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la sombre haine de l'homme nouveau qui se venge des mépris d'une caste en dehors de laquelle l'a laissé sa naissance, et les instincts politiques du fondateur qui, voulant tirer la société de l'anarchie aristocratique, parut chercher dans l'alliance étroite du peuple et du roi, ce point d'appui solide qui avait manqué à Brunehaut. Aussi, à mesure qu'il réunissait au fisc, par voie de confiscation ou de révocation, des domaines qui sans lui n'y enssent jamais fait retour, il s'appliquait à les répartir entre un plus grand nombre de petits bénéficiaires, tous pris dans la classe du sein de laquelle lui-mème était sorti, et parlant doublement intéressés au maintien de son œuvre. A cet effet encore, il se garda d'avoir jamais recours à la ressource du cens, le plus productif, mais le plus onéreux des impôts, et qui, comme tel, avait suffi à dépopulariser le gouvernement de Dagobert. D'autre part, il prit la mesure, pour extirper les tyrannies locales, de décider, en dépit de la constitution de 644, qu'à l'avenir les ducs et les comtes exerceraient leurs commandements loin des provinces où se trouvaient situés leurs domaines.

L'aristocratie franke n'avait pas été longue à reconnaître en Ébroin un mortel ennemi, et partout la résistance s'était organisée. Dès 660, les Austrasiens, qui avaient accepté sans murmure l'administration paternelle d'Erkinoald, réclamérent l'envoi à Metz du petit Childeric, second fils de Clovis II, qu'ils reconnurent comme leur roi particulier, et commirent à sa garde le duc Wulfoald, élu maire du palais. En Neustrie, l'évèque de Paris, Sighebrand, la reine Bathilde, l'évêque de Lyon et celui d'Autun, le célèbre saint Léger, tentèrent tour à tour de rallier les mécontents; mais les évêques de Paris et de Lyon furent massacrés par la foule ameutée, et la reine Bathilde, jusquelà vénérée de tous, dut se réfugier précipitamment dans le monastère de Chelles. Seul, l'évêque d'Autun, plus hardi ou plus habile, réussit à former en Bourgogne un redoutable parti d'opposition et à inquiéter sérieusement Ebroin.

Un édit parut, qui interdisait l'accès du palais du roi à tout seigneur bourguignon qu'on n'aurait pas spécialement mandé. La lutte désormais était engagée; une nouvelle violation des coutumes nationales, plus flagrante encore que les autres, la -précipita. Le roi Clotaire III étant venu à mourir subitement, Ébroin, qui ne craignait rien tant que de se trouver en présence d'un mâll ou assemblée solennelle des leudes, osa contremander leur convocation, et de sa seule autorité proclamer roi le jeune Thierri, troisième fils de Clovis II. Ce fut le signal d'un déchaînement irrésistible des ennemis d'Ébroin des députés allèrent offrir les couronnes de Neustrie et de Bourgogne au roi d'Austrasie Childéric, tandis qu'Ebroin, abandonné de tous, se réfugiait dans une église et se voyait tonsurer ainsi que Thierri, son pupille, et exiler lui-même au monastère de Luxeuil, tandis que Thierri était envoyé à Saint-Denys (670).

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tuteurs qu'on lui imposait, et, par l'exil, de l'impérieux saint Léger, qu'il trouva plaisant de réunir dans Luxeuil à son ancien rival Ebroin. Il finit par faire attacher à un poteau et battre de verges, comme il eût fait d'un esclave, le leude Bodilon. C'était aller trop loin: Bodilon et ses amis s'embusquèrent dans la forêt de Livri, près de Chelles, où le roi chassait souvent, et le tuèrent, lui, sa femme enceinte et un petit enfant (673). Le maire Wulfoald, qui se trouvait alors près du roi, s'étant

lui répondit ces seuls mots : « Qu'il te souvienne de Frédégonde! » Ébroin, « comme il avait l'esprit ouvert », comprit qu'il lui fallait, pour éviter le sort de Grimoald, mettre en avant un nom qui légitimât sa cause, et proclama roi, sous le nom de Clovis III, un enfant qu'il prétendit être fils de Clotaire III, comme Frédégonde avait fait passer le fils de l'adultère, le fils de Landri, pour celui de Chilpéric. Puis, prenant aussitôt l'offensive, il débusqua facilement Leudès de Pont-Sainte-Maxence, s'empara, près de Corbie, du trésor royal, et de la personne même du roi Thierri, à Créci en Ponthieu. Il laissa courir le bruit de la mort de ce

