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pereur Antonin; Louis le Pieux, avec une tète de Commode; Charlemagne choisit, probablement sans le savoir, la tête de Jupiter. Charles le Chauve et Charles le Simple semblent s'ètre servis de leur propre effigie, gravée par les mains d'artistes de leur temps, reconnaissables à leur peu d'habileté, bien qu'ils cherchent à copier servilement les belles intailles des empereurs romains. Enfin arrive le temps où les emblèmes surannés de l'empire deviennent odieux en France, et l'avant-dernier représentant des idées impériales, le roi Lothaire, prend pour sceller ses actes un type complétement nouveau et que les Capétiens devaient adopter en le perfectionnant. Ainsi les Carolingiens, dans les derniers temps de leur domination, étaient tellement entraînés par le courant des idées nouvelles, qu'ils abandonnaient eux-mêmes les vieux emblèmes de l'empire. Le sceau de Lothaire est d'une extrême barbarie; mais ce prince parait avoir eu à sa cour des artistes de talent, car il existe un disque en cristal de dix centimètres de diamètre qui porte son nom (4), et sur lequel est gravée l'histoire biblique de Suzanne en quarante petites figures d'un excellent style.

Quant au type et au système des monnaies carolingiennes, ils different entièrement de ceux qu'on avait admis sous la première race. L'or, si commun dans les monnayages gaulois et mérovingien, cesse d'être employé; l'argent lui succede; les pièces s'amincissent et leur flan s'élargit; les tétes royales disparaissent ainsi que les noms des monétaires, et sont remplacés par le nom du souverain. Les seules espèces réelles alors en usage sont le denier (valant environ 3 fr. 50 c. d'aujourd'hui), et le demi-denier ou obole. Le type monétaire carolingien est fort simple: pour tout ornement il porte une croix aux quatre branches égales, légèrement bifurquées à leurs extrémités, et pour légende le nom du roi; au revers se lit le nom du lieu où la pièce est frappée. Charlemagne essaya d'améliorer la monnaie et sous le rapport de l'art, et pour le poids; c'est de lui que date l'usage d'y représenter une ville par une porte monumentale, et la religion chrétienne par la façade d'un temple. Quelquefois, par exception, Louis le Pieux orna sa monnaie d'une tête laurée tournée à droite. Charles le Chauve mit le premier sur la monnaie la formule: «Roi par la grâce de Dieu » (Gratia Dei rex), qui se perpétua jusqu'à la fin de la monarchie, et tenta de faire dominer exclusivement ses types dans tout l'empire. En 845, il publia à Piste un édit dans lequel il fixait à dix le nombre des ateliers monétaires (savoir : le palais du roi, Quen

(') Lotharius rex Francor. fieri jussit. Ce bijou, provenant de l'abbaye de Vaulsor, près Namur, est au British Museum, à Londres. Il y a aussi, au trésor d'Aixla-Chapelle, une croix d'or dans la décoration de laquelle est enchassé un très-joli sceau en cristal de roche portant pour légende Christe adjuva Lotharium regem. Peutêtre est-ce à Lothaire, fils de Louis le Pieux, qu'appartiennent ces deux derniers objets.

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tovic en Ponthieu, Rouen, Reims, Sens, Paris, Orléans, Chalon-sur-Saône, Melle et Narbone); il déterminait dans le même acte la figure et la légende que la monnaie devait uniformément porter. Songer à établir déjà l'unité de la monnaie en France était une idée prématurée, mais digne de Charles le Chauve, dont on retrouve la faible main dans les plus grands desseins conçus au nom de l'empire frank.

COMMENCEMENTS DE LA LANGUE FRANÇAISE.

