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Ce royaume d'Aquitaine fut une barrière donnée aux Franks contre l'islamisme, et en effet, dės l'année 804, lorsque Charlemagne commençait à vieillir, le jeune Louis eut de formidables luttes à soutenir contre les belliqueuses populations musulmanes qui l'avoisinaient au midi.

Charles pouvait alors se venger de son frère; mais leur mère, la reine Berthe (ou Bertrade), intervint et les réconcilia. Cette princesse, issue des comtes de Laon, était une femme de tête dont les avis étaient respectés de ses fils; elle empêcha aussi les Franks, peu de temps après, d'écraser Tassillon, duc des Bavarois et neveu de Peppin; puis elle favorisa un grand dessein qu'avait conçu le roi des Lombards, quoique le pape y fùt ardemment opposé. La reine Berthe mettait l'intérêt de la nation des Franks au-dessus des intérêts de l'Église romaine. Didier, roi des Lombards, plus prudent que son prédécesseur Astolphe, désira s'unir aux fils de Peppin par un double mariage i demanda pour son fils Adalgise, la sœur des deux rois franks, et offrit sa propre fille, Desiderata, à l'un ou à l'autre. Le pape Étienne III s'empressa de représenter à Charles et à son frère qu'ils étaient déjà engagés dans les liens du mariage; que les Lombards étaient une nation << perfide et dégoûtante, qui avait donné la lèpre à la terre »; qu'ils s'allieraient ainsi aux ennemis de saint Pierre, et qu'ils encourraient l'excommunication. Karloman conserva sa femme, Gilberge, qui lui avait donné plusieurs enfants; Charles, au contraire, répudia la sienne et épousa la fille de Didier; mais, soit que le pape eût raison de déprécier les Lombardes, soit par quelque autre cause restée inconnue, Desiderata fut répudiée à son tour au bout de l'année.

Les prélats devaient être quelque peu scandalisés des fréquents mariages du roi. En 771, après avoir renvoyé Desiderata, il épousa Hildegarde, avec laquelle, du moins, il vécut jusqu'à ce qu'elle mourût (en 783). L'Église a souvent désapprouvé les secondes noces, blàmé les troisièmes, interdites mème par les constitutions de l'empereur Léon, et condamné les quatrièmes; rigueur à laquelle Charlemagne s'est aussi associé, car on lit dans un de ses capitulaires « qu'une femme répudiée ne pourra passer à un second mariage du vivant de son mari, ni le mari du vivant de sa femme ». Mais le roi et les grands s'abstenaient de suivre eux-mêmes les règles qu'ils établissaient, et les mœurs admises à la cour de Charlemagne n'étaient pas très-sévères, quoique bien éloignées de cette licence brutale que nous avons vue régner dans les palais mérovingiens. La belle Hildegarde, de la très-noble race des Suèves, descendait de Godefried, duc des Allemans.

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Reims, à Corbeni dans les Ardennes, et y convoqua une assemblée des principaux personnages du royaume de son frère, par lesquels il fut reconnu pour roi à la place de celui-ci et sacré par l'onction ecclésiastique. Une autre partie des grands s'était attachée à la veuve de Karloman, Gilberge, et à ses deux enfants, dont l'aîné se nommait Peppin. La fuite leur sembla le parti le plus sûr, et ils se réfugièrent auprès de Didier, ro des Lombards. « Le roi, dit Éginhard, désapprouva ce départ inutile. » Cette phrase semble indiquer que Charles, en dépouillant ses neveux, accomplissait un acte légitime, et qu'il se défendait d'avoir voulu attenter à leur vie. La nécessité d'avoir un chef prêt à commander les armées portait à sacrifier les droits d'un héritier; mais on n'était plus au temps où un féroce Mérovingien assassinait, par mesure de précaution, sa famille entière.