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Serpent à deux têtes gravé sur une plaque d'argent trouvée dans le tombeau de Childéric II', au choeur de l'église Saint-Germain des Prés.

enfui en Austrasie, une anarchie complète éclata. « Tous ceux que Childéric avait condamnés à l'exil raccoururent, comme des serpents qui sortent de leurs cavernes, tout gonflés de venin, au retour du printemps. Leur fureur déchaînée suscita un si grand trouble dans le pays, qu'on croyait voir l'avénement de l'Antechrist; les gouverneurs des provinces s'entre-déchiraient par des hostilités incessantes, et chacun faisait ce qui lui semblait bon, sans crainte de châtiment. >>

LUTTE D'ÉBROIN ET DE SAINT LÉGER.

Ébroin et saint Léger n'avaient pas été les derniers à reparaître; leur captivité commune semblait les avoir réconciliés, et, avant de quitter Luxeuil, ils avaient juré, en présence de l'abbé, d'oublier le passé; mais la liberté les eut bientôt rendus à leur haine mutuelle et à leurs projets

M

BRO INO

Monnaie d'Ébroin. (660-681.)

ambitieux. L'évêque d'Autun gagna Ébroin de vitesse, et, arrivé le premier à Paris, auprès du jeune Thierr-, qu'on venait de tirer aussi de sa prison de Saint-Denys, il se hâta de le faire élire roi, avec Leudès, fils d'Erkinoald, pour maire du palais. Cependant Ébroin s'était rendu dans le Soissonnais, son pays, et de là avait fait appel aux gens de petit état; son armée fut bientôt formée; mais avant d'agir, il eut un moment d'hésitation et envoya demander conseil au vieil évèque de Rouen, à saint Ouen, l'ancien ministre de Dagobert, qui

Statue de saint Léger, à l'abbaye de Hohembourg (1). (Douzième siècle.)

prince, mais se contenta de l'enfermer dans une retraite sûre, d'où il se réservait de le tirer à l'occasion, pour s'en faire un instrument utile: quant à Leudès, qui, sur la foi d'Ébroin, s'était rendu à lui, il fut massacré sans pitié.

Toute la Neustrie reconnut Clovis III, mais l'Austrasie et une partie de la Bourgogne s'y refusèrent. Sur l'avis de la veuve de Sigebert II, qui avait été informée, par des voyageurs, que son fils Dagobert vivait encore au fond du monastère d'Irlande où dix-huit ans auparavant l'ambitieux Gri

(') D'après les RR. PP. bénédictins dom Pitra et dom David, Vie de saint Léger.

Typ. de J. Dest, rue St-Maur-St G., 15.

moald l'avait déporté, Wulfoald et les leudes austrasiens rappelèrent l'exilé, décidés à l'opposer au faux roi d'Ebroin.

:

Autun, naturellement, était le centre de la résistance bourguignonne; saint Léger s'y était enfermé et fortifié. Ebroin, encore occupé à poursuivre Leudes et Thierri, envoya, pour réduire Autun, ses lieutenants, le duc de la Champagne troyenne et les évèques de Chalon et de Mayence, ennemis particuliers de saint Léger à leur approche, l'évêque d'Autun fit briser sa vaisselle d'argent et distribuer tout son trésor aux églises et à la population, puis il ordonna un jeûne de trois jours, et acheva, par une pénitence publique, d'électriser les habitants, qui repoussèrent un premier assaut avec beaucoup d'énergie. Toutefois saint Léger eùt consenti à payer rançon pour lui et pour la ville; mais comme on exigeait « qu'il promît sa foi au roi Clovis,» il refusa; là-dessus l'attaque recommença plus acharnée qu'auparavant. C'est alors que le magnanime évèque voulut se dévouer pour sauver son troupeau : « il dit adieu à tous ses frères, communia par le pain et par le vin », et vint se livrer aux ennemis, qui, par ordre d'Ébroin, lui creverent les yeux, et, après plusieurs jours de tortures, le reléguèrent dans les environs de Troyes.

