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Signature de Dagobert Ier au bas d'un diplôme de l'an 628. - Direction générale des Archives.

son arbitrage; l'empereur Héraclius rechercha son alliance par de pompeuses ambassades, et les Visigoths d'Espagne, quand la mort de Caribert (630) l'eut rendu leur voisin, sollicitèrent et payèrent deux cent mille sols d'or une intervention de ses armes, qui devait mettre un terme à la lutte sanglante des chefs Sisebod et Sisenax (631). Mais,

enivré de ces respects, de ces flatteries des peuples et des souverains, le roi Frank commença à déployer dans ses villas du Parisis, à Clichi surtout, un faste inouï qui rappelait, en la surpassant, la somptuosité de son aleul Chilpéric. Puis il eut, nous dit Frédégaire, à l'instar de Salomon, trois reines à la fois et une multitude de concubines » qu'il pa

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Croix émaillée attribuée à saint Éloi (1) et conservée autrefois dans l'abbaye de Saint-Martin lez Limoges.

Pour suffire à sa renommée et soutenir la gloire fastueuse qui l'entourait, Dagobert fut forcé de chercher de nouvelles ressources financières, de (') L'abbé Texier, Essai sur les argentiers et les émailleurs de Limoges, pl. I. Cette croix a été réparée en 1625. On ignore ce qu'elle est devenue.

violer les garanties de la constitution de 644, et de mécontenter non-seulement ses leudes, surtout ceux de l'Austrasie, mais ses plus fidèles serviteurs, tels qu'Arnulf, évêque de Metz, et Peppin de Landen. Arnulf en quitta son siége et alla cacher son chagrin dans un ermitage, au fond des Vosges; Peppin, plus

rassis, plus circonspect, sans rompre ouvertement avec le roi, devint le chef de l'opposition nationale, opposition d'autant plus dangereuse qu'elle se manifestait ordinairement par un mauvais service militaire, par le refus de répondre au ban de guerre, ou, ce qui est pis, par la làcheté et la défection en présence de l'ennemi. Déjà, dans une expédition entreprise contre les Wendes de Bohème pour venger le pillage qu'ils faisaient des caravanes frankes qui se rendaient à Constantinople par la vallée du Danube, les leudes austrasiens, en làchant pied, avaient décidé la déroute du reste de l'armée, et coûté à Dagobert, avec la honte d'une défaite, celle de ne plus oser punir les incursions des Serbes d'entre l'Elbe et l'Oder; il était réduit par suite à laisser désormais au dévouement douteux des Saxons, moyennant la remise de leur tribut annuel, le soin de couvrir sa frontière de l'est. Devenu méfiant et cruel, Dagobert attira en Neustrie et y retint comme otages Peppin et plusieurs autres ducs austrasiens. Son biographe l'accuse d'avoir été au moment d'ordonner leur supplice, dans le même temps sans doute où, après avoir accordé asile chez les Bavarois à dix mille Bulgares fugitifs, il se débarrassait en une nuit, par un massacre général, de ces hôtes incommodes.

A la demande des Austrasiens, Dagobert leur avait donné pour roi, en 633, son fils Sigebert; mais il destinait son second fils, son fils préféré (plus tard Clovis II), à régner après lui sur ce peuple docile de Neustrie, dont le dévouement toujours prêt lui avait permis, tout récemment encore, d'atteindre les Wascons dans leurs montagnes, les Bretons dans leurs bruyères. Il voulut assurer à tout jamais sa prépondérance sur l'Austrasie, et, à cet effet, consacra, dans un acte solennel, la réunion définitive de la Bourgogne à sa chère Neustrie. Le Neustrien Ega, qui avait remplacé Arnulf et Peppin dans sa faveur, devait, en cas qu'il lui arrivât malheur, prendre en main, avec la reine Nanthilde, la tutelle du jeune roi. Ces divers règlements, qui datent de l'année 634, attestent chez Dagobert le pressentiment d'une fin prématurée. Effectivement, en janvier 638, il tomba malade « d'un flux de ventre »>, suite probable de son intempérance, dans la villa d'Epinaisur-Seine, et n'eut que le temps de se faire transporter dans la basilique de Saint-Denys, somptueuse création de sa piété, où il désirait être enseveli.

Une curieuse légende, sculptée au treizième siècle sur son tombeau, raconte qu'au moment où il mourut, un solitaire des îles Lipari eut une vision qui le somma de se lever et de se mettre en prière pour l'âme du grand roi des Franks qui venait d'expirer; il obéit, et découvrit bientôt sur la mer une barque chargée de spectres horribles qui conduisaient, en la maltraitant, vers l'ile de Stromboli, l'une des bouches de l'enfer, une figure humaine enchaînée, laquelle se débattait en invoquant les saints martyrs Denys et Maurice et le saint confesseur Martin; puis une tempête épou

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En comparant le règne de Dagobert à ceux qui e précèdent et à ceux qui le suivent, la fable des trois visions de Childéric (p. 434) se représente aux yeux. Les premiers enfants de Childéric et de Basine étaient des lions et des tigres; Dagobert est le dernier des Mérovingiens pacifiés et affaiblis. Après lui, nous arrivons à la décrépitude, à ce que l'on a nommé l'ère des rois fainéants, fantômes de rois à qui rarement on laisse le temps d'atteindre l'àge d'homme, et que des maires du palais tirent du néant ou y replongent au gré de leurs ambitions, sans que l'histoire ait daigné tenir compte de leurs actions et à peine même de leurs éphémères existences. L'histoire d'ailleurs n'a plus non-seulement l'abondance et la vie des récits de Grégoire de Tours, mais même la sèche précision de son continuateur Frédégaire celui-ci cesse d'écrire avec l'année 642, et fait place à des chroniqueurs plus brefs, plus arides, plus obscurs que lui, à d'infideles et ineptes biographes, à de crédules légen

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- Direction générale des Archives.

