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raconte la prise de Rome par les Sénons: « Ainsi que leurs habits, leur chevelure est d'or; on voit briller leurs petites saies rayées; l'or enchasse leurs cous blancs comme lait; chacun d'entre eux fait étinceler dans sa main deux javelots des Alpes, et de longs boucliers protégent tout leur corps. >> (Enéide, VIII, 659.)

Les pauvres n'étaient guère moins curieux de toilette que les riches, seulement ils ornaient leur personne avec des matières moins précieuses. Ainsi, l'un des ornements qu'on rencontre le plus fréquemment parmi les débris de l'époque celtique

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Bracelets celtiques en cuivre. D'après Ackerman.

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est le bracelet de cuivre ou de bronze, formé d'une seule pièce de métal coulé qui se passait dans le bras, soit au poignet, soit au-dessus du coude. Les uns forment une suite de globules arrondis; d'autres sont lisses, mais décorés de stries et de lignes artistement croisées; il y en a qui sont en verre de couleur; il y en a aussi qui sont de jais ou de simple bois (4). Dans un tombeau celtique de la Suisse, on a trouvé, entre autres bijoux, un bracelet d'or ayant la forme d'un serpent, qui faisait dix tours en spirale autour de l'avant-bras d'un squelette; l'os était encore enchâssé dans ce bijou (2),

une ceinture de fer autour du corps (4); c'était à leurs yeux une preuve de richesse, en même temps qu'une décoration. Dans les Gaules, on a déterré, depuis une douzaine d'années, plusieurs ceinturons de ce genre, mais d'or pur; leur luxe étonne encore ceux qui les voient aujourd'hui. Nous en connaissons trois : l'un, pesant 350 grammes, a été trouvé en 1844, à Flamanville, près de Cherbourg; l'autre, à Saint-Leu d'Esserens, près de Creil; le troisième, à Cesson, près de Rennes. Celui de SaintLeu, conservé actuellement au cabinet des médailles de la grande Bibliothèque de Paris, me: sure un mètre de longueur; celui de Cesson a 4m,30, et pèse 388 grammes: il est au Musée de Cluny. Lorsque Auguste organisa l'administration de la Gaule, les habitants du pays lui envoyèrent en présent une de ces ceintures, mais qui pesait cent livres d'or (Quintilien): celle-ci devait être magnifiquement travaillée. Il y en avait qui faisaient deux fois le tour du corps; on connaît une statuette où un Gaulois porte des braies à pied, retenues sur ses hanches par une ceinture métallique formant un serpent qui se mord la queue. Mais généralement cette ceinture avait la forme d'une simple torsade de chanvre: aussi les Romains l'appelaient-ils torques; son nom gaulois était cartamera. (J. Lydus, d'après Varron.)

Le même nom de torques s'appliquait aussi avec nog moins de justesse à un ornement qui, plus encore que la ceinture peut-être, était un signe caractéristique du guerrier gaulois; nous voulons parler du collier. Sur les monnaies et dans les statues antiques, le collier d'or, serré juste à la base du cou, suffit pour indiquer à l'antiquaire la représentation d'un Gaulois (2). Les écrivains romains ne négligent pas les occasions de raconter avec emphase les circonstances mémorables où quelqu'un de leurs généraux avait conquis un torques, c'est-àdire tué un chef gaalois et pris son collier pour trophée. Leur grand historien, Tite-Live, enregistre ordinairement avec soin, en faisant le récit des victoires de la république, le nombre de colliers et de bracelets d'or qu'elle avait gagnés dans chaque affaire; c'était probablement une manière d'indiquer le chiffre des officiers que l'armée ennemie avait perdus.

Les premières armes dont se servirent les Gau

plus somptueux que commode. Le haut de la poi-lois, celles qu'on retrouve encore souvent sur notre

trine se couvrait d'espèces de hausse-col, de plaques de métal ciselées, guillochées, émaillées. Une ceinture de métal serrait les reins et retenait les braies: aussi, comme les braies elles-mêmes, ce lien massif autour du corps était-il un ornement national; et les Romains avaient remarqué chez les Gaëls de la Grande-Bretagne, bien plus a:iérés que ceux du continent, qu'ils allaient tout nus et tatoués, ne connaissant pas l'usage des vêtements, mais qu'ils portaient un bandeau de fer sur la tète et () Voir le Musée de Besançon, et celui de M. Troyon, à Lausanne.

(*) Troyon, Soc. des antiq. de Zurich, 1841.

sol, enfouies dans la terre, et dont ils continuèrent à se servir longtemps encore après que le progrès eût mené à des procédés moins simples, furent des armes de pierre, un épieu durci au feu, une fronde, une massue, un caillou qu'on aiguisait en pointe et qu'on adaptait à l'extrémité d'un bâton, un simple coquillage qu'on ajustait de même; tels étaient les moyens primitifs d'attaque et de défense. La hache de pierre qu'on rencontre si fréquemment dans les débris celtiques, et qui en est pour ainsi dire l'in(') Hérodien, à propos de l'expédition d'Alexandre Sévère, en 211, liv. III.