La langue latine, qu'on parlait encore avec pureté, dans la Gaule, au cinquième siècle, tomba en décadence dès que les Germains furent les maîtres du pays; et bien que nous ayons vu (p. 166) leurs chefs s'initier à l'idiome de leurs sujets gallo-romains, l'invasion du tudesque et des mœurs grossières dans les rapports journaliers de la vie précipita subitement cette dissolution à laquelle tout langage humain est condamné, mais ordinairement par une transformation lente et paisible. Le grand et riche langage des Romains, ses formes délicates et savantes, avaient bien pu être adoptés par l'esprit délié des Gaulois; mais pour l'existence farouche et matérielle des Franks, comme pour l'existence misérable des populations qu'ils avaient soumises, c'était un luxe superflu et inintelligible. Un latin nouveau se forma, fait à l'image de ceux qui le parlaient, rude, irrégulier, barbare, pauvre de mots comme l'homme était pauvre d'idées, mais simple, positif, court, et tendant à formuler nettement la pensée. Là encore une partie du clergé fit cause commune avec les Franks, et proscrivit l'élégance du langage comme un attirail du paganisme. C'est une pensée souvent invoquée par Grégoire de Tours. Didier de Cahors enseignait, il est vrai, la grammaire dans son église; mais le pape Grégoire le Grand (590-604) l'en avait hautement blåmé, et se rendait à lui-même ce témoignage: « Je n'évite pas le désordre du barbarisme; je dédaigne d'observer les cas des prépositions, et je regarderais comme une indignité de plier la parole divine sous les lois du grammairien Donat. »

La plupart des documents authentiques qui nous sont restés des sixième, septième et huitième siècles sont donc écrits dans un dialecte corrompu qui n'est plus qu'à peine du latin, et dont il est nécessaire de donner ici un court exemple. Nous choisissons le texte d'une recommandation par laquelle un homme se vend comme serf avec sa famille et son bien, pour obtenir paix et protection :

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Cet acte est du septième siècle, et l'on en a de semblables par centaines, qui montrent non moins visiblement à quel degré de barbarie et d'inintelligible confusion le latin était alors descendu. Mais, dans cette corruption même, on commence à distinguer les formes analytiques de l'esprit moderne l'article se détachant du nom, le pronom se détachant du verbe, la terminaison s'effaçant et laissant le substantif invariable à tous les cas, enfin les mots marchant clairement et logiquement dans le même ordre que les pensées, au lieu de se plier à des inversions raffinées et capricieuses. Bientôt, sous l'influence d'habitudes locales et de prononciations défecteuses, les mots eux-mêmes se simplifient en se contractant; quelques formes tudesques viennent s'y mêler; le langage alors prend une physionomie toute nouvelle; ce n'est pas encore la langue française, mais ce n'est déjà plus la langue latine.

Le contraste des deux langues devient tout à fait frappant dans les textes comme celui-ci, par exemple, où l'écrivain empruntait à la langue vulgaire les expressions que le latin ne fournissait pas assez promptement à sa plume:

«De ista hora in antea ego Raimundus filius Gar>> sendis non decebrai Raimundum vice comitem >> filium Rengardis de sua vita nec de sua membra » quo ad corpus suum tenet, no l'aucirai, ni no »'l prendrai..... et tuas civitates..... non las te » tolrai ni t'en tolrai........... si o tenrai et o atendrai » ego Raimundus filius Garsendis a ti Raimundo >> filio Rengardis. » (Charte d'environ l'an 960.)

Cet idiome intermédiaire, qui forma la transition du latin au français, était appelé, par ceux qui s'en servaient, lingua romana rustica, ou plus simplement langue rustique, ou encore langue romane. Saint Mummolin, successeur de saint Éloi comme évêque de Noyon, brillait, nous dit son biographe, non- seulement dans la langue teutonique, mais aussi dans la « romane »; saint Adalhard, abbé de Corbie, s'exprimait également bien en latin, en tudesque et en « langue vulgaire ou (") « Ainsi commence la vente de l'homme qui se vend luimême. Au seigneur magnifique un tel, mon frère en JésusChrist, ainsi qu'à sa femme une telle, nous un tel, et une telle sa femme, il est constant que nous vous avons vendu et vous vendons notre état civil, avec tout ce qui est notre propriété ou ce que nous pourrions avoir, manse, terre, vignes ou quoi que ce soit que nous possédions au jour présent sur tel fonds, en tel village situé au territoire de l'église d'Angers, ou partout ailleurs. En suite de quoi nous avons reçu de vous le prix dont nous sommes convenus, c'est-à-dire la valeur en or s'élevant à tant de sols, de façon qu'à partir de ce jour, tout ce que les susdits acheteurs voudraient faire de nous-mêmes et de nos héritiers, ils ont le pouvoir de le faire, » (Formules angevines, 25. )

romane ». En 843, un concile tenu à Tours prescrivit aux évèques de ne pas se contenter de composer leurs homélies en latin, et d'avoir soin de les traduire en « langue romane rustique et en théotisque ».

