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De sa seconde femme, « la noble et belle Alpaïde », était né à Peppin de Héristal un troisième fils, qui fut appelé Karle, et justifia son nom en devenant « beau, valeureux et propre à la guerre ». Ce fils devait être le grand Charles Martel. Une irréconciliable haine divisait les deux reines et leurs enfants. L'évêque de Maestricht, saint Lambert, partisan de Plectrude, qu'en vertu de la loi chrétienne il regardait comme seule femme légitime, fit un jour à Alpaïde, en plein banquet, la plus mortelle offense: il refusa de bénir la coupe de celle qu'il appelait la concubine du duc. Dode, « grand domestique» ou chef de la maison de Peppin, et frère d'Alpaïde, engagea alors contre les parents et amis de l'évêque une guerre privée, qui se termina par le meurtre de saint Lambert suivi de la disgrâce d'Alpaïde et des siens. En 744, une maladie de Peppin, que tout le monde jugea mortelle, mit de nouveau les deux partis aux prises, et cette fois, Grimoald, le dernier fils de Plectrude, succomba. La douleur ranima le vieux duc, qui, dans un suprême effort, « extermina tous ceux qui avaient trempé dans le complot », et excluant de sa succession son autre fils Karle, qu'il soupçonnait au moins de ne pas avoir pleuré son frère, il établit maire du palais auprès du roi Dagobert III, enfant qui avait succédé à Childebert en 714, un autre enfant, Théodoald, que Grimoald avait eu d'une concubine avant d'épouser la fille de Radbod. Puis le « grand duc, le vrai prince des Franks, mourut le 16 décembre 744. Il avait commandé vingt-sept ans et six mois à tout le peuple frank, avec les rois à lui soumis, Thierri, Clovis, Childebert et Dagobert. »>

Même sous le puissant patronage de Peppin de Héristal, la Neustrie n'avait subi qu'avec impatience la prépondérance austrasienne, et, à plusieurs reprises, à chaque changement de règne surtout, elle avait tenté de se relever. La mort du duc ranima avec plus de violence ces velléités d'indépendance; et comme l'énergique Plectrude s'était mise en marche, sous la protection des leudes de Peppin et de Grimoald, pour aller installer son petit-fils Théodoald dans la mairie de Neustrie, les Neustriens se soulevèrent, et ayant assailli l'armée austrasienne dans la forêt de Compiègne, en firent un grand carnage. Puis, sur le champ de bataille même, ils élurent pour maire (745) un leude angevin nommé Rainfroi, qui, prenant aussitôt l'offensive, enleva la Cham

pagne aux enfants du fils aîné de Peppin, et, par d'habiles émissaires, excita Frisons et Saxons à envahir de leur côté le royaume de l'Est. Prise entre tant d'ennemis, l'Austrasie allait succomber: Plectrude s'était enfermée dans Cologne comme dans un dernier refuge, et aucun chef n'avait l'autorité nécessaire pour grouper autour de lui les leudes dispersés. Tout à coup le bruit se répand que Karle, le fils déshérité et maudit de Peppin, a pu s'échapper de la prison où Plectrude l'avait fait jeter dans le premier moment de son avénement au pouvoir. Il était dans la force de l'àge, et avait déjà conquis un grand renom comme guerrier; ses traits offraient beaucoup de ressemblance avec ceux de son illustre père; on l'accueillit avec enthousiasme, comme on accueille un sauveur : « C'était, dit un chroniqueur, comme le soleil qui renaît et qui paraît plus brillant après une éclipse.» Tout son courage, toute son activité, ne purent empêcher cependant les Neustriens de Rainfroi et les Frisons de Radbod d'opérer leur jonction sous Cologne, et Plectrude dut leur abandonner une partie des trésors de Peppin, pour pouvoir se racheter elle et la grande cité. Mais comme l'armée neustrienne, chargée de butin, traversait en désordre les Ardennes pour regagner ses foyers, l'infatigable Karle la harcela, et, l'ayant surprise dans la plaine d'Amblef (Limbourg), lui tua beaucoup de monde et la poursuivit jusqu'au delà de la frontière. La campagne suivante (747) ne se passa pas de même en brillantes escarmouches, mais produisit des résultats décisifs. Les deux armées se rencontrèrent à Vinci, dans le Cambraisis. Avant d'engager la bataille, Karle envoya réclamer du roi Chilpéric II, fils présumé de Childeric, que les