En 772 commence la grande lutte contre les Saxons. Peppin, absorbé par les affaires du midi, avait fait contre eux une expédition brillante, en 753. Depuis la mer Baltique jusqu'au royaume des Franks, ces peuplades féroces, Ostphaliens à l'orient, Westphaliens à l'occident, Angariens au milieu, comptaient un grand nombre de cantons, chacun soumis à son chef. Leur diete annuelle se tenait sur les bords du Weser. Ils n'étaient séparés des Franks que par des plaines ouvertes, à l'exception de quelques endroits boisés et montagneux, qui n'offraient pas un obstacle suffisant à leur amour de la dévastation. Leur dieu était l'idole d'Herminsul (Hermann-Saüle, colonne d'Hermann, l'homme de guerre), monument grossier élevé en l'honneur du vainqueur de Varus, et devenu un symbole national: c'était une statue armée qui d'une main tenait un drapeau, de l'autre une balance; sur son drapeau était une rose, sur son bouclier l'image du lion, et sous ses pieds des fleurs. Un prètre, saint Libuin, n'avait pas craint de venir au milieu de ces idolâtres, les engageant à se convertir, leur annonçant l'invasion du plus grand roi de l'Occident et une justice terrible. Ce missionnaire courait au martyre. Un vieillard le sauva en le présentant, très-sincèrement sans doute, comme l'envoyé d'une divinité étrangère et peutêtre ennemie. Mais les Saxons, pour prouver qu'ils ne la redoutaient pas, brûlèrent l'église de Daventer, récemment construite, et massacrèrent les chrétiens qui s'y trouvaient. L'effet suivit de près la menace du hardi missionnaire.

Charles, après avoir tenu l'assemblée de la nation à Worms, et passé ainsi la revue de son armée, résolut de porter la guerre en Saxe, y entra sans retard, dévasta tout par le fer et le feu, prit le château fort d'Ebresbourg (Stadbergen, dans l'évè ché de Paderborn) et renversa l'idole d'Herminsul. Une œuvre aussi méritoire ne pouvait pas s'accomplir sans miracle. Pendant les trois jours que manda la destruction de ce monument, toutes les rivières et les fontaines étaient à sec, et l'armée souffrit de la soif. « Mais un certain jour, dit

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Figurine en bronze de Charlemagne conservée autrefois à la cathédrale de Metz, aujourd'hui en Angleterre.

Euvre carolingienne.

moment où Charlemagne, par une transplantation forcée de ces peuplades, se débarrassa d'infatigables ennemis.

GUERRES CONTRE LES SAXONS ET LES LOMBARDS.

Le pape Étienne était mort à Rome, en 772. Adrien lui avait succédé. Le roi des Lombards était toujours l'ennemi de la papauté, et aussi du roi des Franks, qui avait répudié sa fille et qui voyait chez les Lombards la veuve et le fils de Karloman. Le pape refusait de sacrer ces enfants pour ne pas offenser Charles, et Didier s'avança

vers Rome pour contraindre Adrien. Mais ce dernier n'avait garde de s'aliéner les Franks. Il envoya auprès de Charles, pour implorer son secours (773), une ambassade qui, forcée de se rendre par mer à Marseille, ce qui paraissait, à cette époque, un voyage audacieux, poursuivit par terre son chemin en France, et trouva le roi à Thionville, où il passait l'hiver. « Le roi, dit Éginhard, examina avec grand soin ces discussions entre les Lombards et les Romains. » La solution cependant n'était pas douteuse, sa politique était toute tracée. Charles se rendit avec son armée à Genève, qui faisait partie de la Bourgogne, y délibéra sur la

manière d'entamer la guerre, divisa ses troupes en deux portions, donna à celle que commandait Bernard, son oncle paternel, l'ordre de faire route par le mont Joux ou grand Saint-Bernard, et luimême, à la tête de l'autre, passa le mont Cenis. Didier s'efforça vainement de résister. Comme jadis Astolphe, il s'enferma dans Pavie, pendant que son fils Adalgise s'était mis à l'abri de son côté dans Vérone, où se trouvaient la veuve et les fils de Karloman, avec le Frank Autcharis et d'autres Franks partisans de la même cause.