On a un court vestige de ce que la langue romane pouvait être au nord de la France, sous le règne de Charlemagne, dans un passage des litanies qui se chantaient alors au diocèse de Soissons. Lorsque les cérémonies de la liturgie amenaient l'invocation que le chœur des prêtres adressait à Dieu pour faire descendre sa protection sur l'empereur, le peuple y joignait sa voix en répondant: Tu lo juva (4). Ces trois mots suffisent pour montrer combien le latin dominait encore dans ce langage, et cependant combien il était déjà déformé.

On le voit mieux encore par un précieux monument, postérieur d'un demi-siècle, et que nous a conservé l'historien Nithard (liv. m). Nous avons vu plus haut (p. 240) que Charles le Chauve et Louis le Germanique, unis pour déjouer les vues ambitieuses de leur frère Lothaire, se rencontrèrent à Strasbourg, et là jurèrent avec leurs soldats de rester fidèlement liés l'un à l'autre. Afin que chacun d'eux fût entendu par les troupes de son frère, et que l'engagement fùt ainsi plus grave, Louis, le chef des Germains, prononça son serment en langue romane, et Charles, le chef des Gaulois, dit le sien en tudesque; quant aux deux armées, chacune d'elles se servit de sa propre langue. Voici les deux textes romans (2) de ces serments célèbres, qui furent prononcés à Strasbourg en l'an 842, et qui sont les plus anciens monuments qu'on connaisse, non-seulement du français, mais aussi de ses sœurs les autres langues néo-latines (italien, espagnol, portugais).

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Dans cette forme primitive, la langue rustique du nord de la France, car c'était bien du nord de la France qu'étaient les troupes de Charles le Chauve à l'assemblée de Strasbourg, ne différait pas de la langue des Aquitains et des Provençaux; elle ne différait même probablement pas beaucoup alors de l'italien ou de l'espagnol, également à leur berceau. Un monument du siècle suivant, le dixième, peut donner une idée des progrès qu'avait faits, en cent ans, l'idiome qui tendait à devenir le français : nous voulons parler d'une cantilene en l'honneur, de sainte Eulalie, provenant d'un manuscrit qui appartenait jadis à l'abbaye de Saint-Amand (diocèse de Tournai), et dont voici les premiers vers:

Buona pulcella fut Eulalia;
Bonne pucelle fut Eulalie;

Bel avret corps, bellezour anima;
Bel corps avait, et plus belle ame;

Voldrent la veintre li Deo inimi,
Voulurent en triompher les ennemis-Dieu,

Voldrent la faire diavle servir.

Voulurent la faire diable servir.

Elle n'out eskoltet les mals conseillers. Elle n'a pas écouté les mauvais conseillers.

Le plus ancien texte que l'on connaisse de notre langue, après les deux que nous venons de citer, est celui des lois publiées en 4069, pour les Anglais, par le duc de Normandie Guillaume le Con

quérant, dans des circonstances dont nous parlerons plus loin. Ces lois débutent ainsi :

« Ces sount les leis et les custumes que le rei » Willams grentat a tut le puple de Engleterre apres » le conquest de la terre, iceles mesmes que li reis » Edward sun cosin tint devant lui. Ço est a sa» veir: I. Pais a sainte yglise. De quel forfait que » home out fait en cel tens, e il pout venir a sainte » yglise, out pais de vie et de membre. » Etc. (1)

Dès le milieu du neuvième siècle, cet idiome, qui s'était formé de lui-même par l'usage du peuple, avait tellement pris possession de la France neustrienne, qu'on n'y entendait plus la langue germanique. On ne se servait de celle-ci qu'à la cour, où elle était pour les souverains un héritage de famille et un instrument diplomatique. Loup, abbé de Ferrières (Orléanais) et ministre de Charles le Chauve, en remerciant un abbé d'Allemagne auquel il avait adressé de jeunes religieux de son monastère, pour leur faire apprendre le tudesque, ajoute que les ignorants seuls' ne connaissent point cette langue si utile. Mais les ignorants étaient nombreux. Dès le milieu du dixième siècle, c'était la France entière; et un trait caractéristique de l'histoire de Hugues Capet, dont le trisaïeul n'était qu'un soldat venu de Germanie, c'est qu'il n'entendait ni le tudesque ni le pur latin. Richer nous raconte que ce prince, ayant eu une conférence, en 984, avec l'empereur Othon, qui parlait ces deux langues, fut obligé, pour le comprendre, d'employer un interprète.