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Neustriens, à la mort de Dagobert III, avaient préféré au fils encore enfant de ce dernier, le principat qu'avait eu Peppin sur les Franks neustriens. Le maire Rainfroi, contre qui cette réclamation était dirigée, menaça Karle à son tour de lui enlever le commandement des Franks austrasiens et « le somma de se préparer à tenter le jugement de Dieu pour le lendemain, afin que la puissance divine décidat à qui appartiendrait le royaume des Franks ». Les Neustriens, pleins de confiance dans les talents militaires de Rainfroi et dans l'ardeur de leur nouveau roi, qui, monté tard sur le

trône (il avait près de quarante-cinq ans), tenait à honneur de ne pas ressembler à ses inutiles prédécesseurs, ne doutaient pas que la journée qui se préparait si solennellement ne fût pour eux une revanche éclatante du désastre de Testri. « La bataille fut très-cruelle, et l'on combattit très-longtemps avant de savoir à qui resterait la victoire.» Enfin les Neustriens fléchirent et entraînerent Chilpéric et Rainfroi dans leur fuite; Karle les mena battant jusque sous les murs de Paris; mais, forcé de revenir sur ses pas, pour faire face aux Frisons et aux Saxons qui attaquaient au nord et à l'est la frontière austrasienne, il n'eut pas le temps d'achever sa victoire. Néanmoins les leudes austrasiens jugèrent qu'il avait bien mérité de la patrie, et ne souffrirent pas que Plectrude, laquelle d'ailleurs venait de perdre son petit-fils, lui disputât plus longtemps le pouvoir.

Sculpture du tombeau de sainte Plectrude, femme de Peppin de Héristal, au chevet de Sainte-Marie du Capitole, à Cologne.

Plectrude « lui rendit les trésors de son père et remit tout en ses mains »; puis on le proclama duc ou prince d'Austrasie, titre qu'avaient porté les deux Peppin, et qu'il était appelé à grandir encore. Dans le même temps, à l'exemple de Rainfroi, il se donna pour roi, ainsi qu'à l'Austrasie, un Merovingien non moins douteux que Chilpéric et qui prit le

nom de Clotaire IV; mais ce roi vécut deux ans au plus.

Rainfroi, prévoyant un prochain retour offensif de Karle, présentement occupé à châtier les Saxons du Weser, s'était ménagé de nouveaux auxiliaires; en même temps qu'il renouait plus étroitement son

Monnaie de Charles Martel. (691-741.)

alliance avec Radbod, il avait obtenu d'Eudes, dans les premiers mois de l'année 749, une armée complète d'Aquitains et de Wascons, moyennant la reconnaissance formelle des prétentions de l'ancien duc de Toulouse au titre de roi d'Aquitaine et à .la souveraineté réelle sur toute la Gaule méridionale. La mort du vieux roi des Frisons laissa Karle libre de courir au-devant de l'armée coalisée avec toutes ses forces, qu'autrement il eût été forcé de diviser. Le choc eut lieu près de Soissons, sur les bords de l'Aisne; la masse confuse, hétérogène de l'armée neustro-aquitaine fut culbutée à la première charge des Austrasiens. Rainfroi fut séparé, dans la déroute, du roi Chilpéric que le duc Eudes emmena, plutôt comme prisonnier que comme ami, jusqu'au delà de la Loire. Il eût pu s'arrêter avec lui à Paris et attendre que le maire Rainfroi les y rejoignît; mais il ne fit que traverser la ville et emporta, en fuyant, le trésor royal de Neustrie. Karle, dont le roi, Clotaire, venait de mourir, envoya réclamer d'Eudes et le royal otage et ce butin qui n'avait pas été gagné. Eudes, qui se sentait menacé du côté des Pyrénées, s'exécuta de bonne grace et renvoya au delà de la Loire le pauvre Chilpéric. « Karle agit miséricordieusement envers lui et l'établit roi sous son autorité. » Mais il vint à mourir quelques mois après, et Karle dut le remplacer par le fils de Dagobert III, qu'on appela Thierri de Chelles, parce qu'il avait été nourri dans le couvent de femmes fondé à Chelles par la reine Bathilde. Karle eut encore facilement raison d'une dernière tentative de soulèvement concertée en Neustrie par ses deux neveux Arnold et Hugues avec l'ex-maire Rainfroi, et il prit pleine et définitive possession du royaume de l'ouest.