Genesius (saint Genest), métropolitain de Lyon et ami de saint Léger, fut plus heureux : «<les peuples, rassemblés de toutes parts, ne permirent pas à l'armée d'Ébroin de s'emparer de la grande cité de Lyon. »

Afin d'effacer l'effet de cet échec, Ébroin jugea opportun de sacrifier le faux Clovis, et, revenant au vrai roi, remit Thierri sur le trône; puis il reprit, avec le titre de maire du palais, ses plans interrompus par les derniers troubles. Mais une fois encore i les compromit par l'excès de ses rigueurs. Inquiet, sans doute, de la pieuse popularité qui s'était attachée à la personne de saint Leger, il imagina de l'impliquer dans un procès intenté aux meurtriers du roi Childéric. Sans même attendre que le synode l'eût condamné, il lui fit couper les lèvres et le bout de la langue; puis, sa condamnation obtenue, il le livra au bourreau, qui lui déchira sa tunique du haut en bas et le décapita (678). Guérin, frère de la victime, avait été lapidé comme complice de Bodilon.

Cependant les mécontents, les proscrits neustriens, trouvaient un asile assuré en Austrasie, ой l'aristocratie venait de triompher définitivement. Dagobert II, ce roi moine venu d'Irlande sur l'appel mème des grands, s'étant courageusement proposé Childéric pour modèle, avait fini, comme lui, de mort violente; à la suite d'une insurrection des ducs, un jugement et une condamnation étaient intervenus contre «< ce destructeur de villes, qui méprisait les conseils des seigneurs; qui humiliait, comme Roboam, fils de Salomon, les peuples par des tributs; qui ne respectait ni les églises de Dieu, ni leurs évèques »; et « du consentement desdits evêques, on lui avait plongé un glaive dans l'aine

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Ce champ de bataille fut une fois encore fatal aux Austrasiens : « une multitude immense » des leurs périt, et ils finirent par « tourner le dos, poursuivis avec un cruel carnage par Ébroin, qui dévasta tout le pays. Martin et Peppin s'enfuirent dans des directions opposées; quant à Ébroin, après avoir achevé sa victoire, il ramena son armée à la ville d'Ercheregum (Ecri-sur-Aisne) »>, de la menaçant la cité de Laon, où Martin s'était enfermé. Mais comme un siége lui eût fait perdre des moments précieux, il imagina de députer au duc austrasien deux prélats, l'un austrasien comme lui, Reolus, métropolitain de Reims, l'autre neustrien, Égilbert évêque de Paris, tous deux si vénérés qu'ils figurent au nombre des saints. Ébroin leur donna la mission d'inviter Martin et de le décider par un serment solennel à venir, dans une entrevue amicale, s'entendre avec lui des moyens de pacifier le royaume. Les deux prélats, se défiant de celui qui les envoyait et craignant de se parjurer, viderent furtivement les reliquaires sur lesquels ils devaient jurer que Martin aurait la vie sauve. Rassuré par leurs paroles, Martin vint au rendez-vous, qui se trouva être un guet-apens où il fut massacré traitreusement lui et les siens. Puis, marchant à la conquête de l'Austrasie, Ébroin soumit la Champagne et l'Alsace; mais la mort l'arrêta à son tour. Le Neustrien Ermenfried, qu'il avait puni de malver

sations graves par la confiscation de ses biens, mais qui redoutait pis encore, voulut le prévenir et imita Bodilon. I vint s'embusquer, avec une troupe de gens armés, près de la maison d'Ébroin, et au point du jour, comme le maire du palais franchissait le seuil de sa porte pour aller entendre les matines dans l'église voisine, il fondit sur lui et le tua roide d'un furieux coup d'épée asséné sur la tête (684). Puis il s'enfuit en Austrasie, où le duc Peppin, se sentant délivré, récompensa ce crime des plus riches présents.

On raconta, pour Ébroin, comme on l'avait fait pour Dagobert, que le jour même de sa mort, le bruit d'un navire remontant la Saône à force de rames avait été entendu, et qu'une voix terrible en était sortie, criant: « C'est Ébroin que nous cmportons à la chaudière infernale! » Et comme Ébroin, tout en étant l'ami de saint Ouen, de saint Prix, de saint Réol, de saint Égilbert, avait moins fait pour le clergé que le faible Dagobert, la légende ne fit descendre aucun bienheureux du firmament pour racheter son âme de la damnation éternelle. Toutefois l'histoire a recueilli en faveur de cet homme extraordinaire, « qui exerça sur les habitants de la Gaule un pouvoir plus grand que n'en avait jamais possédé aucun Frank », une ou deux chaleureuses protestations. A les en croire, le maire de Neustrie « réprimait virilement toutes les méchancetés et les iniquités qui se commettaient sur la surface de la terre; il châtiait les forfaits des hommes superbes et injustes; il faisait régner la paix partout. C'était un homme de grand cœur, bien qu'il fût trop cruel envers les évèques ».