Au printemps, Charles n'ayant pas encore eu le pouvoir de forcer l'ennemi dans ces retraites savamment fortifiées, laissa à son armée le soin d'en finir, et se rendit à Rome, où sa présence allait resserrer les liens depuis longtemps noués entre les rois franks et la papauté.

On aimerait à connaître l'impression que fit sur Charlemagne la vue de cette Rome qui inspirait tant de respectueux pèlerins, et dont la réputation, grace à eux, s'étendait jusque chez les peuples du Nord. « Il alla à Rome pour y prier », nous dit Éginhard, et cette expression simple et touchante peint une foi naïve. C'était la ville sainte que Charles allait chercher, et non pas ces souvenirs qui, au quatorzième siècle, accablaient Pétrarque sous le poids de l'admiration. Cependant quand, plus tard, Charles eut l'ambition de faire d'Aix-la-Chapelle une Rome nouvelle, il voulut y élever, dit le moine de Saint-Gall, une basilique plus vaste et plus magnifique que tous « les ouvrages des anciens Romains >>. En outre, il possédait deux tables en argent, toutes deux d'un grand prix, sur lesquelles étaient représentées la ville de Constantinople et celle de Rome; il les légua par testament à la basilique de Saint-Pierre et à l'église cathédrale de Ravenne. Ces faits laissent penser que Charles ne resta pas insensible aux grands souvenirs que rappelaient des ruines encore imposantes, à cette domination qui s'imposait aux yeux, et qu'il y puisa de nobles inspirations. Il arriva à Rome le samedi saint, 1er avril 774, avec une suite nombreuse, composée d'évêques, d'abbés, de juges, de ducs, de graphions (grafen, comtes). Il fut reçu comme l'était l'exarque ou le patrice. A trente milles de distance, il rencontra les magistrats de Rome; à un mille, les écoles, c'est-à-dire les corporations civiles, que précédait le clergé. Le roi descendit de cheval et entra à Rome à pied, suivi de ses courtisans, qui l'imitaient et venaient, comme lui, « accomplir leurs vœux ». Adrien, entouré des dignitaires de l'Église, vint recevoir Charles sur le haut du perron de la basilique de Saint-Pierre. Le roi, après avoir baisé chacun des degrés, arriva près du pape, qui l'embrassa. Ils entrèrent ensemble dans le temple. Charles visita aussi la basilique de SaintJean de Latran. A la demande d'Adrien, qui connaissait bien le caractère des Romains et leur amour des fastueuses représentations, le roi des Franks consentit à se laisser revêtir de la longue tunique, de la chlamyde et de la chaussure romaine. Sa

répugnance à cet égard était peut-être moins due à un scrupule national qu'à un scrupule pieux. Pendant toute cette visite, le pape, imbu des Écritures, était sans doute sous l'empire des idées de la domination du monde par l'Église; mais Charles, sûr de son pouvoir, ne songeait qu'à satisfaire sa piété. Il confirma la donation de son père, et elle comprenait, à ce qu'il paraît, la plus grande partie du royaume des Lombards. N'était-ce pas déjà le commencement d'une tentative d'unité, ce long rêve de l'Italie?

Lorsque Charlemagne fut rentré dans son camp, il trouva Pavie fatiguée d'un si long siége, et bientôt (mai ou juin 774) elle se rendit. Les villes qui n'étaient pas encore soumises suivirent cet exemple. Charles revint en France, emmenant captifs le roi lombard, sa femme et sa fille. Didier, enfermé à l'abbaye de Corbie, acheva sa vie dans la dévotion. Son fils Adalgise s'échappa de Vérone, s'embarqua au port Pisan, et trouva un asile à la cour de l'empereur de Constantinople. On ne sait ce que devinrent la veuve et les fils de Karloman, ainsi que leurs partisans; on sait seulement qu'ils furent livrés à Charles. On raconte aussi que Hunald, le vieux duc d'Aquitaine, trouva enfin la mort dans le désastre; comme il s'opposait obstinément à ce que Pavie se rendit, il fut assommé à coups de pierres par les habitants.

