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et témoigna de vives répugnances dans les rares occasions où il dut, étant à Rome, revêtir le costume de patrice romain.

Le grand roi des Franks ne mangeait pas à chaque repas, comme le dit la légende, le quart d'un mouton, deux gélinottes et une oie entière, en buvant d'autant. Il haïssait l'ivrognerie. Son repas ordinaire se composait de quatre mets et d'un rôti, lequel était son plat de préférence et le seul, souvent, auquel il touchât. Cependant son estomac robuste ne s'accommodait pas de la rigueur des jeunes commandés par l'Église, et il ne craignait pas, pour s'y soustraire, de donner quelquefois l'exemple des subterfuges; il ne s'asseyait à table qu'après la bénédiction prononcée par le chapelain du palais, et, pendant les repas, un clere lisait toujours à haute voix quelque histoire des héros du temps passé. Ses grands plaisirs étaient la chasse, le bain et la natation, exercice dans

lequel il avait l'ambition de n'ètre égalé par personne. Aix-la-Chapelle dut à ses eaux thermales la préférence qu'il avait pour le séjour de cette ville. « Il aimait leur douce chaleur et y venait souvent nager. Il invitait les grands, ses fils, ses amis, les soldats de sa garde, à l'imiter, et quelquefois il se trouvait ainsi plus de cent personnes se baignant avec lui.» (Éginhard.)

Il avait aussi de plus nobles passions. Les goûts littéraires de Charlemagne furent encore un présent fait aux peuples du Nord par l'Italie. C'est pendant un de ses voyages en Lombardie et à Rome que le roi des Franks se trouva pour la première fois en présence de quelques érudits, et qu'ayant pris plaisir à les entendre, il comprit la puissance des lettres, et résolut d'en répandre la culture dans les âpres contrées qu'il gouvernait. Lui-même commença par donner l'exemple; il se mit à étudier la grammaire, la dialectique, l'astronomie et l'en

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semble de ce qu'on appelait alors les sept arts li- | béraux. Il est incontestable, quoiqu'on ait fait des dissertations pour le nier, qu'il savait lire et écrire. Il avait toujours sous le chevet de son lit, dit Éginhard, des tablettes sur lesquelles il s'essayait, quand il en avait le temps, à dessiner des caractères pour habituer sa main. Mais l'historien ajoute qu'il ne réussit pas beaucoup dans ce travail, c'est-à-dire qu'il ne put atteindre au talent du scribe et du calligraphe, qui ressemblait beaucoup alors à ce qu'est aujourd'hui celui du peintre. Il écrivait mal, mais il écrivait assez facilement pour qu'un des ministres de son fils ait pu dire qu'il savait, < par les personnes qui avaient vécu auprès de Charlemagne, que ce grand roi, supérieur à tous les autres rois des Franks dans la connaissance des saintes Écritures et des lois ecclésiastiques ou civiles, notait, sur les tablettes qu'il avait toujours à la tête de son lit, les réflexions qui, le jour ou la nuit, lui venaient à l'esprit pour l'utilité de

l'Église ou de l'État ». (Hincmar, en 884.) Il était naturellement doué d'une éloquence abondante et même exubérante, au moyen de laquelle il exprimait ses idées avec la plus grande clarté. Et non content de manier avec cette facilité l'idiome de ses pères, il apprit assez de latin pour le parler presque aussi bien que le tudesque. Grâce aux actives relations qu'il entretenait avec les chrétiens d'Orient et d'Afrique, et recevant de fréquents messages de la cour de Constantinople, il comprenait le grec, bien qu'il le prononçàt mal. Il s'occupa d'une grammaire de la langue des Franks, soit qu'il en ait seulement ordonné la rédaction, soit qu'il ait tenté, comme le dit Éginhard, de la composer lui-même; il fit aussi recueillir les « barbares et très-antiques poëmes» dans lesquels étaient. chantés les hauts faits des anciens Franks, recueil dont la conception seule dénote un esprit qui de

(') Ces sortes de tissus venaient de la Perse.