Arrivé au onzième siècle, parvenu à ce point d'être l'unique langage d'un grand peuple, de servir à fixer par écrit ses documents officiels et ses compositions littéraires, le jargon rustique ou roman n'avait plus qu'à se polir, à prendre de l'harmonie dans la bouche populaire, de la régu larité sous la plume des scribes, de l'uniformité par l'échange d'une province à l'autre, pour devenir bientôt un puissant instrument répandu et admiré dans les contrées les plus lointaines.

(1) Sur les origines de la langue française, voy. les travaux de Raynouard, Guessard, J.-J. Ampère, Génin, A. de Chevallet, et de plusieurs allemands, parmi lesquels il faut surtout citer F. Diez.

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Statue de Hugues Capet, à l'église de Saint-Denys (1).

A peine assis sur le trône, il éprouva la faiblesse inhérente à cette royauté sans cesse assaillie ou (') Euvre du treizième siècle. Rappelons qu'aucune des statues de l'église de Saint-Denys, jusqu'à celle de Philippe le Hardi, ne doit être admise comme portrait.

Monnaie de Hugues Capet.

quelques provinces on datait les actes par ces mots : « Donné sous le règne de Dieu, en attendant un roi»; ou « Donné sous le règne de Charles et de Louis ». C'étaient les fils du malheureux Charles de Lorraine qui s'étaient enfuis en Allemagne, et dont on n'a jamais su le sort. La royauté fictive de ces deux enfants était moins gênante, en effet, qu'une royauté réelle disposée à faire valoir ses droits. Cependant le duc d'Aquitaine, Guillaume Fier-à-Bras, s'étant soumis, demanda le secours de Hugues, à son tour, contre ses vassaux révoltés, à la tête desquels était un seigneur de Périgord nommé Aldebert. Après avoir pris Poitiers et Tours, Aldebert envahissait la Touraine, en se donnant les titres de comte de Poitiers et de Tours. Hugues Capet lui envoya un message menaçant : « Qui t'a fait comte?» lui fit-il dire par son héraut. « Qui t'a fait roi?» répondit l'autre.

La mort de son compétiteur et la soumission forcée de ceux qui, comme les comtes de Troyes, de Vermandois, de Flandre, et le duc d'Aquitaine, lui avaient prêté leur assistance, affermit, sans doute, la couronne sur la tête du roi; mais il lui restait à défendre son autorité nouvelle contre presque tous les alliés qui l'avaient aidé à s'en saisir. Ce fut la tâche de ce règne pâle et court. On n'y voit pas encore se dessiner de pouvoir royal,

mais on y distingue nettement la vie et l'action propres à chacune des provinces de la France. Chacune a son histoire. Une seule subsistait de toutes les peuplades celtiques de la Gaule: c'était la ligue des cités armoricaines, la Bretagne, héroïque pays qui, retrempé par les émigrations des Gaels d'outre-Manche, et protégé par sa pauvreté, avait sauvé son existence et son originalité à travers les dominations romaine et barbare. Depuis le quatrième siècle, les Bretons se donnaient des chefs particuliers qui prenaient le titre de ducs ou de comtes, souvent celui de rois, et qui tinrent en échec tous leurs ennemis jusqu'au commencement du dixième siècle; mais, à cette époque, l'installation des Normands sur leurs frontières les fit tomber dans un état d'affaiblissement définitif. Ils continuèrent à se défendre bravement, aussi bien contre les nouveaux venus que contre leurs anciens ennemis les Angevins, auxquels leur duc, Conan le Tort, livra deux batailles acharnées (à Conquereux, 981 et 992); mais ils ne formèrent plus des lors un État. Ils ne purent pas même maintenir la tentative qu'avait faite leur roi Salomon III, en 865, d'établir un archevèché à Dol, afin de rendre les évèchés de sa province (Nantes, Rennes, le Mans, Quimper, Tréguier, Saint-Brieuc, Saint-Malo, Vannes, Saint-Pol de Léon) indépendants de la métropole de Tours. Le caractère de cette race persistante et courageuse, mais dont l'histoire n'est pas moins souillée d'horreurs que celle des Merovingiens, portait une si forte empreinte qu'elle s'est conservée dans l'esprit, les mœurs, le costume, la langue de leurs descendants, jusqu'à nos jours.