C'est alors qu'il consomma l'invasion violente des biens ecclésiastiques, qui lui a été si fort imputée à crime par les historiens anciens ou modernes, et qui même l'a fait soupçonner d'ètre toujours demeuré païen. Karle, sans partager, il est vrai, la dévotion héréditaire dans sa famille, la plus riche peut-être en saints et en saintes qui fût jamais, n'avait pas pactisé avec les sectateurs d'Odin, non plus que renoncé au puissant concours des missionnaires; en poursuivant de ses armes victorienses les Saxons et les Frisons, il avait spécia

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lement favorisé les travaux du pieux et éloquent Winfried (saint Boniface); mais la spoliation de l'Église de Gaule fut pour lui une impérieuse nécessité que l'état du clergé justifiait. « Depuis longtemps déjà les évêques, hommes de très-noble race pour la plupart, s'adonnaient aux intérêts du siècle » plus qu'il ne convenait à des pontifes; beaucoup d'entre eux s'étaient créé, le fer à la main, de véritables royaumes aux dépens des diocèses voisins. Le lien ecclésiastique depuis longtemps s'était relâché; autant les malls ou assemblées politiques étaient redevenus fréquents et réguliers,

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du côté du Rhin, contre les alliances incertaines du pays d'outre-Loire, contre l'orage qui grossissait derrière les Pyrénées, s'assurer de forces suffisantes, retenir autour de lui les vainqueurs de Vinci et de Soissons, attirer de nombreuses et vaillantes recrues. Les terres, les dignités de l'Église, inépuisables ressources, livrées en proie à ses guerriers, eurent bientôt rallié autour de Karle toute la Gaule franke; alors, mais alors seulement, il put combattre et vaincre les musulmans, qui dès 712 ou 713 avaient franchi les Pyrénées, c'est-à

dire sauver l'Europe, l'Église elle-même et la ci

vilisation.

Les progrès des Arabes en Gaule avaient été singulièrement rapides. Narbone, capitale de la Septimanie ou de la Gothie gauloise, avait été leur première étape (749); et dès le printemps de l'année 724, le roi d'Aquitaine s'était vu attaquer à son tour. Eudes tint ferme d'abord et remporta même sous les murs de Toulouse une éclatante victoire sur El-Samah, le wali d'Espagne, qui périt dans l'action; mais on ne voit pas qu'il en ait tiré tout

le fruit possible, et en 725 le wali Anbessa put reprendre « l'œuvre de la conquête du Frandjat » (pays des Franks) ou de la Grande-Terre. Il acheva en peu de temps de soumettre la Septimanic, depuis Carcassone jusqu'à Nîmes, et poussa ses coureurs en avant, à travers la Bourgogne, jusqu'au pied des Vosges; mais en voulant pénétrer dans la Provence, où commandait le duc Mauronte, homme d'intelligence et d'énergie », il trouva la mort. Eudes avait obtenu quelques années de répit en mariant sa fille à l'émir Munuz, préposé au commandement des Pyrénées orientales. Munuz était Berbère, et en apprenant « que la cruelle témérité des juges arabes opprimait ceux de sa nation dans la région de Libye », il avait juré de se venger, avait fait la paix avec les Aquitains, et projeté d'usurper le souverain pouvoir sur les Sarrasins d'Espagne ». Cependant Abd-el-Rahman, l'ancien lieutenant d'El-Samah, avait été promu au rang de wali d'Espagne (729) et avait imprimé aux préparatifs de « la guerre sainte » une nouvelle et puissante impulsion. Eudes et Munuz surveillaient ses mouvements avec inquiétude, et concertaient déjà leur plan de défense, lorsqu'on apprit à Toulouse que l'invincible chef des Franks avait franchi la Loire, dévasté le Berri et pris Bourges.

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Cette agression, qu'avaient précédée quelques démėlės entre Karle et Eudes, mais dont le vrai motif était la nécessité pour Karle d'occuper sans cesse ses armées et de les pourvoir de butin, eut de funestes conséquences pour l'Aquitaine : Eudes s'étant haté de voler dans le Berri, pour tâcher de reprendre Bourges, laissa Munuz exposé seul aux coups d'Abdel-Rahman. Celui-ci saisit ce moment propice: il assaillit et accabla dans ses montagnes l'émir des Pyrénées, qui succomba en défendant Lampegia, sa belle épouse; puis, au lieu d'attaquer l'Aquilaine par la Septimanie, comme avaient fait ses prédécesseurs, il passa par Pampelune, traversa les Pyrénées occidentales, et, franchissant le port ou défilé de Roncevaux et la vallée de la Bidouze, inonda la Wasconie gauloise en mai ou juin 732. D'un bond, il atteignit Bordeaux, qu'Eudes, revenu à temps des bords de la Loire, espérait sauver par une victoire, comme il avait fait à Toulouse quelques années auparavant. Eudes combattit comme un lion : il avait à venger sa fille, qu'Abdel-Rahman avait envoyée en présent au calife, et la dévastation de ses États; mais son armée fut écrasée, « et Dieu sait le nombre de ceux qui moururent dans cette journée ». En fuyant, Eudes put voir l'incendie de Bordeaux, saccagé et détruit par l'impitoyable vainqueur. Il ne pouvait plus rien par lui-même pour arrèter ce torrent; pressé entre deux ennemis également redoutables, et réduit à se livrer à l'un ou à l'autre, il choisit le moins barbare, franchit la Loire et courut se jeter dans les bras du duc Karle, qui, en le voyant arriver presque seul et dénué de tout, se sentit menacé à son tour et se tint prêt.