vançait de sept ou huit siècles la portée de son temps: ce recueil n'est malheureusement pas arrivé jusqu'à nous (1). Charlemagne annotait les Écritures; il écrivait au pape au sujet des difficultés qu'il y rencontrait et que la science de ses évêques ne suffisait pas à résoudre; il se piquait de bien chanter au lutrin, et s'occupait avec ardeur de la culture du plain-chant dans les églises de son royaume; enfin beaucoup d'auteurs tiennent pour certain qu'il composait d'assez bons vers latins, et quelques-uns de ces vers nous ont, en effet, été conservés; mais il est plus sûr de les croire placés sous son nom par quelques poëtes de sa cour. << Dans les dernières années de sa vie, il ne fit plus que s'occuper de prières ou d'aumônes, et corriger des livres pieux. La veille de sa mort, il avait soigneusement revu, avec des Grecs et des Syriens, les quatre Évangiles.» (Thégan.)

Nous avons dit un mot déjà (p. 486) de la facilité avec laquelle Charlemagne se maria, puis divorça, pour se remarier ensuite. Les historiens lui ont compté neuf femmes. Ce large esprit avait aussi large cœur; il aimait être entouré d'une famille nombreuse et se plaisait à être comparé par ses courtisans aux rois David et Salomon, plus pour colorer ses défauts, peut-être, que pour honorer ses vertus. Sa première épouse, dont il eut plusieurs enfants avant l'année 769, était Himiltrude, fille de sa nation, mais d'une condition inférieure, et qu'il avait épousée, comme telle, sans apparat, sans constitution de dot, sans remise de l'anneau et du denier : c'était le mariage consacré seulement par l'Église, et qui ne donnait à la femme que le titre de concubine. Himiltrude fut remplacée par Desiderata, puis par la belle Hildegarde, qui mourut à Thionville, le 30 avril 783. Le roi conduisit cette année une grande expédition contre les Saxons, et à son retour il épousa Fastrade, fille du comte frank Rodolphe, femme altière et cruelle dont la dureté fit naître autour de son mari des mécontentements et des conspirations, qu'elle l'excita ensuite à punir avec rigueur. Sa mémoire ne nous est parvenue que chargée d'imprécations. A Fastrade, morte en 794, succéda la douce Luitgarde, fille d'un comte allemand. A peine plus âgée que les filles d'Hildegarde, elle partageait leurs jeux aussi bien que leurs travaux, et elle avait le goût des nobles divertissements de l'esprit. Charlemagne la perdit à Tours, le 4 juin de l'année 800, sans en avoir eu d'enfants. Il eut encore après elle, bien qu'il atteignît soixante ans, quatre femmes, qu'Eginhard met seulement au rang de concubines Maltegarde, la Saxonne Gersuinde, Régine et Adalinda. Si l'on en croyait les historiens grecs, Charlemagne aurait aussi, pour réunir en ses seules mains l'empire du monde, brigué l'alliance redoutable de l'impératrice Irène, qui avait fait crever les yeux de son propre fils (Constantin VI), afin de régner seule à Constantinople. Ce

:

(') Voy. plus haut, p. 165.

Ann. 780-814.

fait, qui se placerait à l'année 804, et qui rappelle le projet un instant arrêté, en 787, de marier avec Constantin VI l'une des filles du roi, n'a rien de très-invraisemblable en lui-même; mais il n'est mentionné que par les Grecs, trop ingénieux conteurs.

De tant d'unions, Charlemagne avait eu plus de quinze enfants naturels ou légitimes. L'aspect de la brillante famille de l'empereur, réunie aux portes d'Aix-la-Chapelle pour une de ces chasses somptueuses qui faisaient les délices des grands, inspira un poëte du temps, qui nous en a conservé le tableau :