(*) Voy. un Gaulois avec torques, p. 3.

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morceau de silex servant de marteau, on taillait d'abord de larges cassures; la forme générale une fois obtenue, on rabattait à petits coups les arêtes saillantes des cassures, jusqu'à qu'on eût véritablement une hache, mais à surface entièrement occupée par de petites esquilles. Alors commençait le polissage, en promenant la hache dans le sens de sa longueur sur une pierre dure, d'abord sur une face, puis sur une autre. On conserve dans la Bibliothèque de Dieppe cette suite d'échantillons gradués.

R.SC.

Trophée et captifs gaulois de l'arc d'Orange (face orientale).

Le cuivre et le bronze succédèrent, mais lentement, à la pierre; les pointes et les haches de pierre et de bronze se trouvent réunies dans les tombes celtiques et dans les sépultures barbares. L'épée gauloise, épée de cuivre ou de fer mal trempé, était longue, droite et terminée par une pointe conique. Cette arme fut souvent la cause de l'infériorité de ceux qui la portaient, dans leurs combats avec les Romains. Lors d'une grande bataille où les Gaulois combattirent en lions, à Télamone (an 225 av. J.-C.), lorsqu'ils avaient asséné quelques coups sur les armures ennemies, leurs épées mal trempées se ployaient, et tandis qu'ils se baissaient pour les redresser avec le pied, l'ennemi les égorgeait sans péril. Ils apprirent ainsi à porter des glaives plus courts et plus épais; mais, n'extrayant en abondance que le cuivre et point le

fer, ils conservèrent une arme inférieure à leur courage. Cette épée, attachée à une chaîne de métal, pendait au côté droit du guerrier. A son fourreau était accolée une courte gaîne, dans laquelle se plaçait un couteau droit ou un poignard servant également à table ou dans le combat.

Ils savaient aussi manier la lance; mais l'épieu était leur arme favorite. Ils l'appelaient gais, et les montagnards des Alpes qui venaient quelquefois inonder le nord de l'Italie, cette arme redoutable à la main, étaient bien connus des Romains sous le nom général de Gésates. Le gais pouvait se lancer de loin; on le lançait aussi tout enflammé : c'était alors la gatéie. César, en remarquant le sentiment militaire des Nerviens (Belges, vers Namur et Tongres), qui imitaient avec une merveilleuse promptitude les dispositions stratégiques des Romains et jusqu'à leurs machines de guerre, rapporte qu'ils incendièrent le camp d'une légion qui les assiégeait, en lançant de petits boulets d'argile rougis au feu et des flèches enflammées.

Il semble que le soldat gaulois n'ait, en général, porté pour coiffure que sa longue chevelure rutilante, ces cheveux terribles, dit un auteur grec, dont la couleur approchait de celle du sang, et qui semblaient annoncer et porter la guerre avec eux. >> (Clément d'Alexandrie.) Cependant, sur un basrelief gallo-romain trouvé au dernier siècle dans les fondations de la cathédrale de Paris, et qui n'est postérieur que de quelques années au règne de l'empereur Auguste, on voit des soldats gaulois coiffés d'une sorte de bonnet d'étoffe à rebords (4). Les chefs se couvraient de diverses façops, dont la plus usuelle parmi eux était de poser sur leurs têtes des dépouilles d'animaux sauvages, par exemple une tête de renard ou de loup. Puis ils firent un mélange bizarre de leur mode avec le casque romain, qu'ils adoptèrent en y soudant sur le sommet des cornes naturelles d'élan, de buffle ou de cerf, des ailes d'oiseaux, des panaches. Ces ornements donnaient à l'homme un aspect étrange et gigantesque. Les riches se paraient des mêmes objets coulés en métal. Quant au bouclier gaulois, il fut d'abord fait d'une claie d'osier recouverte de cuir ou de planchettes de bois jointes ensemble. Peu à peu il prit une forme longue, élégante, et devint, d'ordinaire, ovale ou hexagone; on le peignit de dessins variés; on y cloua, au centre, une tête d'animal, un fleuron, une figure quelconque en métal, qui faisait saillie, et que les Latins appelaient umbo. Un poëte romain, Silius Italicus, rapporte que cet umbo, habilement ciselé, représentait quelquefois Brennus posant son épée dans la balance. Ce bouclier, de grandeur à couvrir l'homme presque entier, était la seule arme défensive adoptée dans les beaux temps de la Gaule indépendante.

Le Gaulois méprisait les armes défensives. Nul autre peuple, on l'a vu plus haut, ne portait aussi loin la bravoure aveugle. Les Italiens, ni les Grecs,

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() Voy. ce bas-relief, p. 59 et 60.

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Trophée sur la face septentrionale de l'arc de triomphe d'Orange. D'après Caristie.