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La supériorité acquise à la Neustrie par la victoire de Lafaux et les progrès ultérieurs d'Ebroin se maintint durant quelques années encore, au point que Peppin de Héristal, dont cette défaite avait sans doute ébranlé l'autorité autant qu'épuisé les ressources, s'estima heureux d'avoir pu, en livrant force otages, obtenir une trève de Waratto, le successeur d'Ébroin. Mais le parti de la guerre avait le dessus en Neustrie, et Waratto, vivement désapprouvé, se vit supplanter par son propre fils Ghislemar, qui entra brusquement en Austrasie, trompa l'ennemi, à la façon d'Ébroin son maître, par de fausses négociations, et, tombant à l'improviste sur les Austrasiens, « tailla en pièces un grand nombre de leurs nobles hommes ». Mais la nécessité pour lui de rentrer précipitamment en Neustrie, afin de maintenir, par sa présence, le coup d'État qui l'avait porté au pouvoir, permit à Peppin de respirer; puis Ghislemar périt subitement. Waratto reprit en main la mairie de Neustrie, saus plus inquiéter Peppin qu'auparavant (684); et quand il mourut à son tour, en 686, le crédit de sa veuve Ansflède lui fit donner pour successeur son gendre Bertaire, homme peu fait pour conti

nuer et achever l'œuvre d'Ébroin. « Bertaire était vain et léger, petit de taille et d'esprit. » Beaucoup de chefs neustriens refusèrent de lui obéir et envoyèrent à Peppin des otages comme gages d'alliance, « l'excitant hautement contre Bertaire et le reste de ses Franks ».

Peppin finit par céder; mais, afin de ne rien brusquer, il députa vers Thierri III, pour l'inviter à rappeler les proscrits dont l'Austrasie était pleine, et à les réintégrer dans leurs biens. Le roi, comme il le pensait bien, refusa, d'après le conseil de Bertaire, et ajouta ironiquement: « Peppin voudrait nous renvoyer des hôtes qui l'embarrassent. Qu'il prenne patience; nous irons bientôt les chercher nous-mêmes. >>

Peppin, ayant soumis cette menaçante réponse au prochain mâll austrasien, « reçut de l'assemblée le conseil qu'il avait déjà résolu dans son âme »; et se vit proclamer chef de la guerre. — Ce fut près du village de Testri, situé sur la petite rivière de Daumignon, entre Saint-Quentin et Péronne, que les deux armées ennemies se trouvèrent en présence (687). Les Annales de Metz, qui ne sont proprement qu'un panégyrique de Peppin et de toute sa maison, affirment que jusqu'au dernier moment le duc austrasien montra une modération extrême et proposa une fois encore la paix au roi de Neustrie, lui offrant mème de grandes sommes d'or et d'argent pour qu'il accordàt la restitution des biens des proscrits et des églises; mais que Bertaire, confiant dans « l'innombrable multitude de peuple » qu'il avait sous ses ordres, ne voulut rien entendre. Peppin prit alors d'habiles dispositions, simula un mouvement de retraite, et de fait tourna l'ennemi, pour avoir, au moment du combat, le soleil à dos. La bataille fut longue, et les Neustriens, tout mal commandés qu'ils étaient, se battirent avec acharnement. Le roi Thierri et Bertaire s'enfuirent les premiers, « laissant tous les chefs de leur armée abandonnés au tranchant du glaive ». Mais la courageuse Ansflède, indignée de cette lacheté, fit égorger son gendre par les compagnons mêmes de sa fuite. Quant à Thierri, il arriva sain et sauf à Paris, mais pour y attendre le vainqueur et se remettre à sa discrétion. « Peppin lui conserva respectueusement le nom de roi, et prit, comme son propre bien, le gouvernement de tout le royaume, les trésors royaux et le commandement de toute l'armée des Franks. >>