Cent vingt ans avant Hugues Capet, la Bretagne était la seule province bien tranchée qui existat dans le nord de la France. Nous possédons un capitulaire de l'an 853 dans lequel les États de Charles-le Chauve sont répartis, pour l'administration civile et judiciaire, entre les délégués du prince, ses missi dominici. Ces circonscriptions territoriales n'y sont encore que des agglomérations vagues, dont la cité gallo-romaine est le noyau solide, mais qui n'ont pas encore trouvé les affinités suivant lesquelles les cités s'agrégeront en provinces.

Au temps de Hugues Capet, l'agrégation est faite. En premier lieu, tout à fait au nord, la Flandre, portion considérable de l'ancien pays des Morins et des Belges, s'étendant de la mer du Nord prise entre les bouches de la Somme et celles de l'Escaut jusque vers Aix-la-Chapelle, était encore une contrée de bois et de marécages. Son nom, qui paraît avoir été l'ancien nom de la banlieue de Bruges, apparaît pour la première fois dans les documents du septième siècle. Le plus ancien qui nous soit connu de ses seigneurs ou comtes, Baudouin Ier, qui gouverna de 854 à 879, est un héros romanesque. On l'appelait Bras-de-Fer, à cause de sa force. Étant à la cour de l'empereur Charles le Chauve, il avait enlevé Judith, fille de ce prince,

et, après l'avoir emmenée dans un de ses chàteaux, il s'était marié avec elle. Charles le Chauve les fit d'abord excommunier; puis il leur pardonna, et finit par reconnaître à son gendre, en 864, la pleine possession de ses vastes domaines, dont Arras était alors la capitale. Les descendants de Baudouin régnèrent après lui jusqu'au commencement du douzième siècle.

Le comté de Vermandois, ainsi appelé du nom de sa capitale Vermand (près Saint-Quentin), fut donné par Louis le Débonnaire, en 848, aux enfants de son frère Bernhard, roi d'Italie (p. 208). Il était important par la puissance et l'autorité de ses seigneurs, qui jouérent un grand rôle, comme nous l'avons vu, dans les derniers efforts de la maison de Charlemagne contre la féodalité. Albert Ier, fils de ce Herbert II, célèbre par sa trahison envers Charles le Simple, demeura fidèle aux enfants de ce prince, même après l'usurpation de Hugues Capet. Il se réconcilia cependant avec ce dernier, et mourut en 988, laissant son héritage à Herbert III, son fils.

Le Laonnais, l'Amiénois, le Boulonais, le Valois, le Ponthieu, le Beauvaisis, le Soissonnais, le Noyonnais, le Sancerre, la Thiérache, étaient alors et furent longtemps encore des contrées distinctes; mais vers l'année 1200 on commence à les trouver toutes englobées, y compris le Vermandois, dans une seule dénomination, celle de Picardie. A la mème époque, nous verrons aussi la vie, en quelque sorte commune et nationale, que ces territoires juxtaposés s'étaient formée entre eux, se révéler par une prononciation particulière de la langue romane, par l'épanouissement da dialecte picard. Cette belle province est aussi la première patrie de nos libertés; c'est là que naquirent les plus anciennes et les plus importantes Communes du moyen âge. Le nom de Picardie est resté un problème; personne n'a pu encore en expliquer l'origine. Ce qu'on a dit de moins invraisemblable à ce sujet, c'est que ce pays de franchises municipales, où presque tout le monde était armé, c'est-à-dire portait la pique, se distinguait par là de ses voisins, et que d'un sobriquet vulgaire il se fit un titre d'honneur qu'il garda.

Nous avons parlé plus haut de la Lorraine (p. 244), de la Normandie (p. 248), qui, avec la Picardie, la Flandre et la Bretagne, formaient tout le nord des Gaules. Au centre était le berceau des Capétiens, ce petit pays de la France proprement dite, appelé aussi l'Ile-de-France, parce qu'il était à peu près enveloppé par les trois rivières, la Seine, l'Oise et la Marne; il s'étendait sur le petit espace d'une dizaine de lieues, depuis le village de Charenton jusqu'aux bourgs de Luzarche et de Dammartin. Mais il comprenait Paris.

Le comté de Champagne se trouve désigné, dès le temps de Grégoire de Tours, sous ce nom (Campania), dû, sans doute, au riant spectacle que présentait cette riche contrée à ceux qui, venant du nord, débouchaient, au sortir des Ardennes ou des

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