Les bandes arabes s'étaient, aussitôt après le

sac de Bordeaux, jetées à travers l'Aquitaine dans toutes les directions, portant le fer et la flamme à la fois dans les montagnes de l'Auvergne ou du Vélai, et jusque dans l'Orléanais, l'Auxerrois et le Sénonais; mais la grande réputation de richesse de la basilique de Saint-Martin de Tours étant parvenue aux oreilles d'Abd-el-Rahman, il s'occupa de rallier tous ses cavaliers sur les bords de la Charente, et se dirigea sur Tours par Poitiers. Sans s'arrêter au siége de cette ville, où toutes les populations rurales des environs s'étaient réfugiées, il pilla et réduisit en cendres la célèbre basilique de Saint-Hilaire, et continua sa marche vers Tours. Mais il n'atteignit pas les bords de la Loire, et dut même se replier sur Poitiers en apprenant l'approche d'une formidable armée de Franks ou d'Européens, comme l'appelle le chroniqueur Isidore de Béja, qui accourait au secours « de la maison du bienheureux Martin ». On n'a rien dit de trop en proclamant le moment où les Franks et les Arabes se trouvèrent en présence, « l'un des plus solennels des fastes du genre humain ».

Par une étrange coïncidence, c'était aux mêmes lieux où Clovis, au commencement du sixième siècle, avait vaincu et tué Alaric, et, par sa victoire, arrêté pour toujours les progrès de l'arianisme, que Karle, défenseur de la chrétienté, venait s'opposer au flot envahissant de l'islamisme. Durant six jours entiers on s'observa de part et d'autre, sans engager le combat autrement que par escarmouches; enfin le septième jour, qui était un samedi de la fin d'octobre (732), Abd-el-Rahman donna le signal, et toute sa cavalerie s'élançant à la fois fondit sur l'armée franke. Mais, « comme un mur de fer,» le front de bataille des guerriers du Nord résista sans rompre à ce choc terrible; « on les eût dit enchaînés, soudés les uns aux autres ». Vingt charges pareilles vinrent se briser contre les masses austrasiennes, sans lasser l'acharnement des musulmans. Et la lutte était encore indécise vers la dixième heure du jour, lorsque tout à coup des cris confus et un grand tumulte retentissent sur les derrières de l'armée arabe : c'était le roi Eudes qui, avec ses Aquitains, avait, sur l'ordre de Karle, tourné l'ennemi et attaqué son camp. Pour sauver leurs richesses entassées sous ces tentes, un grand nombre des cavaliers d'Abd-el-Rahman, sourds à la voix de leur chef, oublient l'ennemi qui leur fait face et volent à la défense du camp. Alors Karle et ses Austrasiens s'ébranlent à leur tour et renversent tout sur leur passage: Abd-el-Rahman se fait tuer pour ne pas survivre à la honte des siens. Karle, cependant, n'ose pénétrer de nuit dans cette mer de tentes que les premiers escadrons arabes avaient aisément arrachées des mains d'Eudes; il veut se réserver pour la bataille du lendemain et fait sonner la retraite. « Les Européens, brandissant leurs glaives avec dépit », se rallient et passent la nuit dans la plaine. Le lendemain, leurs éclaireurs trouvaient ce vaste camp vide : les rapides cavaliers de l'Afrique, après avoir éprouvé qu'ils

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c'est-à-dire reçu l'hommage d'Eudes, retourna en France dans la gloire de son triomphe. Dès lors tous commencèrent à le surnommer Martel, parce que, comme le martel brise toute espèce de fer, ainsi Karle, avec l'aide du Seigneur, brisait ses ennemis dans toutes les batailles ». Il revint, au printemps de l'année 733, avec l'intention d'achever la conquête du midi et d'ajouter à l'Aquitaine la Bourgogne, qui depuis si longtemps ne reconnaissait plus la suzeraineté des Franks, et s'était démembrée entre vingt chefs turbulents, clercs ou laïques. << Il pénétra dans le royaume de Burgondie avec un puissant corps d'armée, soumit Lyon et les autres cités à son pouvoir, confia aux plus éprouvés de ses ducs et leudes les confins de cette région à défendre contre les peuples rebelles et infidèles, conclut une trève (sans doute avec Mauronte, le belliqueux duc de la province marseillaise), et s'en retourna victorieux », comme toujours.