La victoire de Testri rendait à l'Austrasie la prééminence politique qu'Ebroin lui avait enlevée. Peppin ne voulut rien de plus; tout en faisant droit aux réclamations des proscrits, il s'appliqua à prévenir toutes représailles, tout abus de la force; il lui tardait que les guerres civiles, dans lesquelles la nation franke s'épuisait depuis trop longtemps, fussent définitivement closes, pour pouvoir tourner ses armes contre les ennemis du dehors. Tous les peuples tributaires d'au delà du Rhin avaient secoué le joug: au sud de la Loire, l'Aquitaine et la Gascogne n'obéissaient plus qu'à

leur duc Eudes; les villes de la Bourgogne et de la Provence formaient autant de républiques indépendantes et tumultueuses; enfin le roi de Bretagne, Allan, ne reconnaissait plus le traité conclu par son père, saint Judicaël, avec le roi Dagobert, et laissait ses peuples désoler par leurs incursions les frontières occidentales de la Neustrie. Il s'agissait donc pour Peppin de reconstituer par la guerre l'ancienne monarchie franke. Pour ne pas s'énerver et pour se réserver sa pleine liberté d'action, il se garda d'imiter l'exemple des rois Dagobert et Childéric, et de changer le séjour de l'Austrasie contre celui de la capitale neustrienne; il laissa auprès du faible et insignifiant Thierri un de ses fidèles, nommé Norbert, en qualité de vice-maire, et retourna, peu de temps après sa victoire, dans ses villas de Héristal ou de Landen. Mais, voulant réveiller l'ardeur guerrière des Neustriens par la restauration des lois et coutumes barbares qu'Ebroin avait à dessein bouleversées, il revint chaque année présider le grand mall du premier mars, où tous les membres de la « noble nation des Franks » durent se rendre sous peine d'amende. Le roi Thierri, reconnaissable à sa couronne d'or, à sa longue barbe et à ses cheveux flottants, y représentait un monarque en effigie, donnait audience aux ambassadeurs venus de toutes les régions étrangères, leur rendait, comme de sa propre volonté, les réponses qui lui avaient été suggérées ou plutôt dictées, recevait les présents des notables franks, parlait en faveur de la paix, de la protection des églises, des veuves et des orphelins, prescrivait à l'armée de se tenir prête à partir pour le jour et le lieu qui seraient ultérieurement indiqués. Ces choses faites, Peppin renvoyait le roi à la villa de Maumaques, entre Compiègne et Noyon, pour y être gardé avec honneur et respect, Landis que lui, «< ceint de vigueur », gouvernait le royaume des Franks, à l'intérieur par la justice et la paix, à l'extérieur par la prudence et la force de ses armes invincibles. Le Mérovingien, sauf le vain titre de roi et une pension alimentaire que le maire du palais lui octroyait, n'avait rien en propre que cette soule villa, d'un modique revenu, qui lui servait à entretenir le petit nombre de domestiques nécessaires à son service.

CAMPAGNES DE PEPPIN DE HÉRISTAL.

La première campagne de Peppin fut dirigée contre le roi des Frisons Radbod, et lui soumit de nouveau la Frise citérieure; mais dix fois les Frisons reprirent les armes, secondés par de terribles diversions des Saxons, des Allemans, des Sueves ou Souabes, des Bavarois, des Thuringiens. Ce n'était pas tant une guerre de conquêtes que Peppin avait ainsi entreprise qu'une croisade de la « nation chrétienne des Franks » contre les farouches et obstinés sectateurs d'Odin; témoin cette vaillante et pacifique phalange des Willebrod, des Rutbert, des Wulframn, et autres missionnaires,

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vingt-deux ans de pénibles efforts, combinés avec les travaux apostoliques des missionnaires, Peppin eut la gloire de rattacher les Allemans à la monarchie franke par le double lien du tribut et du service militaire. Il conclut aussi une paix solide avec les Frisons, et la cimenta en mariant à la fille de Radbod, leur duc, son second fils Grimoald, qui avait remplacé Norbert comme vicemaire du palais de Neustrie auprès du petit roi Childebert, fils cadet et deuxième successeur du roi fainéant Thierri. Rabdod laissa dès lors précher l'évangile parmi son peuple: lui-même avait été au moment de recevoir le baptême, lorsque la fougue intolérante de saint Wulframn froissa ses plus chères traditions de famille et le rejeta en arrière, sans pourtant le rendre à ses haines passées.

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