Jusqu'alors, il n'y avait eu que des rois des Franks, quelles que fussent, dú reste, leurs conquêtes. Charlemagne est appelé, dans une lettre du pape, et s'appelle lui-même dans tous ses actes, depuis l'an 774: « Roi des Franks et des Lombards, patrice des Romains ». Il semble, en effet, que tous les droits du peuple lombard furent respectés, et qu'il n'y eut de changé que le roi. Seul le gendre de Didier, Arigise, duc de Bénévent (ce qui comprenait presque tout le royaume de Naples), prétendit garder son indépendance..

Les chefs indépendants devenaient rares dans les États de Charlemagne, et la domination des Franks se consolidait partout. Elle s'exerçait, depuis la Frise jusqu'à la Bavière, dans les plaines de l'Allemagne, partagées avec les Saxons; dans toute l'Italie et dans toute la France, jusqu'aux Pyrénées et à l'Océan. Elle était, il est vrai, presque nominale vis-à-vis du duc des Allemans, qui gouvernait la Suisse et presque toute la Souabe; visà-vis de Tassillon, fils d'Odilon, qui gouvernait les Bavarois; vis-à-vis du duc de Frioul, Ridgaudes, confirmé par Charles et chargé de fermer l'Italie aux Esclavons. Mais la supériorité des Franks était incontestée. Offa, roi de Mercie, le plus puissant des princes saxons en Angleterre, et presque tous les émirs musulmans de l'Espagne, recherchèrent alors l'alliance de Charlemagne.

Les Saxons seuls se montraient intraitables. Ils avaient profité, en 774, de l'absence du roi pour porter le fer et le feu sur les frontières de la Hesse qui touchaient aux leurs. Ils voulurent incendier, à Fritzlar, la basilique qu'y avait bâtie saint Bo

niface. « Tandis qu'ils s'efforçaient vainement de réussir dans ce dessein, dit Éginhard, ils furent saisis d'une frayeur subite envoyée par Dieu, et s'enfuirent en désordre, avec une honteuse terreur.» Charlemagne, qui passa l'hiver à Kiersi (775), résolut d'attaquer ces barbares obstinés, et de ne s'arrêter qu'après leur entière extermination ou leur conversion au christianisme. Après avoir tenu l'assemblée générale des Franks dans la ville de Duren (duché de Juliers), il passa le Rhin, attaqua les Saxons avec toutes ses forces, leur prit la citadelle de Siegbourg, rétablit le fort d'Ehresbourg qu'ils avaient détruit, et, y laissant une forte garnison, il gagna le Weser, dont la rive était défendue par une multitude ennemie; il força le passage et s'avança au loin, recevant sur son passage des actes de soumission, des otages et des serments de fidélité.

Mais, pendant cette marche victorieuse, la partie de son armée qu'il avait laissée près du Weser se laissa surprendre. Les Saxons se mèlèrent adroitement aux fourrageurs franks qui retournaient au camp, s'introduisirent dans leurs retranchements, les attaquérent pendant leur sommeil, en massacrèrent un grand nombre et se retirerent. Charlemagne se hata de les poursuivre, les tailla en pièces pendant leur retraite, puis retourna en France pour y passer l'hiver.

