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L'église romane a la forme d'une croix latine; ses petites branches, ou transepts (traverses), s'étendent, l'une au nord, l'autre au midi; le pied de la croix, où se trouve le vaste emplacement destiné à l'assemblée des fidèles sous le nom de nef (vaisseau), est tourné à l'occident et ouvert par l'entrée principale de l'édifice; la tète de la croix, partie de l'église où le clergé officie et où le chœur exécute les chants sacrés, regarde vers l'orient. Ces dispositions de forme générale et d'orientation dans la construction des églises chrétiennes ont été observées, et pour ainsi dire sacramentelles, durant tout le cours du moyen âge. Le choeur, toujours plus court que la nef, ne prenait d'ordinaire que le tiers de la longueur totale, et se terminait par un mur circulaire. Cette dernière partie de l'édifice était appelée abside (voûte).

On construisit aussi quelques églises entièrement rondes: c'était une imitation de l'église du Saint-Sépulcre de Jérusalem. Il existe encore de ces églises rondes à Metz, à Neuvi-Saint-Sépulcre (Indre), à Rieux (Aude), à Lanleff (Côtes-du-Nord), à Saint-Michel-d'Entragues près Angoulême. On avait à Paris, dès le neuvième siècle, Saint-Germain le Rond, qui depuis est devenu Saint-Germain l'Auxerrois.

Les églises prenant de vastes proportions, des colotines s'éleverent de chaque côté de la nef, et la divisérent en trois sections parallèles; la plus vaste, celle du milieu, conserva le nom de nef; les deux autres s'appelerent les bas côtés. Ces bas côtés se prolongèrent circulairement autour du chœur, et là se garnirent de chapelles accessoires (quelquefois trois, quelquefois cinq), rayonnant autour du sanctuaire principal et ornant la tête de la croix d'une agglomération de trois ou cinq absides. A l'extérieur, l'église romane est peu chargée d'ornements; ses murs sont renforcés, de distance en distance, par des piliers carrés d'une faible saillie; ils sont décorés parfois d'arcatures, c'est-à-dire d'une suite d'arcades plates qui sont simplement figurées sur la muraille, et s'y développent sans être percées à jour. Tout autour de l'édifice règne, au-dessous du toit, une corniche soutenue par de petites consoles appelées aussi modillons ou corbeaux, qui figurent le plus souvent des têtes d'hommes grotesques ou menaçantes, des tètes d'animaux, des monstres, des griffons, ou bien des volutes, des culs-de-lampe de tout genre, quelquefois des obscénités; un hardi clocher, posé au centre de l'édifice ou sur l'un de ses flancs, s'élève dans les airs, coiffé d'un toit aigu bâti en pierre jusqu'à sa pointe. La façade, ornée d'un fronton triangulaire, est la partie la plus décorée de l'édifice. On peut en juger par les églises de Saint-Trophime d'Arles et de Notre-Dame de Poitiers, qui l'une et l'autre sont des églises romanes du commencement du douzième siècle, les plus splendides que l'on puisse admirer.

Les églises romanes ont leur principale entrée, ou porche, surmontée d'archivoltes formant un

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comme l'indice d'un usage très-répandu au moyen àge, celui de dresser les actes publics et de rendre la justice en plein air. La figure du lion avait, en effet, le privilége de symboliser les attributs de la justice; et quand on lit dans les documents que tel acte public s'est passé « entre les lions » (inter leones), cela signifie sous le porche de l'église. Le voisinage tutélaire des autels donnait aussi plus d'autorité aux tribunaux qui s'établissaient à leur porte, et était comme indispensable dans un temps où la cérémonie du serment s'invoquait constamment dans la procédure tant civile que criminelle. Aussi, dans un très-grand nombre d'églises romanes, les porches sont-ils précédés par un vestibule couvert d'une toiture sous laquelle on était à l'abri. Il y en a un exemple remarquable à la fa

çade de Notre-Dame des Doms d'Avignon, cette curieuse église romane construite probablement au onzième siècle, mais pleine de réminiscences antiques.

La statuaire des églises romanes offre deux genres bien distincts. Les figures du premier genre sont régulières, assez belles, finies surtout avec un soin extrême, mais roides, maigres, d'une longueur exagérée, et couvertes de longs et riches vêtements aux plis symétriques et parallèles, qui semblent emmaillotter les corps plutôt que les couvrir. Tel est le goût des sculptures de Saint-Trophime d'Arles, et nous avons donné plus haut l'un des plus gracieux produits qu'il nous ait laissés, la statue de sainte Plectrude (4). C'est là le style byzantin. La mode s'en est répandue en France, surtout dans

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Détail d'une galerie du cloître de Saint-Trophime, à Arles, construite au treizième siècle.

le Midi, vers le onzième siècle, soit par l'influence des artistes grecs venus d'Orient, soit par les idées que les Franks avaient été puiser à Constantinople, soit principalement par la seule conséquence de ce que les croisés avaient rapporté et mis en circulation, dans les pays occidentaux, une multitude d'amulettes, de reliquaires, et de saintes images peintes ou gravées en Orient. Le goût, non-sculement des Grecs, mais des musulmans, eut une telle vogue en France, après les croisades, que sur la façade des églises et sur des vêtements sacerdotaux, on traçait des arabesques si servilement imitées de celles de l'Orient, que les savants d'aujourd'hui peuvent reconnaître et lire dans leurs linéaments des sentences arabes. Une inscription de ce genre, datant des années 1050 à 4073, se voit sur une des portes de l'église du Pui. - L'autre genre de la statuaire des onzième et douzième siècles est, tout à l'opposé, court, rond, informe, s'attachant, avec un juste instinct de sa faiblesse

() Voy. p. 157; voy. aussi p. 135, 142, 152.

et sous prétexte d'inspirer aux fideles l'horreur du péché, à représenter ces têtes horribles ou grotesques dont nous parlions tout à l'heure, et tous les personnages de l'enfer. Ces œuvres-là étaient le produit du sol. Saint Bernard, guidé par son esprit sévère, tonnait contre elles (en 4125): « Dans des cloitres, s'écriait-il, devant des frères occupés à lire, à quoi servent ces monstruosités ridicules, ces admirables difformités? Que font ici ces singes immondes, ces lions farouches, ces centaures, ces moitiés d'hommes, ces tigres tachetés, ces soldats combattant, ces chasseurs sonnant du cor? Vous pouvez voir plusieurs corps réunis sous une seule tête, ou plusieurs têtes sur un seul corps; un quadrupède à queue de serpent à côté d'un poisson à tête de quadrupede; un monstre cheval par devant et chèvre par derrière; un animal à cornes traînant la croupe d'un cheval; enfin, de toutes parts, une variété de formes si étonnante, qu'il est plus at trayant de lire les marbres que les livres. >>

Précisément, cette variété si féconde, bien que si grossière, était l'indice d'une puissance d'ima

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Onzième et douzième siècles. - Chapiteau de l'abbaye de Saint-Benoît-sur-Loire, près d'Orléans.

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Chapiteaux de l'Église Notre-Dame du Port, à Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme).

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