<«< Dès que paraît le jour, la jeunesse royale se hâte de quitter le lit, et la foule des nobles vient se placer au seuil du palais. Là un coursier caparaçonné, couvert d'or et de métaux précieux, s'enorgueillit d'avoir été choisi pour porter le grand roi et secoue fièrement la tête. Enfin paraît le roi Charles, au milieu d'un cortége de courtisans; ses. hautes épaules dominent la foule entière, et sur son visage souriant étincellent mille feux, car un cercle d'or entoure sa noble tête. Bientôt il a quitté le porche sacré de la haute basilique. Les dues et les premiers d'entre les comtes le suivent, puis, à la voix du clairon, s'ouvrent les portes de la grande ville; le cor résonne, un grand bruit se fait au seuil du palais, et la jeunesse s'élance en courant vers la rive du fleuve. C'est alors que, longtemps attendue, la reine sort de son royal appartement entourée d'une nombreuse cohorte, la belle Luitgarde, que le roi Charles a nommée son épouse. Son cou brille du tendre coloris de la rose; l'écarlate est moins vif que sa chevelure, qu'il enlace; des bandelettes de pourpre ceignent son front blanc; des fils d'or retiennent les pans de sa chlamyde; des pierres précieuses enrichissent un diadème de clair métal dont sa tête est couronnée; le lin de sa robe a deux fois été trempé dans la pourpre, et sur ses épaules descendent des colliers brillants. Les rangs s'entr'ouvrent, et la reine, menant après elle une suite de belles jeunes filles, s'avance entre les grands, sur un cheval au port superbe. S'ouvrant difficilement passage à travers cette foule élégante, voici le jeune Charles, qui, par sa tenue, par son visage, ressemble à son père, dont il porte le nom glorieux. Suivant sa coutume, il presse les flancs d'un coursier fougueux. Après lui se montre Peppin, qui, sous le nom de son aïeul, renouvelle les grandes actions de son père; guerrier plein de courage, héroïque sous les armes, il monte un cheval de haute taille et porte au front un cercle de métal étincelant. Avec fracas retentit de nouveau le son du cor et l'aboiement des chiens à la gueule avide; le bruit monte jusqu'aux cieux étoilés. Bientôt paraît le resplendissant bataillon des jeunes filles. La première est Rothrude; sur un coursier rapide, elle s'élance à la tète de l'aimable cohorte. A ses påles cheveux s'enlace un bandeau violet que décorent plusieurs rangs de perles; une couronne d'or chargée de pierres pré

cieuses entoure sa tète; une agrafe attache son riche vètement. Près d'elle voici, parmi ce troupeau de vierges, Berthe, suivie de ses compagnes: sa voix, son cœur viril, son maintien, son radieux visage, tout en elle est à l'image de son père. Ses cheveux disparaissent sous un réseau d'or, de riches fourrures d'hermine couvrent ses épaules, et des topazes parsèment la trame dorée de ses vêtements. Vient ensuite la blanche Gisèle, parée d'une robe rayée de pourpre et teinte avec l'étamine des mauves. Joyeuse, elle monte sur un cheval qui broie de ses dents impatientes un mors couvert d'écume. La vierge pudique dotée de tant de biens est descendue de son palais, bâti sur la haute colline, pour suivre dans la plaine les traces du roi son père. Rhodaïde court se placer, triomphante, à la tête de sa troupe sur sa poitrine, sur son cou, dans ses cheveux, brillent les pierres les plus diverses; un manteau de soie couvre ses blanches épaules; sur son front repose une couronne ornée de perles; une épingle d'or à la tète de perle ferme sa chlamyde. Elle ira, la belle vierge, sur un cheval superbe, chercher au fond des bois le cerf dont le poil se hérissera de crainte. Cependant arrive Théodrade, non moins brillante que ses sœurs aînées : l'on envierait l'éclat de sa chevelure; sa robe orangée est rehaussée par un mélange de peaux de taupes; les pierres étrangères scintillent à son beau col. Autour de cette vierge illustre, qui aime à chausser le cothurne de Sophocle, s'agite une troupe serrée de jeunes filles, et derrière elle se déroule un long cortège de seigneurs. Assise sur un blanc coursier aux vives allures, la pieuse fille du roi Charles va pénétrer dans la forêt, ayant quitté le palais du roi son père. Enfin Hiltrude, mais c'est le sort qui lui a donné cette place, paraît au dernier rang, et le sénat ferme la marche. »

L'auteur de cette description est inconnu; mais il vivait à la cour de Charlemagne. Il raconte un spectacle dont il a été le témoin, et la monotonie même de ses peintures de costumes, qui se succèdent sans presque varier, est un garant de leur exactitude.