Rahman, Okbah, l'ordre de concentrer toutes ses forces autour de Saragosse et de se tenir prêt à marcher en avant au premier signal; d'autre part, Eudes était mort (735), et son fils Hunald prenait ses mesures pour s'affranchir de la suprématie franke; enfin, en haine de la domination des hommes du Nord, le duc Mauronte et les autres seigneurs provençaux s'étaient reconnus tributaires du calife, avaient livré Arles, puis Avignon, à Joussouf, wali provincial de Septimanie, qui, à l'aide de ce double point d'appui, avait pu couvrir de ses cavaliers toute la Provence, puis la Viennoise, et même s'emparer de Lyon. Trop de motifs sérieux, comme on voit, appelaient Karle au delà de la Loire. Il commença par se diriger sur Bordeaux pour dompter le rebelle Hunald, mais éprouva une résistance à laquelle il ne s'était pas attendu, et, pressé comme il l'était par le temps, il consentit à lui donner, à lui laisser plutôt le duché d'Aquitaine, moyennant un serment de fidélité prêté à lui et à ses fils Peppin et Karloman, « pacte qui devait être peu durable ». Puis il se hâta de marcher vers la Durance.

A la première nouvelle de son approche, tous les partis arabes dispersés dans la Provence et la Viennoise se replièrent sur Avignon et s'y renfermèrent; mais les murs mèmes « de cette trèsforte cité» ne purent arrêter l'invincible Karle, et ses défenseurs « furent exterminés par le fer et la flamme ». De là, il tourna ses armes contre la Septimanie, et vint assiéger avec la même vigueur, mais non plus avec le même succès, Narbone, chef-lieu des établissements arabes en Gaule. L'émir Othman (l'Adthima des chroniques), lieutenant de Joussouf, dirigea la défense avec une infatigable énergie; en vain Karle refoula et jeta dans l'étang de Sigean une armée de débarquement que l'émir Omar ou Amos avait amenée en toute hâte au secours de Narbone, le brave Othman repoussa tous les assauts et lassa la patience de Karle. Les Franks se retirèrent en frémissant et se vengèrent avec barbarie sur le reste de la Septimanie, pillèrent les « villes très-célébres de Nîmes, d'Agde et de Béziers », rasèrent Maguelonne, et essayèrent de détruire par le feu les arènes de Nîmes, ce monument de la grandeur romaine, que les Goths et les Arabes avaient res

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de ce pays qu'ils voyaient pour la première fois, et emmenaient une multitude de captifs, « accouplés deux à deux comme des chiens >>.

De nouvelles incursions des Frisons dans les marches austrasiennes, plus hardies et plus fréquentes depuis que le jeune duc ou roi Pappo avait remplacé le vieux Radbod, réclamaient la présence de Karle dans le nord et une prompte ré-pecté (737). Ils emportaient d'immenses richesses pression de sa part. Il équipa durant l'hiver un grand nombre de navires dans les ports de Neustrie, et, aussitôt après le mall de 734, « descendit dans les îles des Frisons, dans la Westrakhie et l'Austrakhie », défit et tua le duc Poppo, coupa les bois sacrés, brûla les idoles, et poursuivit ces incorrigibles pillards « jusqu'à extermination; ceux qu'il laissa vivants livrèrent des otages en garantic de leur obéissance ». Le coup avait été tel que, durant trois ou quatre ans, Karle n'eut plus à franchir ni même à surveiller la frontiere austrasienne, et fut libre de donner tous ses soins au midi.

Le khalifat avait envoyé au successeur d'Abd-el

L'année 738 fut occupée tout entière à châtier les Saxons, les plus entètés des païens (paganissimi), qui avaient de nouveau, en l'absence de Karle, franchi le Rhin. Il eut aussi à réprimer une conspiration neustrienne, dont le but paraît avoir été de contraindre Karle à donner un successeur au roi Thierri IV, mort l'année précédente. Mais Karle voulut que le trône restât vide, pour la première fois, et continua de gouverner, comme par le passé, tout l'empire sous le simple titre de duc

Tun da 1 Best rue St-Maur SLC 45

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