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ville par une partie de son armée qui était entrée en Espagne par le Roussillon. Saragosse fit une courte résistance, paya rançon, et se soumit en donnant des otages. Barcelone et Girone se soumirent également. Ibn-Thaiir, seigneur de Heresca et de Jacca, prèta serment de fidélité. Charles revint à Pampelune, dont il fit raser les murailles, et reprit le chemin de la France. Mais, dans les gorges des Pyrénées, il allait rencontrer ces Gascons qui avaient été les plus fermes soutiens de l'Aquitaine dans la longue lutte qu'elle avait soutenue contre les premiers Carolingiens. Les Sarrasins devaient voir avec colère des comtes franks établis dans presque tout le pays situé entre les Pyrénées et l'Ebre. Le roi de Navarre, Inigo-Garcias, et le roi des Asturies, Fruela, étaient les alliés des Ommiades. Tous s'entendirent avec le duc des Gascons, Loup, qui, petit-fils d'Hunald, fils de Guaifer, trouvait dans ses souvenirs de famille tant de motifs de haine et de vengeance.

Gascons, Sarrasins et Navarrais étaient les rois de ces montagnes, dont ils connaissaient tous les défilés. Au retour des Franks, ils se précipitèrent sur l'arrière-garde engagée dans la trop fameuse vallée de Roncevaux, qui communiquait de la Navarre à la France. « Tandis que l'armée, cheminant dans un étroit défilé, était obligée, par la nature du terrain, à marcher sur une ligne longue et resserrée, les Gascons, qui s'étaient embusqués sur la crète de la montagne, car l'épaisseur des forèts, abondantes en cet endroit, est propre aux embuscades, descendent et se jettent tout d'un coup sur la queue des bagages et de l'armée, qu'ils culbutent au fond de la vallée. Là s'engagea un combat opiniâtre, dans lequel tous les Franks périrent jusqu'au dernier. Après avoir pillé les bagages, l'ennemi profita de la nuit, qui était survenue, pour se disperser rapidement. Ils durent leur succès à la légèreté de leurs armes et à la disposition des lieux; les Franks, au contraire, pesamment armés et placés désavantageusement, lutterent avec trop d'inégalité. Eggihard, maître d'hôtel du roi, Anselme, comte du palais, et Roland, préfet des marches de Bretagne, périrent dans le combat. Il n'y eut pas moyen, dans le moment de tirer vengeance de cet échec, car, la chose faite, les Gascons se dispersèrent si bien qu'on ne put pas même savoir dans quels lieux il eût fallu les chercher... Le souvenir de ce cruel échec obscurcit grandement, dans le cœur du roi, la joie de ses exploits en Espagne. »>

Le nom de Roland cité parmi ces phrases d'Éginhard, et une charte de l'an 777, au bas de laquelle le comte Roland figure parmi les témoins, sont tout ce que l'histoire a conservé de lui; mais la mémoire populaire, plus riche quoique toujours confuse, a rassemblé autour de ce personnage ses fictions les plus brillantes. Les plus anciens romanceros espagnols, les poëmes italiens de Boïardo, de Pulci, de l'Arioste, et la Chanson de Roncevaux, la plus célèbre de nos vieilles épopées françaises,

ont, durant plusieurs siècles, consacré la gloire et de Charlemagne et des vaillants guerriers qui l'entouraient, surtout du paladin Roland. Toutes ces compositions remontent seulement au douzième siècle; elles puisèrent la plus grande partie de leurs inspirations à une chronique fabuleuse, attribuée faussement à Turpin, archevêque de Reims (ann. 753-794). Mais cette chronique, écrite vers l'an 1090 par un auteur resté inconnu, était puisée elle-même aux traditions populaires, et l'on montre encore, dans les Pyrénées, un roc immense brisé, disait-on, par Roland d'un coup de sa fidèle épée Durandal, de même qu'on montra longtemps, à Blaye (Gironde), le cor d'ivoire dont il sonna pour appeler Charlemagne à son secours.

CHARLEMAGNE EMPEREUR D'OCCIDENT.