Entouré de cette belle et nombreuse famille, de ses redoutables guerriers, d'une cour, car ce mot qu'on croirait moderne était très-usuel alors, d'une cour qu'il voulait vraiment impériale, Charlemagne ne dédaignait pas de rechercher jusque dans la pompe extérieure la restauration qu'il croyait accomplir de l'empire d'Occident. Dans son palais d'Aix, et dans les grandes assemblées de la nation, il aimait recevoir les princes étrangers, qui venaient lui rendre hommage ou solliciter son appui, et les ambassadeurs qui lui apportaient, des contrées les plus lointaines, les présents de leurs souverains. C'est ainsi qu'on vit souvent à ses pieds les chefs des peuples ennemis cantonnés au delà de l'Elbe, les émirs d'Espagne, les envoyés du grand kan des Huns, ceux des souverains musulmans de Fez, le duc des Basques, les rois détrônés de

un

Sussex et de Northumberland, Egbert et Eardulf. Alphonse, roi de Galice, ayant pris et saccagé la ville de Lisbonne, se hâta de lui faire porter de riches tapisseries provenant du butin. Nous avons mentionné les ambassades qu'il échangeait avec la cour de Constantinople; mais la plus brillante et la plus célèbre de toutes celles qu'il reçut lui fut envoyée de Bagdad par le calife Haraoun-alRaschid, son allié contre les califes espagnols. Le prince asiatique envoya au palais d'Aix-la-Chapelle des dons qui, par leur rareté, firent l'admiration des Franks c'étaient surtout un éléphant, singe et une horloge à sonnerie. Une autre fois, Charlemagne, étant à Rome, reçut en présent, du même calife, les clefs du sépulcre de Jésus-Christ, que la tradition disait avoir été conservé à Jérusalem. Ces merveilles rappelaient un objet, également inconnu jusqu'alors à l'Occident, que Peppin le Bref avait obtenu (en 758) de la cour de Constantinople c'était un orgue, qui excita l'enthousiasme << par les sons qu'il faisait entendre tour à tour, aussi terribles que le roulement du tonnerre, aussi doux que la lyre, aussi bruyants que les cymbales ». Les temps approchaient où l'Occident devait cesser de tirer de l'Orient la lumière.

LÉGISLATION.

Il nous est resté soixante-dix-neuf capitulaires rendus par Charlemagne. Il ne faut pas chercher, dans ces actes législatifs, rédigés chaque année suivant les besoins du moment, beaucoup de vues générales et bien coordonnées. Au milieu d'un àge de violence et de ténèbres, les préoccupations du présent étaient une tâche suffisante. La pensée la plus constante qui règne dans ces documents est la crainte et l'amour de l'Église, le soin constant de tout ce qui la touche, et le zèle à la rendre à la fois et plus puissante et plus pure. La main qui

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mission des capitulaires, et comment les affaires se traitaient dans les grandes assemblées des Franks « Dans les deux assemblées, celle du printemps qui était la principale, et celle de l'automne, on soumettait à l'examen et à la délibération des grands, soit clercs, soit laïques, conformément aux ordres du roi, les articles de loi, nommés capitula, que le roi lui-même avait rédigés

CAR LVS

Monnaie de Charlemagne.