Signatures de Clovis II et de saint Éloi au bas d'un acte de l'an 653.
(Chlodovicus [sanctus rex] rex subscripsi... In Christi nomine Eligius episcopus subscripsi.)

gogne, âgé de cinq ans, fut confié, comme nous l'avons dit, à Ega, qui, au rapport du biographe de Peppin, son émule, « apporta dans le gouvernement des affaires une expérience consommée; à la guerre, se distinguant par son courage, et en temps de paix, par son équité et par la fermeté de son caractère; sachant allier une fidélité à toute épreuve envers le roi, avec une sincère sollicitude pour les intérêts de la nation. » Le grand secret pour gouverner dans ces temps difficiles était de

s'assurer le concours des évêques, pour qui le pacte de 644 avait été une sorte d'intronisation politique. Æga et Peppin de Landen s'y appliquèrent et y réussirent c'est en mariant une de ses filles au fils du célèbre Arnulf, évêque de Metz; c'est en aidant le chorévêque saint Amand dans ses travaux apostoliques, et en coopérant à la création de l'abbaye de Nivelles et à celle de Saint-Bavon de Gand, que Peppin de Landen fonda la grandeur de sa maison.

Le jeune roi Sigebert II, son pupille, prit exemple sur lui, et, comme lui, mérita d'être rangé au nombre des saints, en fondant et en dotant force abbayes au fond des Ardennes; mais Grimoald, fils de Peppin, à qui celui ci avait trans

Sceau de Sigebert II, trouvé à Trèves.

mis, en mourant (639), ses droits à la dignité de maire du palais, se perdit en ne voulant user d'aucun ménagement. Après quatorze ans d'une administration orageuse et contestée au dedans comme au dehors, qui, entre autres dommages, avait coûté à l'Austrasie la perte de l'antique tribut thuringien, il se crut assez fort pour tout oser et

la nation tout entière contre l'ambitieux, qui, jugé par une assemblée solennelle, périt dans d'affreux supplices, ainsi que son fils, innocent complice, le petit Childebert.

Comme on ignorait ce qu'était devenu Dagobert II, les trois royaumes franks se trouvèrent de nouveau réunis pour un instant dans une seule main, celle du roi Clovis II, ou plutôt du maire Erkinoald, successeur d'Ega, « comme lui ami de la paix, et plein de déférence et de bonne volonté envers les évêques ». Car si le roi Sigebert avait en quelque sorte abdiqué le pouvoir au profit de sa dévotion, son frère Clovis l'avait fait au profit de sa paresse et de ses débauches : « souillé de toute espèce d'impureté, séducteur de femmes, adonné à la gourmandise et à l'ivrognerie », il périt d'une mort misérable et mystérieuse, quelques mois après son frère.

L'auteur anonyme des Gestes des rois franks prétend qu'un jour la fantaisie lui ayant pris d'avoir dans sa chapelle ambulante des reliques de saint Denys, il se fit ouvrir d'autorité le saint tombeau, et osa rompre un os du bras du martyr; mais qu'au moment de l'emporter, l'horreur, le silence de la crypte, joints à la conscience de son sacrilége, le frappèrent de démence, et que, quand il mourut, en 656, il était fou déjà depuis deux

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ans.

Figure de Clovis II, gravée sur un tombeau qui était autrefois à Saint-Denys (1).

substituer d'un coup sa propre dynastie à celle des Mérovingiens dégénérés. A la mort de Sigebert (656), il fit tonsurer et conduire secrètement en Irlande l'héritier légitime, le jeune Dagobert II, tandis qu'il plaçait Childebert, son propre enfant, sur le trône. Cette tentative prématurée souleva

(') Euvre du temps de saint Louis,

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Il laissait trois fils en bas âge: Clotaire, Childéric et Thierri. Erkinoald fit proclamer l'aîné seul roi, sous le nom de Clotaire III, et partagea la tutelle avec la pieuse Bathilde, mère des trois jeunes princes, qui lui devait, dit-on, sa grandeur : c'était une esclave anglo-saxonne, qu'Erkinoald avait été au moment d'épouser par amour, et que, par politique, il avait mariée au roi Clovis. Sur le trône, elle s'était souvenue des misères de sa condition première et avait employé ses trésors au rachat de milliers d'esclaves. Erkinoald imitait ce beau zèle, et, suivant une ancienne tradition, c'est lui qui céda à saint Landri, évêque de Paris, l'emplacement nécessaire à la construction de l'HôtelDieu de cette ville, pieux établissement qu'il dota le premier. Le premier aussi, il joignit le titre de comte de Paris à celui de maire du palais. Mais sa mort (675), et l'avénement à la mairie de Neustrie du fier et ambitieux Ébroin, allaient amener pour toute le Gaule septentrionale une ère de troubles et de sanglantes vicissitudes.

« Ébroin, homme de naissance infime, dit la légende de saint Ragnebert, n'aspirait qu'à tuer, à chasser ou à dépouiller de leurs honneurs tous les Franks de haute race, pour leur substituer des gens de basse origine. » Ce peu de lignes résument exactement le rôle du terrible niveleur, que les leudes avaient imprudemment porté au pouvoir suprême. En effet, à suivre le cours de ses impitoyables exécutions, on y reconnaît en même temps

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