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Plan de Jérusalem. - D'après un manuscrit du douzième siècle conservé à la Bibliothèque royale de Bruxelles.

grande bataille, aussi heureuse que les premières, eut encore lieu à Dorylée, en Phrygie, puis il fallut franchir le Taurus; enfin l'on arriva devant la grande cité d'Antioche (48 octob.). Mais les croisés, qui laissaient, il est vrai, des garnisons sur leur passage, étaient déjà diminués de plus de moitié;

ils n'étaient plus que trois cent mille. Le siége d'Antioche dura sept mois et leur coûta des souffrances inouïes; puis, la ville prise, ils se dédommagèrent de leurs longues privations par six mois d'excès, et après les ravages de la guerre et dé la famine, la peste fondit sur eux. Soixante mille per

sonnes, parmi lesquelles il y avait plusieurs milliers de femmes ou de pèlerins hors d'état de porter les armes, furent tout ce qui resta pour marcher d'Antioche à Jérusalem.

Leur enthousiasme, au lieu de diminuer cependant, grandissait à mesure qu'on approchait de la cité sainte, et lorsqu'elle se dessina pour la première fois à leurs yeux, l'armée entière se jeta à genoux et baisa la terre en pleurant. Cette terre qu'ils avaient rêvée pleine des merveilles du paradis n'était qu'un sol jaune, sans arbres et sans eau, nageant dans une atmosphère embrasée; on était au milieu des chaleurs de juin, et ces combattants héroïques marchaient depuis trois ans ; mais le siége n'en fut pas moins commencé sur-lechamp, et Jérusalem fut emportée d'assaut, aux

cris de Dieu le veut le 45 juillet 1099. Cette victoire fut souillée par l'abominable cruauté des croisés, qui marchérent dans les rues de Jérusalem ayant du sang jusqu'aux genoux, et qui continuèrent froidement le massacre huit jours durant après la prise de la ville. Hommes, femmes et enfants, tout ce qu'elle contenait de musulmans, au nombre de soixante-dix mille créatures, fut égorgé sans pitié. Le mois suivant, un dernier triomphe, la défaite d'une innombrable armée de secours envoyée par le sultan d'Égypte, rendit définitive la conquête de la Palestine.

La croisade se termina par ce que les vainqueurs appelèrent le rétablissement du royaume d'lsracl». La Palestine et ses habitants, de religion maliométane ou juive, fut érigée en un royaume à

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l'européenne, c'est-à-dire partagée en comtés, marquisats, baronies et fiefs, dont Godefroid de Bouillon distribua les titres entre ses compagnons, après avoir été lui-même élu par eux roi de Jérusalem. La féodalité occidentale, avec le cortège de toutes ses institutions politiques, judiciaires et civiles, avec les mœurs et la langue franques, s'implantèrent pour un temps sur un coin du sol asiatique.

Ce royaume français de Jérusalem n'eut pas une longue existence, et les infidèles le reprirent; mais les résultats de cette première croisade, que d'autres suivirent bientôt, furent immenses. L'expansion menaçante de l'islamisme était amortie; l'empire grec sauvé pour près de quatre siècles encore; l'Europe, au lieu de trembler chez elle, portait la civilisation de l'évangile au sein de l'Orient; l'Église romaine avait démontré la grandeur du pouvoir que de sa seule voix elle pouvait armer; la féodalité s'était arrachée elle-mème à son isolement égoïste; la croix avait rapproché dans de communs efforts et de communes souffrances le seigneur et

le serf; traversant le flot de tant de populations étrangères, les Français du nord et ceux du midi, étonnés de leurs longues inimitiés, avaient commencé d'entrevoir leur fraternité nationale; enfin, mis en contact avec tant de choses, de mœurs et d'idées nouvelles, l'homme de l'Occident sentit l'horizon de sa pensée s'étendre comme celui de ses regards. D'autres conséquences, plus matérielles, surgirent peu à peu : la féodalité reçut des croisades un premier affaiblissement; les possesseurs de fiefs s'appauvrirent et leur nombre diminua; ils vendirent leurs châteaux et leurs terres pour subvenir aux dépenses d'expéditions si coûteuses; ils vendirent aussi la liberté les serfs commencèrent à respirer, et les bourgeois à réflé chir. Les relations entre l'Orient et l'Occident devinrent permanentes; le commerce prit un essor auparavant inconnu, l'industrie se développa dans la même mesure, et tous deux s'organisèrent en corporations de métiers; la richesse immobilière et la puissance du crédit commencèrent à grandir à côté de la richesse territoriale; enfin, la haine