Le pape Adrien mourut le 25 décembre 795. Léon III, son successeur, « fit bientôt remettre au roi, par des légats, les clefs du tombeau de saint Pierre, l'étendard de la ville de Rome, avec d'autres dons, et le fit prier d'envoyer quelqu'un de ses grands pour recevoir le serment de fidélité et d'obéissance du peuple romain. » (Éginhard.) Peu d'années après, une révolution éclata dans Rome, et Léon III, à grand'peine échappé des mains de ses ennemis, alla trouver Charles, qu'il rencontra à l'assemblée de Paderborn (799), et qui le reçut pompeusement. On a conservé un poëme composé sur cette entrevue, dans laquelle fut préparé, sans doute, bien que son historien Éginhard le nie, le grand événement qui la suivit de près. Le pape fut reconduit à Rome par une escorte d'évèques et de seigneurs franks, qui le réintégrèrent sur son siége, et, l'année suivante, Charlemagne lui-même passa en Italie à la tête de son armée. Léon III l'attendait à douze milles de la ville, et Charles parut dans Rome en arbitre, et des Romains dont il examina judiciairement les dissensions, et de l'Italie qu'il occupait par ses troupes, et des contrées les plus éloignées de l'Occident et de l'Orient, dont il recevait de respectueuses ambassades. « Le jour de Noël (ann. 800), comme il assistait à la messe dans l'église de Saint-Pierre, et qu'il se levait après avoir prononcé sa prière, le pape lui posa une couronne sur la tête, et tout le peuple romain s'écria: «A Charles Auguste, couronné >> par Dieu, grand et pacifique empereur des Ro» mains, vie et victoire! » Après laudes, il fut adoré par le pontife, suivant la coutume des anciens princes, et, quittant le nom de patrice, il fut appelé empereur et Auguste. » (Éginhard.)

Depuis trois cent vingt-quatre ans, il n'y avait plus d'empire d'Occident, et cependant les souvenirs romains étaient encore si profondément enracinés dans le monde, que la jalousie de la cour de Constantinople s'émut à la nouvelle de ce qui s'était passé à Rome; les peuples occidentaux et Charlemagne lui-même crurent le vieil empire ressuscité. Mais, au lieu de rétrograder vers le

Typ. de J. Best, rue St-Maur-St-G., 15.

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Mosaïque du Triclinium ou salle à manger du pape Léon III, à Saint-Jean de Latran. (Saint Pierre assis; Léon III et Charlemagne tenant la bannière, agenouillés. )

dompté les populations du Nord; ses fils tenaient en respect celles du Midi : Peppin, les Italiens et les Grecs; Louis d'Aquitaine, les Sarrasins et les Espagnols. Le grand homme du moyen âge pouvait employer tous ses soins à affermir les institutions administratives qu'il avait fondées, à courber ses farouches guerriers sous le bras de l'Eglise, et à policer les esprits par la culture des lettres. Cependant on aurait pu déjà prédire que le rétablissement de l'empire serait de peu de durée; que tant de races diverses, si difficilement vaincues, aspireraient toujours à l'indépendance nationale; et si l'empereur lui-même se fit illusion sur la portée de ses grands travaux, le bon sens populaire,

Euvre de 797.

plus subtil, nous a légué l'anecdote que voici :

« Un jour, Charlemagne était arrêté dans une ville de la Gaule Narbonaise, sur le rivage de la Méditerranée. Des barques scandinaves ou northmandes vinrent pirater jusque dans le port. Les uns croyaient que c'étaient des marchands juifs africains, d'autres disaient bretons; mais l'empereur les reconnut à la légèreté de leurs bâtiments. « Ce ne sont pas >> là des marchands, dit-il, mais de cruels ennemis. >>> On se mit à leur poursuite; ils étaient disparus. L'empereur se leva de table; il se mit à la fenêtre qui regardait l'orient et demeura très-longtemps ainsi, le visage inondé de larmes. Comme personne n'osait l'interroger, il dit aux grands qui l'entou

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tique: l'Istrie, la Liburnie et la Dalmatie. Quelques ports de l'Adriatique, restés sujets de l'empire grec, Venise entre autres, échappaient, grâce à ce patronage plus nominal que réel, à l'autorité des Franks; la Bretagne armoricaine défendait son indépendance les armes à la main; et les peuples remuants situés sur la rive droite de l'Elbe et de la Saale Obotrites, Wiltzes, Sorabes, Bohémiens et Moraves, n'avaient pu être incorporés à l'empire et portaient seulement le nom de tributaires.

Charlemagne, né le 2 avril 742, mourut le 28 janvier 844, à l'âge de soixante-douze ans, dans la ville d'Aix-la-Chapelle, son séjour préféré, et il y fut enseveli dans une église splendide qu'il avait

fait construire. Dans l'intervalle des deux années 840 et 844, il avait perdu ses trois fils aînés; le gouvernement de tout l'empire tombait aux mains de son quatrième fils, le seul qui restât; c'était le pieux Louis, roi d'Aquitaine.

LA FAMILLE ET LA PERSONNE DE CHARLEMAGNE.

Dans les poésies du douzième siècle, Charlemagne est un héros merveilleux. Il a huit pieds de haut; sa forte tête a plus d'un pied de large; ses yeux de lion, gros et verts, étincellent; son nez est petit et plat, son front immense, sa barbe longue d'un pied et demi. Il mange en géant, et sa force est

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