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avec les ambassadeurs de Rome, leur chef, le brenn, qui parlait avec une certaine gaieté militaire (Plutarque, Camille), dit tout à coup aux Romains : « Laissez-nous vider notre querelle avec les gens de Clusium, soyez spectateurs; nous combattrons sous vos yeux, et, rentrés dans vos foyers, vous pourrez dire combien les Gaulois l'emportent en valeur sur le reste des mortels. » (Tite-Live, V, 36.) Mais après avoir été battus d'abord, puis longtemps épouvantès, les Romains gagnèrent une supériorité définitive. En vain les Celtes, instruits par leurs revers, cherchèrent à perfectionner leur armement, renoncerent, un siècle ou deux avant la conquête, à la folie de combattre nus, et se fabriquerent mème des cuirasses : la tactique savante des Romains et leurs armées de soldats opposées à des armées de miliciens leur assurèrent des victoires définitives.

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cueillis, furent la première cause de sa perte. Nous avons dit un mot des colonies phéniciennes qui s'étaient établies dans le sud de la Gaule; il en vint aussi de Rhodes et de Carthage; mais la plus célèbre fut une colonie de Phocée, ville grecque de l'Asie Mineure. Un marchand phocéen, nommé par la tradition gauloise le bon étranger (Euxéne), voyageait à la découverte; il jeta l'ancre près du Rhône, à l'est de ce fleuve, sur le territoire de la tribu celtique des Ségobriges, établie au milieu des races ligures et salyennes de la côte. Le chef ou roi des Ségobriges, nommé Nann, faisait en ce moment les apprêts d'une fête pour le mariage de sa fille. Il accueillit avec amitié les étrangers, et les fit asseoir à son festin. La jeune fille, nommée Gyptis ou, selon d'autres, Petta, ne parut qu'à la fin du repas, portant à la main une coupe remplie de quelque boisson qu'elle devait offrir à celui qu'elle choisissait pour époux parmi les prétendants galls et salyens assis autour de son père. Telle était la coutume du pays pour la célébration des noces. Gyptis, soit par hasard, soit par quelque pensée secrète, s'arrêta en face d'Euxene et lui tendit la coupe. Ce choix imprévu frappa l'assemblée de surprise; le chef Nann, croyant y reconnaître une inspiration divine, accepta le Phocċen

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pour gendre, et lui concéda pour dot le golfe où il avait pris terre. (Aristote; Athénée; Justin; Diodore de Sicile.) C'était vers l'an 600 avant notre ère. Les Phocéens s'établirent au bord de la mer, renvoverent le vaisseau d'Euxène chercher aide et renfort dans la mère patrie, et bientôt s'éleva, non loin des bouches du Rhône, une ville que ses fondateurs appelerent Massalia (Marseille). Les Ségobriges lui concédèrent quelques terrains fertiles; elle éleva quelques forts sur la côte, et acquit, en peu d'années, une prospérité qui alarma ses voisins. Son protecteur, le roi Nann, étant mort, Ségobriges et Ligures se réunirent contre les Grecs, qu'ils allaient anéantir, lorsque parurent, sur les bords du Rhône et de la Durance, les bandes formidables de Bellovėse qui passaient en Italie (vers 587 av. J.-C.). Massalie implora l'assistance des Gaëls du centre et du nord, qui, touchés du sort de ce petit peuple venu pour tenter la fortune loin de sa patrie, comme eux-mêmes allaient le faire, délivrèrent les Massaliotes. Dès lors Massalie ne cessa de prospérer et de s'enrichir. Elle fonda ou releva nombre de villes maritimes sur le littoral de la Gaule, étendant ainsi ses deux bras, d'un côté jusqu'à Antibes, Nice et Monaco, de l'autre jusqu'à Empurias et Denia, en

Espague. Elle était en relations commerciales avec Carthage (1), et se mesura avec elle les armes à la main, puis aida les Romains à détruire entièrement cette grande rivale. Alliée de Rome et partageant le fruit de ses victoires, elle était devenue, après la soumission de la Grèce, la seconde ville de la Méditerranée. Alexandrie seule conservait encore une importance supérieure. En même temps que ses richesses, on vantait ses institutions calquées sur celles de la Grèce héroïque, ses mœurs sévères et ses écoles de science et de littérature.

Mais la puissance massaliote, sortie de ses ports et de ses vaisseaux, n'avait point de territoire; elle manquait de base, et elle eut l'ambition de ne point rester un marché de commerce et de devenir un État. Les Celto-Ligures, qui l'entouraient, opposaient courageusement à ses prétentions une barrière infranchissable, et loin de les contraindre à

(1) En 1816, on trouva dans les démolitions d'une maison de Marseille une pierre sur laquelle était gravé un règlement ou tarif de sacrifices pour un temple possédé dans cette ville par une population phénicienne. Un savant y a vu un monument phénicien antérieur à l'arrivée des Phocéeus; d'autres le regardent comme étant seulement du sixième, ou même du quatrième siècle av. J.-C.

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