Il célébra les fêtes de Noël dans son château de Schelestadt, en Alsace (776). Là il apprit que le duc de Frioul, Rotgaudes, excitait de nouveaux mouvements en Italie, et que déjà plusieurs villes s'étaient données à lui. Il s'agissait de rendre la Lombardie à Adalgise, fils de Didier, ou, peut-être, Adalgise n'était-il qu'un prétexte. Suivant Éginhard, Rotgaudes prétendait se faire roi; suivant le pape Adrien, qui ne cessait de se plaindre des Lombards, et que les envoyés franks ne purent réconcilier avec le duc de Spolete Hildebrand, Rotgaudes, d'accord avec ce dernier, avec Arigise duc de Bénévent, avec Requibald duc de Cluse, devait se joindre à une armée grecque amenée par Adalgise, pour attaquer le pape par terre et par mer. On devait s'emparer de Rome, piller les églises, « se saisir du ciboire de saint Pierre, protecteur de Charles », et enlever le pape. Charlemagne prit avec lui ses plus braves guerriers, traversa la Souabe et la Bavière, et entra par le Tyrol en Italie. Il s'empara de Citta, de Friuli et de Trévise. Rotgaudes et son beau-père Stabilinus furent saisis et mis à mort. Marchaire, seigneur frank de haute naissance, devint duc de Frioul, et les comtes franks remplacèrent partout les Lombards. Charlemagne repassa en France « aussi vite qu'il en était venu »>.

A peine eut-il franchi les Alpes que des envoyés lui apprirent une nouvelle révolte des Saxons. Ils avaient surpris le fort d'Ehresbourg, chassé la garnison franque, attaqué le château de Siegbourg; mais ils avaient été repoussés et poursuivis jusqu'au fleuve de la Lippe. Charlemagne tint l'as

semblée à Worms, convoqua toutes ses troupes, et se mit en marche sans perdre un instant. La lutte contre ces barbares du Nord, qui ne voulaient pas accepter, à l'instar des Franks, la civilisation et le christianisme, devait se prolonger près de trente ans encore. Cette fois, ils feignirent de se soumettre, suivant leur habitude; mais, l'année d'après (777), Charlemagne fut obligé de venir encore pour exiger le renouvellement de leurs promesses. Les plus déterminés d'entre eux, à la tète desquels se trouvait un chef redoutable nommé Witikind, quittèrent la Saxe et cherchèrent un refuge chez les Danois. En 778, comme Charlemagne était en Espagne avec son armée, les Saxons reprirent courage et vinrent saccager les bords du Rhin depuis Cologne jusqu'à la Moselle. Witikind était revenu. Ils furent poursuivis jusque chez eux; puis Charlemagne envahit de nouveau leur pays, forçant tous les habitants à recevoir ou la mort ou le baptème. Il savait que l'exemple et la prédication valaient mieux que son épée pour réduire cette contrée indomptable, et il s'efforçait d'y installer ou d'y rétablir, à chacune de ses campagnes, des missionnaires chrétiens, des évêques, des colonies de moines agriculteurs. Chaque année, de 779 à 785, l'armée des Franks revint occuper militairement la Saxe, qui se débattait en vain. En 782, un corps d'armée, commandé par deux des principaux officiers du roi, fut complétement taillé en pièces par Witikind et ses partisans; aussitôt Witikind se retira prudemment en Danemark. Charlemagne accourt, se fait livrer par les Saxons tous ceux de leurs guerriers qui ont pris part au combat, et leur fait à tous (ils étaient 4500) trancher la tête en un seul jour. A la nouvelle de cette cruauté, qui s'accomplit au village de Werden, sur l'Aller, la Saxe se souleva de nouveau et fut de nouveau vaincue, puis ravagée dans tous les sens. Enfin Witikind consentit à faire sa soumission et à venir recevoir le baptême dans un des palais du roi, à Attigni, sur l'Aisne (785). Ce fut un grand pas vers la pacification; la Saxe demeura tranquille pendant huit années de suite; elle donna encore lieu à quelques prises d'armes, mais moins violentes, et, en 803, se souleva pour la dernière fois. Elle était conquise au christianisme par trente-deux ans de ravages, par la destruction de la moitié de ses habitants, et par des lois qui punissaient de mort, non-seulement les moindres méfaits, mais jusqu'à l'infraction aux jeûnes prescrits par l'Église.