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Lorsque les relations féodales furent établies, le possesseur de fief envoyait ses fils auprès de son suzerain pour y apprendre, avec les autres adolescents dépendant de la même seigneurie, le métier des armes et le service domestique du château. L'ambition de chacun de ces jeunes gens était de suivre l'exemple de son père, et de devenir à son tour un cavalier armé en guerre (caballarius), l'homme du seigneur, le compagnon de ses entreprises militaires, son tenancier direct pour quelque fief. Le nom de chevalier, ou cavalier, se trouve déjà employé dans un des capitulaires de Charlemagne (807), où l'empereur ordonne « que ses vassaux pourvus de bénéfices, et généralement tous les caballarii, viennent à l'assemblée nationale ». Ce mot de la langue rustique resta dans le français;

mais, pour le latin, ce furent les mots miles, soldat, militare, servir en qualité de soldat, qui furent l'équivalent constant, durant tout le moyen âge, du titre et de l'office de chevalier. La chevalerie est donc proprement, de nom comme de fait, la milice d'élite de la France, l'armée du château féodal.

De cette milice, la religion et la poésie, les prètres et les femmes, réussirent à faire une institution sublime. Grâce aux incessantes remontrances du clergé, souvent grâce à son courage et à son exemple, grâce aussi à son pouvoir matériel et à l'appui que les rois lui donnaient, un certain idéal de moralité planait au-dessus de cette société sanguinaire et vicieuse du moyen âge; il y avait peu de vertus chez les hommes grossiers qui la

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Comment on armait un chevalier. - Manuscrit français de Lancelot du Lac (1).

composaient, mais ils avaient l'idée de types plus purs. Les Vies des saints, par exemple, furent certainement une source abondante de moralisation. Il n'y avait pas de chevalerie au quatrième ni au huitième siècle, mais la vie d'abnégation d'un saint Martin ou de tel de ces prédicateurs intrépides qui précédaient, en Germanie, les armées de Charlemagne, étaient des modèles de vie guerrière et chrétienne tout ensemble. Parfois l'homme féodal s'enflammait du désir d'en approcher. Sa femme contribua pour beaucoup à ce développement sa

(') Ce beau manuscrit est conservé à la grande Bibliothèque de Paris, sous le no 6964; le texte est français, mais les miniatures paraissent être l'oeuvre d'un artiste italien du treizième siècle.

lutaire. Dans sa demeure isolée, le triste et sombre château, seule elle était son égale; et, par les loisirs que leur laissait la guerre comme par les temps de péril où ils s'enfermaient derrière leurs murailles, tous deux étaient forcément liés aux devoirs de la vie domestique. L'homme allaitil au loin, la châtelaine restait au logis; elle représentait son époux absent; elle veillait, assistée des vassaux à ses ordres, sur l'honneur et les biens de la famille. L'énergie du lien féodal fut telle que, malgré la vieille coutume nationale, les filles du seigneur héritèrent du fief, à défaut de fils, et très-souvent il arrivait que l'omnipotence seigneuriale se trouvât en des mains féminines. Une femme pouvait, de son chef, recevoir

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Ce n'était pas même assez de ce règne terrestre pour satisfaire le sentiment qu'elles inspiraient; la femme fut divinisée dans le culte passionné qu'on rendit à la vierge Marie.

Des qu'elle eut animé de quelque chaleur la monotone et froide vie du château féodal, cette douce influence rayonna au dehors. Devenu l'une des grandes lois de la chevalerie, le respect des dames conduisit aux raffinements, à la poésie galante, aux tournois, aux cours d'amour, à la chevalerie errante, à ce singulier mélange d'amour pour les femmes confondu dans l'amour pour la gloire, d'où sortit le caractère original, généreux et tout français, dont l'éclat se peint dans notre mot chevaleresque.

Les chevaliers errants, ou redresseurs de torts, consacrant leur vie à la protection des faibles et à quelque chaste amour, furent des personnages parfaitement historiques, bien qu'ils aient plus souvent défrayé les romans que la réalité. Les cours d'amour, délicate invention de la France méridionale, étaient des sortes d'académies composées surtout de dames, et dans lesquelles on s'assemblait pour juger des compositions poétiques, pour décerner des prix aux plus habiles dans les jeux d'amor, ainsi qu'on nommait ces combats littéraires; puis aussi pour juger des questions de morale chevaleresque et prononcer, sur des accidents de casuistique amoureuse, de véritables arrêts dont on a conservé quelques-uns. La duchesse Éléonore de

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