par l'inspiration de Dieu, ou dont la nécessité lui avait été manifestée depuis l'assemblée précédente. Ceux-ci en délibéraient pendant un, deux ou trois jours, ou davantage selon l'importance des choses. Des messagers du palais, allant et venant, recevaient leurs questions et leur rapportaient les réponses du roi, et aucun étranger n'approchait du lieu de leurs réunions jusqu'à ce que le résultat de leur discussion pût être mis sous les yeux du grand prince, qui alors, avec la sagesse qu'il avait reçue de Dieu, adoptait la résolution à laquelle tous devaient obéir. Pendant que les choses se traitaient ainsi hors de sa présence, le roi luimême, au milieu de la multitude venue à l'assemblée générale, s'occupait de recevoir les présents qu'on lui apportait, saluant les hommes les plus considérables, s'entretenant avec ceux qu'il voyait rarement, témoignant aux plus àgés un intérêt affectueux, s'égayant avec les plus jeunes. Cependant, si ceux qui délibéraient en exprimaient le désir, le roi se rendait auprès d'eux et écoutait les opinions, dont ils lui faisaient leur rapport avec une entière familiarité. Si le temps était beau, tout cela se passait en plein air; sinon, dans plusieurs bâtiments distincts, où ceux qui avaient à examiner les propositions émanées du roi étaient séparés de la multitude venue à l'assemblée. Le lieu destiné à la réunion des seigneurs était divisé en deux parties, de telle sorte que les évèques, les abbés et les clercs élevés en dignité, pussent se réunir sans aucune immixtion de laïques; de mème les comtes et les autres principaux du royaume se séparaient, dès le matin, du reste de la multitude, et, les clercs d'un côté, les laïques de l'autre, se rendaient dans la salle qui leur était assignée. Il dépendait d'eux de siéger ensemble ou séparément, suivant la nature des affaires qu'ils avaient à traiter. Une autre occupation du roi était de demander à chacun ce qu'il avait à lui rapporter ou à lui apprendre sur la partie du royaume d'où il venait. Non-seulement cela leur était permis à tous, mais il leur était strictement recommandé de s'enquérir, dans l'intervalle des assemblées, de ce qui se passait soit dans l'intérieur de

l'État, soit au dehors, et ils devaient chercher à le savoir des étrangers comme des nationaux, des ennemis comme des amis, quelquefois en employant des émissaires spéciaux, et sans s'inquieter beaucoup de la manière dont les renseignements étaient obtenus. Le roi voulait savoir si dans quelque coin du royaume le peuple murmurait ou était agité, et quelle pouvait en être la cause, et s'il existait quelque désordre dont il fallut occuper l'assemblée générale. » (Hincmar, d'ap. Adalhard.)

Rendre bonne justice à tous ses sujets fut l'un des grands soins de Charlemagne. Il institua des cours judiciaires chargées de siéger régulièrement trois fois par an dans chaque province, et créa, sous le nom de scabins (échevins), des magistrats subalternes, dont il attribua le choix au comte ou aú centenier, et dont l'office était de juger partout les petites causes. Les officiers du palais avaient reçu de lui l'ordre d'accueillir et de conseiller les gens qui venaient se plaindre et dénoncer des griefs. Il était même jaloux de rendre en personne la justice, et comme il avait l'habitude d'interrompre son sommeil pour accomplir ses dévotions, on rapporte qu'il donnait quelquefois audience au milieu de la nuit.

LETTRES.

Pendant le septième et le huitième siècle, la Gaule porta lourdement la peine de l'accueil qu'elle avait fait aux Barbares. Elle fut alors le pays le plus arriéré de l'Occident; l'Italie, l'Angleterre, l'Espagne, l'Afrique, l'éclipsaient dans la culture des sciences et des lettres. Charlemagne, si curieux pour lui-même des délassements de l'esprit, comme on l'a vu, eut la noble ambition d'en répandre le goût parmi ses peuples, et son application personnelle à l'étude, quelque louable qu'elle fût, est restée bien moins féconde que les institutions qu'il fonda. Ce fut aux étrangers qu'il dut s'adresser d'abord pour faire l'éducation de son peuple. A la prise de Parme, en 774, il trouva dans cette ville deux savants italiens, Pierre de Pise et Paul le diacre, qu'il retint auprès de lui: le premier expliquait la grammaire et les poètes; le second concourut, avec un eunuque envoyé de Constantinople, à enseigner le grec à la princesse Rothrude, fiancée de Constantin, et composa plusieurs ouvrages dont le principal est une Histoire des Lombards. Plusieurs lettres irlandais, parmi les quels on nomme Clément et Dungal, quittèrent aussi leur patrie pour venir enseigner en France. Mais le plus célèbre de tous les étrangers appelés par Charlemagne est l'Anglo-Saxon Alcuin, l'un des maîtres de l'école d'York (726-804). Cette ville, reléguée au nord de l'Angleterre, brillait alors de tout l'éclat des lettres. Alcuin lui-même décrit ainsi les talents d'un de ceux qui y professaient de son temps: « Il abreuvait, dit-il, à toutes les sources de la science les esprits altérés. Aux uns, il enseignait les règles de la grammaire; il faisait

Typ. de J. Best, rue St-Maur-St-G., 15.

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