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le comte Hartrad. Charles sut déjouer cette conspiration, dont les chefs, après avoir comparu à l'assemblée de Worms (786), furent mis à mort, exilés ou condamnés à perdre les yeux: Les Bretons, restés indépendants à la condition de payer un tribut, avaient refusé de s'acquitter de ce devoir et fait des incursions au delà de leurs frontières. Mais, contraints par la force, ils se soumirent et livrèrent des otages, qui furent amenés au roi à la même assemblée, à Worms. En Bavière, le pays était gouverné par une antique et illustre famille, aussi noble que celle des Carolingiens, et dont le chef était encore, à cette époque, ce Tassillon, duc des Bavarois, dont nous avons parlé, et qui avait épousé une fille de Didier, roi des Lombards. Tassillon et son épouse souffraient avec douleur le joug des Franks, dont ils étaient aussi tributaires. Leur animosité se dissimulait à peine, et ils ourdirent enfin le projet de se soulever, en appelant à leur aide les populations slaves qui habitaient à l'est de la Bavière et les Italiens. Charles fit aussitôt marcher deux armées contre les Bavarois, et arriva en personne à la tête d'un troisième corps. Tassillon, voyant la résistance impossible, « vint en suppliant demander pardon de ce qu'il avait fait. Le roi, extrêmement doux de sa nature, se rendit à ses supplications, et consentit à recevoir de lui treize otages, parmi lesquels était Théodon, fils du duc; puis, s'étant assuré des habitants du pays par un serment de fidélité, il rentra en France. » (Éginhard.) Mais l'année suivante (788), l'assemblée des Franks, tenue à Ingelheim, fit comparaître le duc des Bavarois, et le condamna à mort comme traître. Charlemagne ne fit point mettre cette sentence à exécution; mais Tassillon, sa femme, son fils, ses filles, furent enfermés dans différents monastères, où ils terminèrent leurs jours.

La domination de Charles s'étendait sur presque toutes les nations qui parlaient ou la langue germanique ou la langue latine. Mais sur la droite de l'Elbe, près de son embouchure, sur les bords de la Baltique et de la Scandinavie, se trouvaient des Germains encore insoumis, Danois, Normands, Saxons maritimes. Trois vaisseaux danois débarquèrent, en 788, sur les côtes d'Angleterre, et inaugurèrent ainsi ces invasions terribles qui devaient durer deux siècles. Le reste de la rive. droite de l'Elbe, depuis le Holstein jusqu'à la Bohême, était occupé par des peuples slaves alliés.. Mais du côté de la Pannonie, les Huns et les Abares, peuples tatares, ainsi que d'autres peuplades sarmates et esclavonnes, étaient en contact avec les Franks. Deux armées abares, qu'avait appelées Tassillon, vinrent trop tard pour le sauver, mais attaquèrent, l'une le Frioul, l'autre la Bavière. Les Abares furent repoussés, puis refoulés chez eux. La guerre avec eux dura huit ans (788-796), et fut presque aussi rude que celle contre les Saxons. Les Franks enlevèrent à l'ennemi tant de richesses, amassées par le pillage de l'empire grec, qu'ils

devinrent opulents de pauvres qu'ils étaient, dit Éginhard. Le roi des Abares fut obligé de se convertir au christianisme avec une partie des siens. Ce peuple, jusque-là redoutable, avait tellement souffert dans cette lutte qu'il n'y avait plus même trace d'habitation dans une partie du pays qu'il occupait, la Pannonie, et que Charlemagne dut y établir des garnisons et y fonder des villes pour la défendre contre les Slaves plus éloignés; la contrée prit alors le nom de frontière orientale (Marca Austriaca): ce fut, depuis, l'Autriche.

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