris, qui, au premier cri d'alarme, couvrirent de leurs milices

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dévouées la route de Paris à Orléans jusqu'à la tour de Montlhéri (4227).

Pierre Mauclerc, rendu à son attitude hostile, tenta vainement de détacher Thibaud du parti de la régente. Il ne fit qu'attirer la guerre sur ses possessions. A l'appel de la reine contre lui, aucun des chevaliers qu'il considérait comme ses alliés n'osa refuser à la couronne le service féodal. Mais on était au milieu de l'hiver; cette circonstance et le zèle d'ailleurs peu sincère des barons ne permirent pas à Blanche d'arriver à des résultats décisifs pendant cette campagne, qui ne dura que quarante jours. Elle ne pouvait, en effet, exiger des vassaux du roi, assez mal disposés en sa faveur, au delà du (") Une copie de ce tableau, faite au dix-septième siècle, est conservée au Musée de Versailles (no 2932).

temps de service fixé par la coutume féodale; c'était même déjà un grand progrès dans l'influence du pouvoir royal d'avoir réussi à obtenir leur concours contre Pierre Mauclerc. Aussi le mécontentement des barons chercha bientôt une autre satisfaction. Réunis sur les frontières de la Bretagne, et tous enflammés des mêmes sentiments d'animosité et des mêmes désirs de vengeance à l'égard de Thibaud, ils se donnèrent rendez-vous sur les terres du comte de Champagne; puis, dissimulant leur inimitié sous des dehors de générosité et d'attachement au roi, ils déclarèrent qu'ils n'attaquaient en lui que le meurtrier de Louis VIII et le favori de la reine mère. Il fallut l'intervention armée des troupes royales pour arrêter leurs ravages dans la malheureuse Champagne.

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Pierre de Dreux, dit Mauclerc, duc de Bretagne. - D'après un vitrail de l'église Notre-Dame de Chartres. (Gaignières.)

battirent complétement Thibaud, que l'intervention royale fut cette fois impuissante à sauvegarder. Il lui fallut demander la paix à ses ennemis, et promettre d'accomplir le pèlerinage de la terre sainte avec cent de ses chevaliers.

Ces guerres intestines pouvaient encourager Henri III à tenter la conquête de la Normandie. Mais ce jeune prince, comme son père jadis, dissipa ses trésors en fêtes, en festins, et se rembarqua sans avoir fait rien pour le duc de Bretagne. Celui-ci, dont les talents et l'esprit d'entreprise méritaient mieux qu'un pareil allié, n'en continua pas moins de guerroyer sur les frontières de ses États jusqu'à l'arrivée d'une nouvelle armée française. Son activité, son expérience de la guerre, lui assurèrent l'avantage sur les troupes royales

dans plusieurs rencontres, et la reine, désespérant de pouvoir jamais faire exécuter la sentence de la cour des pairs, finit par conclure avec Pierre Mauclerc, en 1234, une trève de trois ans qui termina les hostilités. Les seigneurs rebelles du Poitou et de l'Angoumois furent compris dans cette trève et obligés d'attendre des circonstances plus favorables pour l'exécution de leurs projets contre la royauté.

Cependant le Midi avait été le théâtre de nouveaux troubles. Raymond VII, après la mort de Louis VIII en Auvergne, avait repris la campagne et attaqué Humbert de Beaujeu, lieutenant du roi en Languedoc. Il avait eu l'avantage dans plusieurs combats, et ses progrès étaient tels qu'en 1249 il avait recouvré la plus grande partie de l'Agénois et pris Castel-Sarrasin. Il n'alla pas plus loin; les

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